La Cour des comptes relance le débat sur la sur-rémunération des fonctionnaires Outre-mer

Les élus réagissent après les préconisations de la Cour des comptes sur une réforme de la sur-rémunération des fonctionnaires Outre-mer.
Si la Cour des comptes tire à boulets rouges sur la sur-rémunération des fonctionnaire Outre-mer, ce n’est pas le cas de nombreux élus ultramarins. Tour d’horizon des réactions suite à la publication, ce mercredi, du rapport annuel de la Cour.
La sur-rémunération des fonctionnaires Outre-mer est pointée du doigt, ce mercredi, dans le rapport annuel de la Cour des comptes. En place depuis 50 ans et jamais réformé, le dispositif est censé attirer les candidats loin de la métropole et compenser le coût de la vie Outre-mer. Sauf qu’aujourd’hui, "la majoration des traitements fait bien plus que compenser la différence de coût de la vie avec la métropole" et l’attractivité n’est plus un problème.
La Cour estime désormais que ce dispositif coûteux est "à bout de souffle". Elle ne préconise pas de suppression mais une "réforme d’envergure".

Un système d’un autre temps ?

"Ce système est d’un autre temps", selon Marc Laffineur, député UMP, auteur en 2003 d’un rapport parlementaire sur la sur-rémunération des fonctionnaires Outre-mer. "Il a été conçu à une époque où l’on se rendait en bateau sur ces îles, où l’éloignement était difficile et avait des conséquences fortes sur le coût de la vie. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, il est logique de le revoir." 

Une sur-rémunération à 1,18 milliard d’euros par an

En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, un fonctionnaire de l'Etat touche 40 % de salaire en plus qu'en métropole. A La Réunion, la sur-rémunération s’élève à 53,63 % et dépasse les 90% en Nouvelle-Calédonie. Le coût de la sur-rémunération des 90 000 fonctionnaires civils en poste Outre-mer est aussi dénoncé dans le rapport de la Cour des comptes qui estime qu’il pourrait être réduit à 850 millions d’euros par an, au lieu d’1 milliard 18 millions d'euros en 2012.

 

Paul Vergès contre la sur-rémunération, "à l’origine d’un apartheid social"

En déplacement à Paris, Paul Vergès, est un des rares élus des Outre-mer à prendre position contre cette sur-rémunération. "Le dispositif est à l’origine d’un apartheid social. L’île est coupée en deux, estime le sénateur de La Réunion. A la création de la sur-rémunération, il y avait 240.000 habitants à La Réunion contre un million aujourd’hui. On a créé un courant financier de plus de 600 millions d’euros par an. Conséquence : du chômage, une agriculture et une industrie qui s’effondrent". "Par respect de l’unité de la fonction publique", Paul Vergès préconise de "transformer cette sur-rémunération en épargne".

Ecoutez ci-dessous la réaction de Paul Vergès au micro d'Edwige Saint-Thomas de la radio Outre-mer 1ère :

Victorin Lurel dénonce la vision étriquée et parcellaire de la Cour

Victorin Lurel estime pour sa part qu’"il y a d’autres priorités". Selon l’ancien ministre des Outre-mer, président du conseil régional de Guadeloupe, "la Cour des comptes a une vision étriquée et parcellaire qui ne tient pas compte du cercle vertueux keynésien fondé sur la demande. La Cour des comptes doit changer de braquet."

Ecoutez ci-dessous la réaction de Victorin Lurel au micro d'Edwige Saint-Thomas de la radio Outre-mer 1ère :

Venez voir aux Marquises

Même réaction du côté de la députée de la Polynésie, Maïna Sage. "On cherche à faire des économies à tout-va au niveau national, sans tenir compte du contexte historique dans lequel cette mesure a été prise. J’invite les responsables de la Cour des comptes à venir vivre la réalité de nos territoires. Tahiti, ça va. Mais une vallée perdue dans les Marquises où il n’y a même pas de route, ce n'est pas la même histoire !"

Du courage politique pour s’y attaquer

Selon le rapport de la Cour des comptes, la sur-rémunération des fonctionnaires Outre-mer "pèse aussi lourdement sur le budget de l’Etat et des collectivités territoriales". "La manne financière issue de la sur-rémunération est captée par des privilégiés et ne bénéficie pas au développement économique des Outre-mer", constate René Dosière, député socialiste, spécialiste des dépenses de l'État. "Ce système est finalement un handicap pour le développement économique des territoires et favorise même le chômage. C’est une forme d’assistanat, non pas de la population, mais de l’économie".
Si les élus des Outre-mer défendent le système "c’est parce qu’ils tombent sous le coup d’un électorat qu’ils convoitent, estime René Dosière. Si les recommandations de la Cour des comptes sont souvent suivies d’effet, je crains que là ça ne soit pas le cas. Il faudra du courage politique pour toucher à ce système que l’on ne pourra pas changer du jour au lendemain."