Syriza veut sauver Larco et le nickel grec, concurrents de la SLN calédonienne

Manifestation d’ouvriers métallurgistes contre la privatisation de Larco, en décembre 2012.
Les négociations s'annoncent longues et difficiles. Alexis Tsipras, le nouveau Premier ministre grec, devrait entamer un bras de fer avec la Troïka (FMI, Banque centrale, Commission européenne) sur la question du nickel. 
Dans un pays dévasté par des années d'austérité, il s'oppose radicalement à la privatisation de l'entreprise Larco-Nickel. Le groupe minier et métallurgique fait partie, selon lui, de la "richesse nationale" et de sa "tradition ouvrière et industrielle".
 

Le nickel et la Grèce, une longue histoire

Les origines de la métallurgie (du grec metallourgeîn qui veut dire "exploiter une mine) remontent à l'antiquité. Les premiers alliages de fer et de nickel ont été réalisés dans la région du Péloponnèse, 1500 ans avant notre ère. Au cinquième siècle, le fer et le nickel des forges helléniques ont fourni les armes d'Athènes et de Sparte. En cette fin de janvier 2015, le nouveau gouvernement grec s'est trouvé un allié inattendu : le très sérieux Financial Times, le journal préféré des Traders de la bourse des matières premières de Londres.
 
Éditorialistes, industriels et financiers, tous font preuve de réalisme et plaident en faveur d'un arrangement avec Syriza. Un dossier attire l'attention, celui de Larco Nickel, l'emblématique groupe minier et industriel. Larco est l'un des cinq grands producteurs mondiaux de ferronickel. Le minerai provient de trois grandes mines au nord d'Athènes. Au pied d'un convoyeur long de huit kilomètres, se trouvent le port et l'usine de fusion du métal de Larymna, dont la silhouette n'est pas sans rappeler celle de l'usine Eramet-SLN de Nouméa. Dans la banlieue d'Athènes, au siège de Larco Mining Company, le directeur commercial Nikos Georgakopoulos, se félicite de "la forte progression du dollar par rapport à l'euro, profitable aux producteurs de nickel", car le nickel est payé en monnaie américaine.
 

Patriotisme de gauche et richesse nationale

Le nouveau chef du gouvernement, Alexis Tsipras s'est entouré d'économistes de gauche qui vont devoir négocier avec les créanciers de la Grèce. Ils sont déterminés à obtenir des garanties pour le dernier fleuron industriel du pays. Le dossier du nickel est considéré comme relevant de "l'intérêt national", selon les termes utilisés par les dirigeants de Syriza. Le vent pourrait donc tourner favorablement pour le premier producteur européen de ferronickel, longtemps dénigré comme une entreprise publique peu rentable. Larco sera donc un enjeu sensible, d'autant que ses concurrents pourraient demander le remboursement par Athènes, des subventions perçues par l'entreprise. Elles s'élèveraient à 135 millions d'euros.

Larco le Grec concurrent du SLN le Calédonien

Il y a encore trois ans, Larco devait être démantelé. La reprise, envisagée par un fonds d'investissement, s'est finalement heurtée au montant des dettes impayées du producteur grec de nickel. Le fonds qui voulait reprendre l'entreprise, sans les rembourser, a essuyé un refus de la Commission européenne. Larco reste donc détenu majoritairement par l'État grec. Aujourd'hui, le groupe minier reste dans une situation précaire, confronté à la quasi-faillite du secteur bancaire hellénique, ce qui lui impose d'autofinancer sa modernisation.
 
Or, Larco a pour principal handicap sa consommation d'électricité qui représente plus de 30 % du total de ses coûts d'exploitation. Une charge qui pèse sur la rentabilité des 30.000 tonnes de grenailles produites chaque année. Le ferronickel grec contient 17 à 21 % de nickel et seulement 0,1 % de carbone. Le Larco 17/21 est donc un métal sans impureté et un concurrent du SLN 25, le ferronickel calédonien. En Europe, les clients de Larco ou d'Eramet-SLN sont les mêmes, ce sont les grands aciéristes de l'inox : le franco belge Aperam, l'allemand Thyssen, le finlandais Otokumpu et l'italien Terni. Toutefois, le producteur grec ne possède pas le vaste réseau mondial d'exportation de ses concurrents, Eramet, Norilsk, Glencore ou Vale.
 

Le nickel, symbole de la nation grecque

Quoi qu'il en soit, le langage combattif et l'aspiration à sauver l'un des derniers fleurons de l'industrie grecque font partie du credo de Syriza. Le district de l'Attique, où se trouve Larco, veut aussi promouvoir une politique tournée vers le développement industriel. Le groupe minier emploie près de 1300 salariés et fait vivre plus de 10.000 personnes. La région, privée de la manne touristique, ne pourrait supporter la perte de son usine historique et des quatre mines qui l'alimentent. Alexis Tsipras, qui porte les espoirs des métallurgistes du nickel, entend sauver Larco et empêcher "le grand crime économique et social contre la nation grecque".