"La calédonisation du nickel serait une erreur", estime Jacques Bacardats, président de Carlo Tassara France

Jacques Bacardats, président de Carlo Tassara France, actionnaire d'Eramet.
Au lendemain de l'assemblée générale d'Eramet qui a choisi Philippe Gomes comme nouvel administrateur, le deuxième actionnaire privé du groupe appelle à un changement urgent de stratégie. Interview de Jacques Bacardats, président de Carlo Tassara France, qui a dirigé Eramet de 2004 à 2007.
Jacques Bacardats confirme la situation difficile du groupe minier français. Il reconnaît toutes les qualités à Philippe Gomes pour assumer sa mission en dépit de leur divergence sur l'éventuelle "calédonisation" de la SLN.
 
Philippe Gomes a été nommé administrateur d'Eramet, pourquoi vous êtes vous abstenu ?
Jacques Bacardats :
Je me suis abstenu sur les deux candidatures proposées, celle de Philippe Gomes et celle de Didier Julienne comme second administrateur. Nous estimons en effet qu'il ne peut y avoir au sein d'Eramet des positions contraires aux intérêts du groupe. A ce titre, la candidature de M. Julienne proposée par André Dang n'était pas appropriée.
(André Dang, président de la Société Territoriale Calédonienne de Participation Industrielle (STCPI) est favorable à la prise de contrôle de la SLN par les provinces calédoniennes, ndlr).
 
Vous appelez à une stratégie nouvelle pour Eramet et la SLN en Nouvelle-Calédonie ?
Une autre stratégie est souhaitable par rapport à celle conduite ces dernières années. En 2007, Eramet disposait d'une trésorerie énorme, de un milliard deux cents millions d'euros, engloutie dans des projets de diversification en tous genres. Cela a abouti à un endettement de 600 millions d'euros aujourd'hui. L'erreur de stratégie a été de négliger les trois divisions majeures d'Eramet que sont le nickel, le manganèse et les alliages. Entre temps, la chute des cours du nickel a fait gonfler les coûts de production de la SLN, malgré l'implication et les compétences des ingénieurs et des techniciens calédoniens. Il faut donc faire des économies. Le poste le plus coûteux étant l'électricité, le développement d'une centrale à charbon moderne, non polluante, constitue selon moi la priorité absolue. Il en va de la survie de la SLN.
 
Après avoir dirigé Eramet, vous représentez les intérêts de Romain Zaleski qui détient 13 % du groupe. Le transfert de la majorité de la SLN aux provinces calédoniennes serait-il une bonne chose ?
Avec un peu moins de 35 %, la Nouvelle-Calédonie est co-actionnaire de la SLN est c'est une excellente chose. En revanche, vouloir monter à 51 % nous ramène à des modèles politiques dépassés, l'URSS hier, le Zimbabwe aujourd'hui, et que je sache, ce ne sont pas des exemples. Cet étatisme est obsolète, l'avantage du co-actionnariat avec l'Etat dans le domaine du nickel, soumis à de fortes variations de cours, permet à une entreprise comme la SLN de disposer des capitaux nécessaires dont elle a besoin. Je ne suis pas du tout persuadé que la Nouvelle-Calédonie aurait les reins assez solides pour résister, seule, à une crise du nickel comme celle que nous traversons actuellement. Les vélléités d'André Dang, pour le nommer, qui n'a pas de sympathie pour Eramet et la SLN, sont une source d'inquiétude au cas où il deviendrait majoritaire.
 
Philippe Gomes participait vendredi à un Comité extraordinaire de l'Accord de Nouméa, coiffé de sa nouvelle casquette d'administrateur d'Eramet. Comment mesurez vous l'ampleur de ses responsabilités ?
Philippe Gomes est un homme courageux qui ne renâcle pas au travail. Sa présence au Comité des signataires est conforme à sa légitimité politique. En tant que Calédonien sa place est également tout à fait justifiée au sein d'Eramet. Il n'y a aucune contradiction à cela. Et il n'y en aura pas tant que Philippe Gomes se tiendra à la déontologie de respect des intérêts d'Eramet. Ce qui est propre aux conseils d'administration de toutes les entreprises.