La romancière haïtienne Yanick Lahens, prix Femina 2014 pour son ouvrage "Bain de lune", revient sur le séisme qui a dévasté son pays en janvier 2010. "Haïti va mal", dit-elle. "Parce que les hommes politiques appelés à nous gouverner ont l’air de n’avoir pas appris de leçon."
Le 12 janvier 2010, Haïti était ravagé par un terrible séisme, faisant environ 300.000 morts et autant de blessés. Cinq ans après, l’écrivaine haïtienne Yanick Lahens, prix Femina 2014 pour son roman « Bain de lune » (Sabine Wespieser éditeur) fait le point pour La1ere.fr.
Cinq ans après le séisme, le traumatisme est-il toujours présent dans les cœurs et les esprits ? Plus généralement, comment se porte Haïti ?
Yanick Lahens : Oui le traumatisme est encore dans les coeurs et les esprits. Comment oublier un tel événement ? Haïti va mal. Parce que les hommes politiques appelés à nous gouverner ont l’air de n’avoir pas appris de leçon. Parce que les minces progrès auraient pu être bien plus grands si nous avions appris.
Il y a eu de grosses polémiques sur l’utilisation de l’aide internationale par les ONG occidentales, une aide qui finalement n’aurait pas beaucoup bénéficié à la population haïtienne. Qu’en pensez-vous ?
D’abord l’aide n’a jamais développé aucun pays. C’est un sérum pour aider un agonisant à tenir. Elle n’aide que si celui qui la reçoit l’inscrit dans une politique économique qui vise avant tout à l’autonomisation. Et d’ailleurs l’aide corrompt et celui qui donne et celui par lequel il transite. Celui à qui elle est destinée ne reçoit que trop peu.
Vous qui êtes écrivain, quel peut être le rôle de la culture et de la littérature, dans le cadre de la reconstruction et du développement d’Haïti ?
La culture haïtienne comprend la culture francophone des « élites » qui date de la fin du XVIIIe siècle, celle des couches populaires paysannes qui s’est inventée à partir de l’indépendance et celle de la culture populaire urbaine. Aujourd’hui elle est en pleine mutation comme la société dont toutes les couches sont aujourd’hui ouvertes sur la région et le monde. Ce qui a modifié énormément le paysage, ne serait-ce que l’existence d’une littérature en anglais et en espagnol. La création culturelle s’est toujours adossée à ces piliers-là, si bien que c’est ce qui nous permet de tenir et de transcender soit les commotions incessantes et de toutes sortes soit les difficultés de toujours. La création est notre oxygène.
Mais si on prend la culture dans le sens anthropologique je pense que nous devrions nous Haïtiens organiser un événement à la dimension de ce qui a été fait en Afrique du Sud après l’apartheid pour repartir autrement. Le système a fait son temps, celui de ceux qui ont comme celui de ceux qui n’ont pas. Je vous réfère au livre que j’ai écrit à la suite du tremblement de terre de 2010 et qui s’intitule : « Failles » (Sabine Wespieser éditeur, ndlr).
Yanick Lahens, « Guillaume et Nathalie » - Sabine Wespieser éditeur – avril 2013, 180 pages, 18 euros.
Cinq ans après le séisme, le traumatisme est-il toujours présent dans les cœurs et les esprits ? Plus généralement, comment se porte Haïti ?
Yanick Lahens : Oui le traumatisme est encore dans les coeurs et les esprits. Comment oublier un tel événement ? Haïti va mal. Parce que les hommes politiques appelés à nous gouverner ont l’air de n’avoir pas appris de leçon. Parce que les minces progrès auraient pu être bien plus grands si nous avions appris.
Il y a eu de grosses polémiques sur l’utilisation de l’aide internationale par les ONG occidentales, une aide qui finalement n’aurait pas beaucoup bénéficié à la population haïtienne. Qu’en pensez-vous ?
D’abord l’aide n’a jamais développé aucun pays. C’est un sérum pour aider un agonisant à tenir. Elle n’aide que si celui qui la reçoit l’inscrit dans une politique économique qui vise avant tout à l’autonomisation. Et d’ailleurs l’aide corrompt et celui qui donne et celui par lequel il transite. Celui à qui elle est destinée ne reçoit que trop peu.
Vous qui êtes écrivain, quel peut être le rôle de la culture et de la littérature, dans le cadre de la reconstruction et du développement d’Haïti ?
La culture haïtienne comprend la culture francophone des « élites » qui date de la fin du XVIIIe siècle, celle des couches populaires paysannes qui s’est inventée à partir de l’indépendance et celle de la culture populaire urbaine. Aujourd’hui elle est en pleine mutation comme la société dont toutes les couches sont aujourd’hui ouvertes sur la région et le monde. Ce qui a modifié énormément le paysage, ne serait-ce que l’existence d’une littérature en anglais et en espagnol. La création culturelle s’est toujours adossée à ces piliers-là, si bien que c’est ce qui nous permet de tenir et de transcender soit les commotions incessantes et de toutes sortes soit les difficultés de toujours. La création est notre oxygène.
Mais si on prend la culture dans le sens anthropologique je pense que nous devrions nous Haïtiens organiser un événement à la dimension de ce qui a été fait en Afrique du Sud après l’apartheid pour repartir autrement. Le système a fait son temps, celui de ceux qui ont comme celui de ceux qui n’ont pas. Je vous réfère au livre que j’ai écrit à la suite du tremblement de terre de 2010 et qui s’intitule : « Failles » (Sabine Wespieser éditeur, ndlr).
Derniers ouvrages parus
Yanick Lahens, « Bain de lune » (prix Femina) - Sabine Wespieser éditeur – septembre 2014, 273 pages, 20 euros.Yanick Lahens, « Guillaume et Nathalie » - Sabine Wespieser éditeur – avril 2013, 180 pages, 18 euros.
Lire un extrait de "Failles" de Yanick Lahens, sur le séisme de 2010
Extrait de "Failles" (Yanick Lahens)