Environ 200 personnes étaient réunies, ce dimanche, sur la plage de Vieux Boucau, dans les Landes, pour rendre hommage à Elio, tué par un requin à La Réunion. Dans la foule, plusieurs familles réunionnaises qui ont tout quitté pour fuir le "risque requin" et surfer sur la côte Atlantique. Reportage.
Laura Philippon, envoyée spéciale à Vieux Boucau •
"Tu vas nous manquer petit ange". Tenant le micro d’une main tremblante, Mahé, 16 ans, lit un dernier message à celui qu’elle considérait comme un "petit frère".
Près de 200 personnes étaient réunies, ce dimanche 19 avril, sur la plage de Vieux Boucau dans les Landes, pour rendre hommage à Elio, jeune surfeur du pôle espoir de La Réunion, tué il y a une semaine par un requin.
Membre du surf club de Saint-Leu, Mahé Javegny connaissait bien Elio Canestri. De Saint-Leu à Saint-Pierre, ils avaient l’habitude de surfer ensemble. La jeune fille s’adresse à son ami disparu. "Je me souviens de cette fois où tu avais pris une série de vagues énormes et où tu faisais le cake devant moi et les filles. Tu étais un ange, notre chouchou. Continue de surfer de là où tu es Elio."
Sur le sable, des photos d’Elio sont posées sur un drapeau de La Réunion avec cette inscription : "Elio lé la" au-dessus d’un cœur de pétales de rose. Autour, chacun tient une fleur à la main. La foule est rassemblée face à la mer, alors que les planches des surfeurs, posées sur le sable, écrivent le prénom "Elio".
"On ne peut pas donner le goût du surf à un jeune et lui interdire de se mettre à l’eau"
Ancienne figure du surf à La Réunion, Bruno Valverde est venu, avec ses enfants, rendre hommage à Elio. "On ne peut pas donner le goût du surf à un jeune et lui interdire de se mettre à l’eau, explique Bruno qui tenait une école de surf à l’Etang Salé. J’ai déposé le bilan il y a deux ans, on a tout quitté. Je suis arrivé ici avec 82 000 euros de dette. Aujourd’hui, on habite avec les enfants au 4e étage d’un appartement social. Fini la maison, les pieds dans l’eau à La Réunion", se désole Bruno qui se souvient d’Elio comme "d'un marmaille qui avait tout pour devenir un grand champion".
Hina, 11 ans, est elle aussi hantée par cette idée. "Si on était resté à La Réunion, je suis sûre que j’aurais été à l’eau avec Elio ce jour-là ", assure la jeune surfeuse, planche à la main.
Comme Mahé, Mattéo, Bruno, Hina et son frère Youré, ont eux aussi décidé de quitter La Réunion après l’attaque d’août 2012. Fabien Bujon est à l’eau à Saint-Leu lorsqu’il est mordu par un requin. Le surfeur a survécu mais beaucoup d’autres ont été témoins de la scène.
Ce jour-là, Hina et son frère, tous deux espoirs du surf réunionnais, demandent à leur mère de partir. "C’était trop, on voulait continuer à surfer, mais plus à La Réunion, explique Hina.
Une structure pour accueillir les surfeurs réunionnais
Au surf club de Vieux Boucau dans les Landes, le coach Vincent Guelfi, entraîne Mahé et d’autres jeunes Réunionnais exilés sur la côte Atlantique. "Pour eux, la mort d’Elio est celle de trop, ils n’imaginent plus retourner surfer à La Réunion", explique Vincent qui accueille chaque été de nombreux jeunes espoirs du surf réunionnais qui viennent s'entraîner dans la sécurité des vagues landaises le temps des vacances scolaires.
"Trouver des solutions", c’est aussi ce que souhaite Fred Robin, bouleversé par la mort d’Elio. Ce surfeur réunionnais au palmarès imposant était présent ce dimanche sur la plage de Vieux Boucau. "Je suis né à La Réunion. Quand j’étais gamin, j’ai appris à surfer aux Aigrettes, à Boucan Canot, aux Roches Noires, je n’ai jamais vu un requin. J’ai l’impression que les attaques vont crescendo aujourd’hui, il faut que ça s’arrête", implore Fred Robin qui vit désormais de sa passion à Capbreton dans les Landes.
Dans un dernier hommage à Elio, ce dimanche, après la cérémonie sur le sable, les surfeurs ont pris la mer pour former un cercle au large. Assis sur leurs planches, ils ont jeté des fleurs à l’eau avant d’applaudir et de se disperser pour surfer quelques vagues, en toute sécurité.
regardez le reportage de Laura Philippon et Jean-Pierre Magnaudet pour France Ô / Outre-mer 1ère :
Intervenants dans le reportage : Mahé Javegny, jeune surfeuse du pôle Espoir Alfredo Javegny, père de Mahé Christine Javegny, mère de Mahé