Proche de François Hollande et ancien coordonnateur national du renseignement, Alain Zabulon vient de quitter le palais de l’Élysée. Nommé à ADP, Aéroports de Paris, le Martiniquais livre à La1ère un témoignage exceptionnel sur ses années passées au cœur du pouvoir.
Finis les marches du palais, les hauts plafonds, les immenses lustres qui scintillent et les dorures de l’Élysée, le nouveau bureau d’Alain Zabulon, rue Raspail dans le 14e arrondissement est bien plus modeste. Un mobilier sommaire et des étagères encore vides témoignent de la récente prise de fonction.
Le 20 mai dernier, le Martiniquais Alain Zabulon a quitté son poste de coordonnateur national du renseignement et son bureau à l’Élysée, pour devenir directeur de la sûreté aérienne à ADP, Aéroports de Paris. "Une démission souhaitée", rappelle-t-il, la mine décontractée et le sourire chaleureux. Dans un costume impeccable avec une cravate ajustée, il nous reçoit dans son bureau. Accueillant, parfois drôle et souvent subtil, Alain Zabulon plaisante des jours écoulés, "une sorte de transhumance" entre l’Élysée et cette nouvelle vie.
Une heure après, la sonnerie retentit. Au bout du fil, le futur secrétaire général de l’Élysée lui propose de rejoindre l’équipe. Il accepte, "une expérience qui ne se refuse pas", précise-t-il.
Deux jours plus tard, avec son "cartable" et son "imperméable", un jour de pluie "comme en connaîtra souvent François Hollande", Alain Zabulon franchit la porte du 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré. "Dans quoi me suis-je embarqué ?", s’interroge-t-il en entrant dans la cour de l’Élysée.
Alain Zabulon intègre l’ENA en 1985, "une école dont il faut casser l’image caricaturale". "Les "fils de" nés avec une cuillère d’argent dans la bouche étaient une minorité, remarque-t-il. Nous sommes tous égaux devant une feuille blanche..."
Jamais encarté politiquement, le Martiniquais occupera plus tard des postes de préfet délégué dans l’Essonne puis de préfet en Corrèze. Deux départements où il côtoie tour à tour Manuel Valls, maire d'Evry, "le genre d'homme qui vous fait sentir au premier regard qu'il ira loin" et François Hollande, président du Conseil général de Corrèze avec qui les relations sont "courtoises et respectueuses". Dès 2008, il assiste même à la "mutation d'un homme qui passe d'élu à candidat, et qui est habité par cette candidature".
En juin 2013, Alain Zabulon devient coordonnateur national du renseignement. En relation avec la DGSE et la DGSI, les principaux services de renseignement, il est chargé de conseiller le chef de l’Etat en rédigeant chaque jour des synthèses sur les affaires de terrorisme, les crises internationales ou l’espionnage. Dans les rouages de l’Etat, il se retrouve aux côtés du Président lors de grandes décisions, "comme ce jour où François Hollande acte la présence de la France dans la coalition contre Daesh".
Une mission "difficile", avoue-t-il, en tordant au passage le coup aux idées reçues : "Il n’y a pas de guerre des polices en France". Selon lui, DGSE et DGSI n’ont jamais autant coopéré, "surtout depuis les attentats".
Ce 7 janvier 2015, un collaborateur débarque dans son bureau : "On a été frappés". Alain Zabulon allume la télévision, son téléphone sonne. Charlie Hebdo vient d'être visé en plein Paris. La terrible semaine des attentats s’engage, le Président enchaîne les réunions de crises et la gestion est resserrée au plus haut niveau de l’Etat.
"Au lendemain des attentats, tous les groupes terroristes (Al Qaïda, Daesh, Boko Haram, les Shebabs) ont appelé à nous combattre sur le territoire", rappelle-t-il, n’ignorant rien de l’actualité. "J’ai lu que le niveau "alerte attentat" venait d’être reconduit, c’est justifié. Il y a en France 3 000 individus considérés comme potentiellement aussi dangereux que Kouachi et Coulibaly. Nous ne sommes pas à l’abri d’un fanatique qui pourrait faire un carnage Gare du Nord".
La1ere a demandé à Alain Zabulon ses trois moments les plus émouvant, difficile et agréable, à l'Elysée. Ecoutez ses réponses :
En fermant la porte de son bureau et en traversant une dernière fois la cour de l’Élysée, Alain Zabulon a ressenti "un pincement au cœur et le sentiment d’avoir vécu une expérience hors norme".
Selon lui, le temps était venu de "revenir à une vie moins extraordinaire". "Tout peut s’arrêter du jour au lendemain, il vaut mieux décider du moment où ça s’arrête", confie cet homme resté trois ans dans l’ombre du pouvoir. "Dans le renseignement, l’efficacité passe par la discrétion", ajoute-t-il.
Selon lui, cette mission dans le monde de l’entreprise viendra mettre "une corde de plus à (son) arc". Mais "en restant bien sûr dans une entreprise de service public", insiste celui qui se décrit comme un "serviteur de l’Etat".
Celui qui parle créole "avec un fort accent parisien" demande un poste dans "cette petite île (qu’il aime) plus que tout". Nommé secrétaire général des affaires économiques et sociales à la préfecture de Martinique, Alain Zabulon découvre "l’envers du décor, un département qui souffre des blocages sociaux et du chômage". Il appréhende alors "les particularités de cette île qui n’a pas réglé ses problèmes avec son passé". "Les conflits sociaux dégénèrent souvent en questions de couleurs et d’origines", se désole-t-il en vantant une "expérience enrichissante", et la chance pour ses enfants d’avoir pu découvrir "d’où ils venaient".
Le 20 mai dernier, le Martiniquais Alain Zabulon a quitté son poste de coordonnateur national du renseignement et son bureau à l’Élysée, pour devenir directeur de la sûreté aérienne à ADP, Aéroports de Paris. "Une démission souhaitée", rappelle-t-il, la mine décontractée et le sourire chaleureux. Dans un costume impeccable avec une cravate ajustée, il nous reçoit dans son bureau. Accueillant, parfois drôle et souvent subtil, Alain Zabulon plaisante des jours écoulés, "une sorte de transhumance" entre l’Élysée et cette nouvelle vie.
6 mai 2012 : un appel de l’Élysée
Dans sa carrière, cet homme en a connu d’autres des "transhumances". La plus marquante date du 6 mai 2012, jour de l’élection de François Hollande. En ce dimanche de présidentielle, Alain Zabulon alors Préfet des Landes, est en week-end à Perpignan. Autour de la table, ses amis le charrient : "Ton téléphone va sonner Alain !". Cet énarque, proche de François Hollande, n’y croit pas.Dans quoi me suis-je embarqué ?
Une heure après, la sonnerie retentit. Au bout du fil, le futur secrétaire général de l’Élysée lui propose de rejoindre l’équipe. Il accepte, "une expérience qui ne se refuse pas", précise-t-il.
Deux jours plus tard, avec son "cartable" et son "imperméable", un jour de pluie "comme en connaîtra souvent François Hollande", Alain Zabulon franchit la porte du 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré. "Dans quoi me suis-je embarqué ?", s’interroge-t-il en entrant dans la cour de l’Élysée.
La Martinique, l'ENA et les préfectures
Né en 1955 à Paris, de parents martiniquais arrivés en métropole par le BUMIDOM, rien ne prédisposait Alain Zabulon à un tel destin. Un père militaire originaire de Fort-de-France, une mère du Carbet employée dans l’Education nationale, il décroche une maîtrise Administration Economique et Sociale. (Lire encadré ci-dessous).Alain Zabulon intègre l’ENA en 1985, "une école dont il faut casser l’image caricaturale". "Les "fils de" nés avec une cuillère d’argent dans la bouche étaient une minorité, remarque-t-il. Nous sommes tous égaux devant une feuille blanche..."
Jamais encarté politiquement, le Martiniquais occupera plus tard des postes de préfet délégué dans l’Essonne puis de préfet en Corrèze. Deux départements où il côtoie tour à tour Manuel Valls, maire d'Evry, "le genre d'homme qui vous fait sentir au premier regard qu'il ira loin" et François Hollande, président du Conseil général de Corrèze avec qui les relations sont "courtoises et respectueuses". Dès 2008, il assiste même à la "mutation d'un homme qui passe d'élu à candidat, et qui est habité par cette candidature".
Le "Monsieur Renseignement" de l'Etat
En arrivant à l’Élysée, en même temps que François Hollande, Alain Zabulon est directeur adjoint du cabinet du président, en charge de la gestion quotidienne de la présidence. "Plus de 830 personnes et un budget qui doit passer sous la barre des 100 millions, résume-t-il. Le président nous mettait la pression, il voulait donner l’exemple. J’étais devenu un "cost killer", pour traquer et réduire les moindres dépenses".En juin 2013, Alain Zabulon devient coordonnateur national du renseignement. En relation avec la DGSE et la DGSI, les principaux services de renseignement, il est chargé de conseiller le chef de l’Etat en rédigeant chaque jour des synthèses sur les affaires de terrorisme, les crises internationales ou l’espionnage. Dans les rouages de l’Etat, il se retrouve aux côtés du Président lors de grandes décisions, "comme ce jour où François Hollande acte la présence de la France dans la coalition contre Daesh".
Une mission "difficile", avoue-t-il, en tordant au passage le coup aux idées reçues : "Il n’y a pas de guerre des polices en France". Selon lui, DGSE et DGSI n’ont jamais autant coopéré, "surtout depuis les attentats".
Ce 7 janvier 2015, un collaborateur débarque dans son bureau : "On a été frappés". Alain Zabulon allume la télévision, son téléphone sonne. Charlie Hebdo vient d'être visé en plein Paris. La terrible semaine des attentats s’engage, le Président enchaîne les réunions de crises et la gestion est resserrée au plus haut niveau de l’Etat.
Le choc des attentats
"Nous avons eu l’impression d’avoir changé de monde, mais nous ne sommes pas tombés de notre chaise. A l’Élysée, la question n’était pas de savoir si nous allions être frappés par des attentats, mais quand ?" confie Alain Zabulon qui estime qu’aujourd’hui la menace s’est aggravée.A l'Elysée, la question n’était pas de savoir si nous allions être frappés par des attentats, mais quand ?
"Au lendemain des attentats, tous les groupes terroristes (Al Qaïda, Daesh, Boko Haram, les Shebabs) ont appelé à nous combattre sur le territoire", rappelle-t-il, n’ignorant rien de l’actualité. "J’ai lu que le niveau "alerte attentat" venait d’être reconduit, c’est justifié. Il y a en France 3 000 individus considérés comme potentiellement aussi dangereux que Kouachi et Coulibaly. Nous ne sommes pas à l’abri d’un fanatique qui pourrait faire un carnage Gare du Nord".
Quels moments forts à l'Élysée ?
Pendant deux ans, la lutte contre le terrorisme et le contre-espionnage "dont on parle moins" sont ses priorités. Un quotidien qui "empêche bien souvent de dormir sur ses deux oreilles". Le projet de loi sur le renseignement a été sa dernière mission. Critiqué sur son manque d’engagement, il répond : "Je devais veiller à ce que nous écrivions un texte qui réponde aux besoins des services de renseignements, un rôle de back-office", résume-t-il en rappelant la règle : "À l’Élysée, les collaborateurs du président ne s’expriment jamais !".La1ere a demandé à Alain Zabulon ses trois moments les plus émouvant, difficile et agréable, à l'Elysée. Ecoutez ses réponses :
Le départ du palais
En mai dernier, Alain Zabulon annonce son départ de l’Élysée à François Hollande. "Il était convenu que je parte fin 2015. La proposition des Aéroports de Paris était une opportunité intéressante qui s'est présentée un peu plus tôt que prévu, je l’ai acceptée, explique-t-il. Le président m’a remercié, il m’a dit bonne route et bonne continuation".Il était temps de revenir à une vie moins extraordinaire
En fermant la porte de son bureau et en traversant une dernière fois la cour de l’Élysée, Alain Zabulon a ressenti "un pincement au cœur et le sentiment d’avoir vécu une expérience hors norme".
Selon lui, le temps était venu de "revenir à une vie moins extraordinaire". "Tout peut s’arrêter du jour au lendemain, il vaut mieux décider du moment où ça s’arrête", confie cet homme resté trois ans dans l’ombre du pouvoir. "Dans le renseignement, l’efficacité passe par la discrétion", ajoute-t-il.
Premiers pas à ADP, Aéroports de Paris
Arrivé la semaine dernière à ADP, Aéroports de Paris, Alain Zabulon va désormais veiller à la mise en place des règles de sûreté dans le domaine aérien. "Je redeviens apprenti, avec tout à découvrir", s’enthousiasme le Martiniquais, satisfait de sa première "formation badge", à Orly.Selon lui, cette mission dans le monde de l’entreprise viendra mettre "une corde de plus à (son) arc". Mais "en restant bien sûr dans une entreprise de service public", insiste celui qui se décrit comme un "serviteur de l’Etat".
Alain Zabulon et la Martinique
Lorsqu'il est enfant, Alain Zabulon part tous les cinq ans en vacances, avec sa mère, en Martinique. Mais au fil de sa carrière et au gré des déplacements et des fonctions, le lien avec l'île s’est distendu. En 1992, alors qu'il est en charge du logement social au ministère de l’équipement, Alain Zabulon a "cette envie d’y retourner, comme une révélation face au souvenir des plages et des mardis soir de bal à la paillote du Carbet avec ti-punch et accras".Celui qui parle créole "avec un fort accent parisien" demande un poste dans "cette petite île (qu’il aime) plus que tout". Nommé secrétaire général des affaires économiques et sociales à la préfecture de Martinique, Alain Zabulon découvre "l’envers du décor, un département qui souffre des blocages sociaux et du chômage". Il appréhende alors "les particularités de cette île qui n’a pas réglé ses problèmes avec son passé". "Les conflits sociaux dégénèrent souvent en questions de couleurs et d’origines", se désole-t-il en vantant une "expérience enrichissante", et la chance pour ses enfants d’avoir pu découvrir "d’où ils venaient".