Une conférence sur l’érosion des côtes s’est tenue ce mercredi à l’Institut océanographique de Paris. La montée des eaux causée par le réchauffement accélère l’érosion. Décryptage avec Yvonne Battiau-Queney et des exemples concrets en Martinique, à La Réunion et à Mayotte
Pendant des siècles, les hommes ont vécu en bonne entente avec la mer. Depuis deux cents ans maintenant, ils essaient de fixer leur littoral. Mais comme l’explique si bien Yvonne Battiau-Queney, professeure agrégée de géographie à Lille, et président du réseau européen des littoraux (EUCC-France) : "les littoraux sont mobiles, ils ont besoin d’espace pour se déplacer".
A quelques mois de la COP 21 en France, les politiques, les scientifiques, les ONG s’inquiètent du réchauffement climatique et de la montée des eaux. Mais l’érosion des côtes est-elle principalement due à ce changement ? Difficile à dire, tant les hommes par leurs constructions ou leurs extractions de sable ont voulu façonner les littoraux. Yvonne Battiau-Queney qui s’est rendue en Martinique, à La Réunion et à Mayotte (pour organiser des ateliers de terrain EUCC-France) nous donne des exemples concrets.
Extractions de sable ou de corail
"Quand on procède à des extractions de sable off-shore (au large), sur la plage, ou dans les rivières, il est perdu, explique à La1ère Yvonne Battieu-Queney. Il ne faut donc plus faire ce que l’on faisait dans les années 80 pendant les trente glorieuses, car cela touche directement le littoral. C’est d'ailleurs aujourd’hui interdit sur les plages et dans les dunes". La scientifique raconte qu’à Saint-Pierre à La Réunion pendant deux ans, on a enlevé les débris coralliens qui faisaient mal aux pieds des touristes. Conséquence : la plage des roches noires a fortement reculé.
La Réunion et la Martinique entre mer et montagne
"En Martinique et à La Réunion, les problèmes d’érosion des côtes sont exacerbés, car la bande littorale est très urbanisée et coincée dans beaucoup d’endroits entre la mer et la montagne, précise Yvonne Battiau-Queney. En Martinique, beaucoup de personnes notamment au Robert ou au Prêcheur vivent dans des zones grignotées par la mer et inondables en cas de cyclone. Au Prêcheur, le maire a eu une bonne idée, raconte la présidente du Réseau européen des littoraux. Il a fait construire un lotissement dans les terres pour loger d’urgence en cas de cyclone, les personnes vivant en bord de mer. Parmi eux, on trouve beaucoup de pêcheurs qui vivent de la mer".
L’importance des récifs coralliens et des mangroves
"Pour prévenir l’érosion des côtes, il faut protéger les récifs coralliens et les mangroves, milite Yvonne Battiau-Queney. A Mayotte, la baie de Chirongui est préservée grâce à la mangrove qui fait obstacle à la houle, mais surtout aux cyclones. En plus, la mangrove fonctionne comme un rein, elle filtre les eaux usées ! A Mayotte, il faudrait créer une maison de la mangrove. Ça créerait de l’emploi et cela attirerait un tourisme vert. En Martinique, on a grignoté ce milieu naturel qu’il faut absolument sauver".
Le réseau européen des littoraux
"Les scientifiques doivent sortir de leur tour d’ivoire, plaide Yvonne Battiau-Queney. L’objectif de notre association (EUCC, le réseau européen des littoraux) consiste à rapprocher les politiques, les scientifiques, les habitants du littoral et les gestionnaires. Nous organisons des ateliers de terrain. Nous l’avons fait en Martinique récemment, à La Réunion et à Mayotte respectivement en 2012 et en 2011".
Que faire face à l’érosion des côtes ?
"Quand on a de la place, la solution la plus sage est de relocaliser les populations, explique Yvonne Battiau-Queney. Mais c’est très complexe. Les populations, même si elles connaissent le risque, ont bien du mal à quitter leur chez-soi. Au Robert en Martinique, les gens sont installés depuis deux ou trois générations en bord de mer. Ils ne veulent pas partir. En plus, ajoute la scientifique, ils subissent les algues sargasses qui se concentrent dans la baie. Beaucoup de communes luttent en construisant des protections en dur, mais en général, ça ne fait que déplacer le problème, ça ne le résout pas". Le phénomène est inquiétant. Par exemple au Prêcheur, la plage de l'anse Belleville a reculé localement de près de 200 mètres de 1951 à aujourd'hui.
Réchauffement climatique et érosion des côtes
Le réchauffement climatique provoque une hausse du niveau des mers. Comme les températures augmentent, les glaciers fondent, les banquises s'amenuisent et surtout la mer se dilate. Elle prend plus de place en se réchauffant. Cette hausse moyenne devrait attendre environ un mètre, d'ici à la fin du siècle selon les prévisions du groupe d'experts internationaux sur le climat (GIEC). Sur la planète, cette montée des eaux n'est pas uniforme. Quant à l'érosion des côtes, il est clair que le réchauffement climatique accélère le phénomène, mais l'homme semble bien y contribuer grandement.