Les travailleurs du combinat minier, nickel et cobalt d'Ambatovy, propriété du géant canadien Sherritt, sont en grève après le décès d'un collègue malade. Ils accusent la direction du site industriel de refus d'assistance à personne en danger. Mais les raisons de la colère sont plus profondes.
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Les damnés de la terre
La route poussiéreuse faite de graviers qui mène au centre minier est bloqueé par un barrage de fortune. Une cinquantaine d'ouvriers, le visage dissimulé par un foulard bloque l'accès à la plus grande mine de nickel de la région. La terre est de couleur ocre, le fond de l'air est rouge, les ouvriers sont en grève depuis le 16 mars. Un peu plus loin, des agents de sécurité munis de matraques attendent les consignes de la direction, dans un face-à-face où chacun fait semblant d'ignorer l'autre. Ambatovy est une immense mine de nickel, propriété de Sherritt, une puissante entreprise canadienne. A Madagascar, Sherritt s'est associée à des investisseurs japonais et sud-coréens. L'usine inaugurée en 2012 se fixe une production de 60 000 tonnes de métal. Elle représente le plus grand projet financier de l'océan indien, d'un coût de 5 milliards d'euros. Presque autant que l'usine de KNS Glencore en Nouvelle-Calédonie. Pour Ambatovy, l'attente d'un retour sur investissement et d'une rentabilité maximum pour les actionnaires, paraissent décidément incompatibles avec les droits vitaux des travailleurs malgaches.Bras de fer et coups tordus
Si le décès d'un mineur a servi d'étincelle au mouvement de protestation, les ouvriers en grève qui bloquent le site minier à Moramanga dans le centre-sud de Madagascar dénoncent aussi leurs conditions de travail, les faibles salaires, et les avantages dont bénéficient les expatriés du consortium international.La riposte de Sheritt ne s'est pas fait attendre. Deux mineurs syndicalistes ont été arrêtés, ils sont accusés du vol d'une cargaison de carburant qui représente selon la direction du géant minier " l'équivalent de 900 000 euros". Les travailleurs malgaches, toujours en détention provisoire, nient les faits et sont soutenus par les syndicats de l'usine. Sur place, la solidarité s'organise malgré les menaces des agents de sécurité envoyés par Sheritt pour casser la grève et rétablir l'accès à la mine. Dans le même temps, l'entreprise canadienne indique qu'elle est prête "à coopérer avec les délégués du personnel et les autorités pour résoudre le conflit" tout en indiquant que "la mine tourne avec une capacité réduite et que la production de l'usine de nickel n'est pas encore touchée".