C'est parti pour les jours gras ! La1ere.fr vous propose un lexique non-exhaustif du carnaval en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, pour tout savoir de Vaval, des vidés et autres Touloulous... Vos suggestions sont les bienvenues !
En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, le carnaval est loin de se limiter au mardi gras. Pendant près de deux mois, entre l'Epiphanie (le 6 janvier) et le mercredi des cendres (lendemain du mardi gras), ces trois départements d'Outre-mer vivent au rythme de cette grande fête païenne et populaire : une véritable institution. L'occasion pour la quasi-totalité de la population de se réunir et de se défouler avant le carême. La1ere.fr vous propose un modeste lexique (non-exhaustif) des termes les plus courants : une sorte de "carnaval pour les nuls". Cliquez sur les termes ci-dessous pour accéder à leur définition. Libre à vous de compléter la liste ou d'apporter des précisions en nous laissant un commentaire en bas de page, sur facebook ou encore sur Twitter @la1ere. Vous pouvez aussi nous écrire à l'adresse redactionoutremer1ere@gmail.com !
Spécificités guyanaises, les bals parés-masqués sont des bals costumés organisés pendant la période carnavalesque. Règle importante : ce sont des personnages féminins (les "touloulous") qui donnent la cadence et invitent les messieurs à danser (les cavaliers). A noter l’existence de deux salles historiques où se déroulent les bals parés-masqués en Guyane : chez Nana (Cayenne) et chez Polina (Matoury). Regardez cette-vidéo tournée en 2009 chez Polina, la musique est assurée par le groupe mythique des Mécènes :
Les sanglots des pleureuses n'y font rien : le bûcher du roi Vaval intervient irrémédiablement le mercredi des cendreset marque la fin du carnaval. En Martinique, sa mort est même annoncée à la radio. Ecoutez ci-dessous l'avis d'obsèques 2014 du Vaval martiniquais. Attention, franche déconnade.
Les bwa bwa (bois bois) sont des marionnettes confectionnées à partir d'un support en bois, de tissus, de feuilles séchées ou de papier mâché. Pendant la période du carnaval, le roi Vaval est bien souvent représenté par un bwa bwa. Fabriqué en matériaux hautement inflammables, le bwa bwa se prête parfaitement à la tradition du bûcher de Vaval, lemercredi des cendres.
Regardez ci-dessous le reportage de Martinique 1ère sur la fabrication d'un bwa bwa par des écoliers du Marigot :
Lors des défilés et des vidés, des musiciens jouent souvent au sein de groupes à pied : des orchestres costumés et mobiles composés essentiellement de percussions et de cuivres. D’autres musiciens jouent également avec des calebasses remplies de graines (les "chachas") ou des conques de lambis pour les sifflets. Voir ci-dessous le groupe guyanais Kassialata, qui a remporté le concours Mizik Lari 2015 à Rémire-Montjoly le 8 février :
En Guadeloupe, on ne parle pas uniquement degroupes à pied, mais également de groupes à po (en référence aux peaux qui recouvrent les tambours). En s’éloignant d’une certaine représentation festive et policée du carnaval, ils se rapprochent de l’esprit des mas. "En Guadeloupe, on a un carnaval où la tradition et les revendications vont beaucoup transparaître, explique le sociologue guadeloupéen Fabrice Desplan, invité de 7 en Outre-mer, sur France Ô. La transmission des traditions et du passé est très importante. Le carnaval, c’est l’occasion de montrer le côté festif, mais aussi l’héritage historique : la violence de la colonisation, de l’esclavage..." Parmi les formations historiques, on peut citer les groupes à poVoukoum ou Akiyo. Voir ci-dessous un défilé nocturne de Voukoum en 2013 en Guadeloupe :
Originaire des Trois-Ilets, berceau martiniquais de la poterie, le groupe carnavalesque des hommes d’argile a fait son apparition dans les années 1990. Alors que les nèg’marrons, les nèg gwo siwo ou les mas-a-Kongo s’enduisent le corps de suie, les hommes d’argile sont recouverts de terre. Lors de leurs défilés, il leur arrive de prendre la pose. Tels des statues immobiles, ils forment alors des tableaux vivants. En l’espace de 20 ans, les hommes d’argile se sont produits en Guadeloupe, en Guyane, et même au Canada ! Regardez ci-dessous leurs performances lors du carnaval de Fort-de-France en 2014 :
Paroxysme du carnaval, les jours gras débutent généralement le samedi qui précède le mercredi des cendres. Pendant cette période, le rythme des défilés s’accélère. Les parades hebdomadaires deviennent quotidiennes. A noter que chaque jour gras présente des spécificités. Le samedi, par exemple, est parfois réservé au défilé des enfants qui paradent avec leur école. Quant au lundi gras, il débute par le vidé (ou levé) pyjama. Des milliers de personnes défilent alors en pyjama (et en rythme !) pour accompagner le lever du soleil. Voir ci-dessous le reportage de Martinique 1ère sur le vidé pyjama de Schoelcher en 2014 :
Outre le vidé pyjama, lelundi gras est également consacré aux mariages burlesques. Des femmes travesties en hommes défilent aux côtés d’hommes déguisés en femmes, de manière plus ou moins osée (comme on peut le voir sur ces deux photos prises en Martinique). Le mariage burlesque est l'une des manifestations du renversement des règles sociales pendant la période carnavalesque. "Mais le carnaval aussi un moment de réaffirmation des normes sociales !, nuance le sociologue Fabrice Desplan. Si l’on fait des choses interdites pendant un laps de temps délimité, cela montre bien que durant le reste de l’année, ce n’est PAS le cours normal des choses."
Les mas (masques) sont des personnages que l’on rencontre essentiellement en Guadeloupe. Signe caractéristique : ils se distinguent traditionnellement des autres groupes carnavalesques par leur aspect effrayant et défilent plutôt au sein des groupes à po. Il n’est pas rare qu’ils fassent claquer le fouet sur leur passage. Leur corps est généralement maquillé et ils utilisent souvent des éléments naturels pour parfaire leur déguisement : suie, feuilles de bananier séchées, cornes de bœuf… Il existe une myriade de masques différents dont vous pourrez vous faire une idée plus précise en jetant un œil aux réalisations du groupe Voukoum, très célèbre en Guadeloupe. Ces différents masques renvoient pour la plupart à des personnages historiques, à l’image des "mas-a-lous" (masques à ours) ou des "mas-a-Kongo". Précision linguistique : "Par la richesse de la langue créole, écrit la chercheuse Stéphanie Mulot, le mot mas désigne à la fois le déguisement, la personne qui le porte, la musique et la danse, ainsi que la masse populaire qu’il représente." Regardez ci-dessous les mas-a-Kongo du groupe Voukoum (images tournées par Guadeloupe 1ère en 2014 à Basse-Terre) :
Dans les rues guyanaises, impossible de les rater. Les nèg’marrons défilent après s’être enduits le corps d’huile et de charbon. Il leur arrive parfois de parader en courant, symbole de la dissidence des esclaves. En Martinique, on parlera plutôt de nèg gwo siwo. La technique est quasiment la même, à ceci près qu’ils utilisent de la mélasse de sucre de canne pour se recouvrir de suie (à l'image des mas-a-Kongo guadeloupéens). Regardez ci-dessous le reportage de Guyane 1ère sur les nèg'marrons :
Le mercredi des cendres, jour du bûcher de Vaval, les personnages des pleureuses défilent dans les rues en poussant de bruyants sanglots. Pour vous faire une idée, regardez cette vidéo postée en 2009 par un internaute de Matoury, en Guyane :
Le carnaval aux Antilles et en Guyane est indissociable de la couleur rouge. (Pour vous en convaincre, allez jeter un œil à l'entrée "mardi gras et diable rouge".) Comment interpréter l’omniprésence de cette couleur ? On s’en remet aux explications du sociologue Fabrice Desplan, invité de 7 en Outre-mer, sur France Ô : "On pense évidemment au côté sanglant, mais il n’y a rien de tangible pour étayer cette hypothèse. En Guadeloupe, ce rouge peut rappeler l’extermination des populations indiennes qui étaient sur place auparavant. Parfois, le rouge est obtenu à partir du roukou* : une graine qui était utilisée par les Indiens. C’est donc une couleur pleine de sens, qui véhicule une part importante du patrimoine historique et culturel antillo-guyanais." *Roukou dont s’enduisent d’ailleurs les mas-a-roukou guadeloupéens, à voir ci-dessous dans cette vidéo postée en 2012 :
Imaginez des milliers de gens bien serrés qui défilent dans les rues au son des percussions carnavalesques : c’est un vidé (à noter qu'on parle aussi de déboulé). D’après la chercheuse Marie-José Jolivet, le mot viendrait de l’expression "vider la salle", en référence à la pratique des artistes qui, après avoir passé la nuit à festoyer, devaient lever le camp en entraînant les fêtards dans la rue au son de leur musique. Exemple : le vidé de la parade du littoral de Kourou, le 8 février 2015 :