Les jours fériés catholiques Outre-mer remplacés ? Réactions politiques

"Une nouvelle manière d’appliquer la laïcité" ou "une atteinte au principe d’unité de la République" ? L’amendement d’Ericka Bareigts fait débat. Il prévoit que les jours fériés correspondant à des fêtes catholiques puissent être remplacés par des "jours fériés locaux".
Les jours fériés correspondant à des fêtes catholiques pourront être remplacés Outre-mer. Ils céderont la place à des "jours fériés locaux", qui seront déterminés par le préfet. Sur proposition de la députée socialiste de La Réunion Erika Bareigts, un amendement à la loi Marcon, a été voté, samedi 14 février, à l’Assemblée Nationale. Il entrera en application si la loi Macron est promulguée et si le Conseil constitutionnel ne le censure pas (lire notre encadré en fin d'article).

Quels sont les jours fériés concernés ?

Les jours susceptibles d'être remplacés sont Noël, le jour de l'An, lundi de Pâques, l'Ascension, le lundi de Pentecôte, l'Assomption (15 août) et la Toussaint. Le texte ne permettra pas, en revanche, de remplacer les jours fériés républicains (1er et 8 mai, 14 juillet et 11 novembre).

"Des jours fériés spécifiques existent déjà"

Nathale Fanfant, secrétaire nationale UMP en charge de la lutte contre les discriminations
Dans le contexte actuel, cette proposition suscite des interrogations à droite. Selon Nathalie Fanfant, membre du comité des Outre-mer à l'UMP, "c’est beaucoup d’énergie utilisée pour rien." "Des jours fériés spécifiques aux Outre-mer existent déjà pour le Carnaval, le vendredi Saint, le 10 mai pour l’esclavage ou encore le 20 décembre (à La Réunion), remarque Nathalie Fanfant. Souligner les spécificités religieuses, en ce moment, n’est pas la meilleure idée. Cela risque de créer des crispations inutiles."

"Un risque de stigmatisation des musulmans"

Samia Badat Karam, adjointe au maire du 16e arrondissement de Paris.
De son côté, la Réunionnaise Samia Badat-Karam, également membre du Comité des Outre-mer de l’UMP, se déclare satisfaite "pour la communauté hindoue de la Réunion qui réclamait cet amendement". Elle estime toutefois que cela n’intervient pas au bon moment et s’inquiète des conséquences que cet amendement pourrait avoir au niveau national. "En métropole, l’opinion ne connaît pas notre vivre-ensemble réunionnais et je crains qu’elle y voie une énième revendication communautaire des musulmans qui seraient encore davantage stigmatisés", explique Samia Badat Karam.

"Une manière d’appliquer différemment la laïcité"

Corinne Narassiguin
A gauche, la Réunionnaise Corinne Narassiguin, porte-parole du PS, salue l’initiative. "Les Outre-mer doivent nous permettre de réfléchir à ce que peut être le vivre-ensemble de demain partout en France, explique Corinne Narassiguin. La Réunion est un terrain propice pour une nouvelle façon d’appliquer différemment la laïcité. Si on ne peut pas mettre tous les sujets sur la table et si on laisse des tabous, nous n’arriverons pas à avancer ensemble."

"Une atteinte au principe d’unité de notre République"

Dans un communiqué, le vice-président du Front national, Florian Philippot, a condamné l’adoption de cet amendement et l’a qualifiant "d’atteinte manifeste au principe d’unité et d’indivisibilité de notre République" et de "violente régression communautariste". "Avec cet amendement, on fait reculer la laïcité en distinguant les Français selon leur religion", estime Florian Philippot. "Les communautaristes de tous bords profiteront bien sûr de cette grave dérive Outre-mer pour réclamer son extension à l’ensemble du territoire national."

Réactions sur internet

Sur la toile, le sujet fait aussi débat. Certains forums de discussions (comme ici, les réactions sur le site du journal Le Figaro) affichent des commentaires virulents, notamment envers la communauté musulmane. 
"Le risque de censure constitutionnelle est limité", selon Didier Maus

Professeur de droit constitutionnel, Didier Maus estime que le Conseil constitutionnel ne devrait pas censurer l'amendement Bareigts, comme le laissait pourtant entendre Emmanuel Macron dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Selon Didier Maus, "c'est un amendement conforme à la Constitution. La Constitution ne dit rien sur les jours fériés. Elle indique que les jours fériés relèvent du Code du travail. On est dans ce cadre en donnant aux préfets la possibilité de substituer des jours fériés d'inspiration catholique par des jours fériés d'inspiration religieuse ou culturelle différente".

Concernant le risque de "cavalier législatif", Didier Maus estime qu'il est limité car la loi Macron traitant notamment la question du repos dominical, la question des jours fériés pour les Outre-mer n'est pas sans lien avec le reste de la loi.  

(propos recueillis par Martin Baumer)