Expédition en Guyane : “Des isopodes géants et charognards !” (volet 1)

Le Bathynomus, un isopode géant et charognard, trouvé lors de l'expédition du Muséum national d'histoire naturelle
Les premiers résultats de l’expédition marine effectuée en juillet-août 2014 ont été rendus publics mercredi dernier au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Malgré des conditions de plongée très difficiles en Guyane, des dizaines d’espèces nouvelles ont été découvertes. 
"Cette expédition est née d’une volonté locale", explique à La1ère Philippe Bouchet, le responsable de cette mission organisée par le Muséum national d’histoire naturelle. "Avec les recherches de pétrole au large de la Guyane (qui, pour l’instant, n’ont rien donné), les Guyanais ont eu envie d’avoir un état des lieux de leur biodiversité marine. Pour être franc, ajoute Philippe Bouchet, je ne me serais pas lancé dans cette expédition si on ne m’avait pas demandé de la faire. Les conditions de plongée sont mauvaises, il y a très peu de visibilité. Mais aujourd’hui, je suis fier d’être à l’origine d’une étude sérieuse, un point zéro de la biodiversité marine de la Guyane au 21e siècle". Ecoutez Philippe Bouchet :
 


Les isopodes, version "Dark Vador" de Guyane

Des espèces surprenantes ont pu être découvertes. "Certes, les chiffres n’ont rien à voir avec les expéditions marines que l’on peut mener dans le Pacifique ou dans l’océan Indien, mais on a pu observer des espèces étonnantes d’anguilles, de porcelaines ou encore ces isopodes géants. On en trouve dans toutes les mers du monde, mais de cette taille c’est assez unique", précise Philippe Bouchet. "Ça fait un peu penser à Dark Vador !"
 
Bathynomus, isopode géant charognard trouvé en Guyane lors de l'expédition du Muséum national d'histoire naturelle en juillet-août 2014


Expédition à bord du Hermano Gines

L’expédition marine organisée par le Muséum a rassemblé une équipe internationale de 42 personnes, parmi lesquels une chercheuse du Brésil, un capitaine de pêche guyanais et un marin breton capable de réparer n’importe quel filet. La Guyane n’ayant pas de bateau de recherche, c’est à bord du Hermano Ginez, basé au Venezuela, que la campagne en haute mer s’est déroulée. L’équipe de chercheurs s’est ensuite installée sur l’île Royale et a observé la faune et la flore marine des îles du Salut connues pour leur biodiversité plus riche. Regardez cette vidéo faite le Muséum national d'histoire naturelle :
 


Laboratoire dans les anciens bâtiments du bagne

Sur place, les chercheurs ont installé leur laboratoire dans les bâtiments occupés au 19e siècle par les gardiens du bagne. "Les séances de plongée avaient toujours lieu le matin, on avait visé la saison sèche, précise Philippe Bouchet, mais même en essayant de mettre toutes les chances de notre côté, 95 % du temps, il n’y avait pas de visibilité. A plus de 6 mètres de profondeur, c’est le noir". Malgré tout, les découvertes sont au rendez-vous et "lors de la fête de la science, des classes sont venues nous rendre visite dans notre laboratoire improvisé", se réjouit Philippe Bouchet. Un concours sera prochainement organisé sur place afin que les jeunes de Guyane choisissent les noms des nouvelles espèces découvertes en Guyane par l'équipe du Muséum.
 
Classe de Guyane en visite dans le laboratoire du Muséum sur l'île Royale

 

Vue des îles du Salut


Un inventaire complet

"La flore et la faune marines de Guyane passent pour pauvres, voire très pauvres. C’est la plus grande côte vaseuse du monde avec des eaux turbides et dessalées peu favorables à la biodiversité", indique le responsable de l’expédition marine. "Toutefois, la campagne en haute mer a permis de recenser 115 espèces d'échinodermes (oursins, étoiles de mer), alors qu'une vingtaine, seulement, avaient été répertoriées jusqu'à présent, précise Philippe Bouchet. De même, elle a inventorié au moins 180 espèces de crustacés décapodes (crabes, crevettes) contre 57 auparavant, et plus de 500 espèces de mollusques, contre 366 connues précédemment. L'inventaire effectué à proximité des îles du Salut a permis de collecter environ 400 espèces d'algues et d'invertébrés".
 


De la Guyane au "monastère" de Besse

Philippe Bouchet ajoute que "ces chiffres ne sont pas définitifs, car le tri est encore en cours à Besse, une petite commune d’Auvergne". C’est là que les chercheurs du Muséum se retrouvent depuis leur expédition en Guyane. "Là-bas, dans notre  "monastère" de Besse, on peut s’étaler pour bien étudier les espèces récoltées. Et puis il y a un petit bar-restaurant où l’on se retrouve le midi pour parler de nos découvertes." 
 
Besse en Auvergne