Angela Davis, icône de la lutte antiraciste, est l'invitée d'honneur de la ville de Nantes pour la commémoration de l'abolition de l'esclavage. Lundi, elle a rencontré des centaines de lycéens. Au programme : visite des salles dédiées à la traite négrière au musée d'histoire et questions en rafales.
Difficile de croire qu'elle a 71 ans. Grande, élancée, élégante, Angela Davis en impose. Invitée d'honneur de la ville de Nantes pour la commémoration de l'abolition de l'esclavage (10 mai), cette icône américaine de la cause antiraciste a passé deux heures bien remplies au musée d'histoire de la ville, ce lundi 11 mai, au sein du majestueux Château des Ducs de Bretagne. Deux heures au pas de course pour visiter les salles consacrées à la traite nantaise et rencontrer quelque 300 lycéens. Moyenne d'âge : 16 ans.
"Quand a commencé votre engagement militant ?", l'interroge Kilian, 16 ans, au beau milieu du musée (photo ci-dessus). Avec sa classe de 2nde (lycée Saint François d'Assise, La Roche sur Yon), il travaille sur le thème de l'esclavage depuis plusieurs mois (un projet de la région Pays de la Loire auquel ont participé plusieurs établissements, ndlr). D'un ton calme et bienveillant, Angela Davis lui raconte : "Quand ? Dès l'âge de 11 ans. En fait, j’appartenais à un groupe interracial dans mon église (à Birmingham, Alabama, où elle a souffert de la ségrégation dans son enfance, ndlr). En 1963, le Ku Klux Klan a déposé des bombes et fait exploser l'église. Quatre femmes noires sont mortes. Ça a été un déclic. En plus, mes parents étaient militants, donc c'est venu naturellement."
Marjolaine, en seconde au lycée Malraux à Allonnes, sac à dos bariolé sur l'épaule, attrape le micro : "Que faire, en tant qu'élèves, pour poursuivre le combat pour la liberté ?" Vaste question. "Commencez par étudier l’esclavage à l'école et le rôle qu’a joué votre pays dans la traite, répond l'intellectuelle américaine. Prenez conscience des problèmes contemporains qui en découlent, à l'image du racisme qui gangrène de nombreuses institutions : la police ou le système carcéral... Autre chose, s'empresse-t-elle d'ajouter, gardez en tête les mouvements d'émancipation des esclaves ! Il n'y pas que les mouvements abolitionnistes. Beaucoup ont arraché leur liberté, c’est important de le rappeler."
"Angela Davis, je connaissais son nom grâce à des chansons, explique la jeune fille (le morceau Angela de Yannick Noah). Puis on en a parlé en cours d'histoire. Pour moi, c'est quelqu'un qui symbolise la liberté et le courage. En plus, elle se bat encore aujourd'hui ! Quel âge a-t-elle, déjà ? 71 ans ? QUOI ?! Mais noooon..., s'étonne Chamiel. Elle est si belle ! Quand je l’ai vue arriver de loin avec sa coupe afro, j’ai tout de suite su que c’était elle. C'est comme une star pour moi !".
Un sentiment partagé par de nombreux lycéens, à en croire la cohue pour obtenir un selfie avec la militante des droits civiques. Au milieu du tumulte, les remarques fusent : "Elle a vraiment appartenu aux Black Panthers ? Wouah, la classe !".
Fouet, entraves, pointes anti-émeutes
Souriante, attentive, Angela Davis écoute avec intérêt les explications qui lui sont délivrées. Dans l'ambiance feutrée d'une pièce évoquant l'entrepont d'un navire négrier (où les captifs étaient entassés), elle passe devant un fouet, des entraves, puis s’arrête devant des pointes anti-émeutes, sortes de boules à piques utilisées pour mater les rébellions d'esclaves. "Mais... Mais c’est comme aujourd’hui !", s’exclame-t-elle (en français dans le texte), avant de dégainer son smartphone pour les prendre en photo."Quand a commencé votre engagement militant ?", l'interroge Kilian, 16 ans, au beau milieu du musée (photo ci-dessus). Avec sa classe de 2nde (lycée Saint François d'Assise, La Roche sur Yon), il travaille sur le thème de l'esclavage depuis plusieurs mois (un projet de la région Pays de la Loire auquel ont participé plusieurs établissements, ndlr). D'un ton calme et bienveillant, Angela Davis lui raconte : "Quand ? Dès l'âge de 11 ans. En fait, j’appartenais à un groupe interracial dans mon église (à Birmingham, Alabama, où elle a souffert de la ségrégation dans son enfance, ndlr). En 1963, le Ku Klux Klan a déposé des bombes et fait exploser l'église. Quatre femmes noires sont mortes. Ça a été un déclic. En plus, mes parents étaient militants, donc c'est venu naturellement."
"Commencez par étudier l'esclavage à l'école"
A la fin de la visite, la militante américaine se retrouve perchée sur une estrade, nez-à-nez avec un parterre de lycéens pendus à ses lèvres. A la question : "Pourquoi avoir accepté de venir à Nantes ?", elle répond : "Dans les années 1970, j’ai passé deux ans en prison, soupçonnée de meurtre, kidnapping et conspiration, trois chefs d’accusation passibles de la peine de mort à l’époque (silence dans la salle). Si j’ai été libérée, c’est en partie grâce à une immense mobilisation de citoyens dans le monde, et notamment en France. Je leur en suis très reconnaissante. Alors quand on m’invite dans votre pays, en général, je viens ! Et aujourd'hui, je suis très impressionnée par les efforts du musée de Nantes pour rendre cette histoire de la traite aussi concrète."Marjolaine, en seconde au lycée Malraux à Allonnes, sac à dos bariolé sur l'épaule, attrape le micro : "Que faire, en tant qu'élèves, pour poursuivre le combat pour la liberté ?" Vaste question. "Commencez par étudier l’esclavage à l'école et le rôle qu’a joué votre pays dans la traite, répond l'intellectuelle américaine. Prenez conscience des problèmes contemporains qui en découlent, à l'image du racisme qui gangrène de nombreuses institutions : la police ou le système carcéral... Autre chose, s'empresse-t-elle d'ajouter, gardez en tête les mouvements d'émancipation des esclaves ! Il n'y pas que les mouvements abolitionnistes. Beaucoup ont arraché leur liberté, c’est important de le rappeler."
"Angela Davis ? Je connaissais son nom grâce à des chansons"
Mouvements d'émancipation ? Dans l'assistance, quinze lycéens guyanais sont bien placés pour le savoir. Tous sont descendants de noirs-marrons : des hommes et des femmes qui se sont affranchis eux-mêmes du joug de leurs maîtres. Ces élèves du lycée Bertène Juminer, à Saint-Laurent du Maroni, ont d'ailleurs offert à Angela Davis une statuette saramaca, peuple descendant d'esclaves fugitifs (voir la photo de Une). Très touchée, elle leur a collé une bise. Chamiel, 18 ans, n’en revient toujours pas . "Elle m'a fait un bisou !", se réjouit-elle après coup, en se frottant les joues."Angela Davis, je connaissais son nom grâce à des chansons, explique la jeune fille (le morceau Angela de Yannick Noah). Puis on en a parlé en cours d'histoire. Pour moi, c'est quelqu'un qui symbolise la liberté et le courage. En plus, elle se bat encore aujourd'hui ! Quel âge a-t-elle, déjà ? 71 ans ? QUOI ?! Mais noooon..., s'étonne Chamiel. Elle est si belle ! Quand je l’ai vue arriver de loin avec sa coupe afro, j’ai tout de suite su que c’était elle. C'est comme une star pour moi !".
Un sentiment partagé par de nombreux lycéens, à en croire la cohue pour obtenir un selfie avec la militante des droits civiques. Au milieu du tumulte, les remarques fusent : "Elle a vraiment appartenu aux Black Panthers ? Wouah, la classe !".
Bonus
Mardi 12 mai, Angela Davis a poursuivi son séjour nantais par une visite du Mémorial de l'abolition de l'esclavage en compagnie des jeunes Guyanais du lycée Bertène Juminer. Regardez ci-dessous le reportage d'Angélique Le Bouter et Jean-Pierre Magnaudet pour France Ô/Outre-mer 1ère :"Pourquoi était-ce si important pour vous de rencontrer la jeunesse française ?" Découvrez ci-dessous la réponse d'Angela Davis (images France 3 Pays de la Loire) :