À Paris, le Gwo Ka Jazz Festival rend hommage aux "grands frères" de la musique guadeloupéenne

Indestwas Ka enflamme le New Morning. © Willy Vainqueur
Quatre grands noms du Gwoka étaient réunis sur la scène du New Morning vendredi 25 septembre pour célébrer le gwoka des origines. Un concentré d’âme guadeloupéenne et un retour aux sources de cette musique de résistance héritée des siècles d’esclavage.
Les murs du New Morning en tremblent encore. Jusque tard dans la nuit de vendredi, la célèbre salle parisienne a vibré au son des meilleurs "tambouyés" guadeloupéens. Devant une salle archi-comble, quatre groupes ont rendu tour à tour hommage à leurs "grands frères disparus" lors de la deuxième soirée du Gwo Ka Jazz Festival qui renouait avec le gwoka des origines.

Il flottait un parfum d’accras et de boudins, mêlés aux effluves de rhum et de bissap. Les conversations allaient bon train, donnant l’impression d’une grande famille qui se retrouvait après des semaines séparée. Laurent Succab entre le premier sur scène, accompagné de ses musiciens et choristes, tous de blanc vêtus. "Tambour et conscience, tambour et résistance", clame t-il sur les rythmes ponctués du Ka. "Laissez-nous la parole", lance-t-il, avant de donner sa voix en offrande aux "ancêtres, les grands maîtres Guy Konket, Philippe Makaïa, Robert Loyson".

"La politique traverse le Gwoka"

Le mot d’ordre de la soirée : "Conscientiser, parler des problèmes de la Guadeloupe, de la crise économique, de la violence, des jeunes qui utilisent de plus en plus d’armes", confie l’artiste à la1ère.fr avant le concert. Engagé, Laurent Succab se situe dans la pure tradition du gwoka, musique politique par excellence. "La politique traverse le gwoka", assure le talentueux "tambouyé" de 45 ans. Et de vanter en chansons les mérites d’une nouvelle génération désireuse de faire progresser l'île sur tous les plans, malgré les difficultés.


Musique héritée des esclaves d’origine africaine, apparue dans les champs de canne de Guadeloupe, le gwoka a toujours comporté une dimension revendicative. Jeune, Gérard Pomer, deuxième invité de la nuit, devait se cacher pour jouer. "Dans les années 50, les gendarmes venaient nous confisquer nos instruments. Ils prenaient les Ka, mettaient un pied dedans et les écrasaient. Au fur et à mesure, l’esprit de combattant est venu, on s'est mobilisé, on voulait faire avancer la culture", raconte le "Maître du Tambour" à la1ère.fr.

Le gwoka : "une manière de vivre"

Avec Guy Konket, Napoléon Magloire et d’autres, Gérard Pomer a contribué à donner un nouveau souffle au gwoka au début des années 80, alors que beaucoup se tournaient vers le zouk qui déferlait sur les Caraïbes. Aujourd’hui, "la majorité des jeunes s’y met", phénomène renforcé avec l’inscription en 2014 du gwoka au patrimoine mondial de l'humanité. "De plus, de nouvelles formes apparaissent. C’est une musique qui évolue sans cesse, on le voit avec le gwoka jazz par exemple", se félicite Sylviane Magloire, fille de "Napo" et chanteuse elle aussi.


Ce dynamisme ne se dément ni en Guadeloupe, ni en métropole. "Chaque semaine, à Paris comme en province, on se retrouve autour de Lewoz, des soirées traditionnelles animées par des musiciens et des danseurs de gwoka", affirme Jean-Luc Zou, venu au festival "se ressourcer, s’évader". Pour ce Guadeloupéen habitant la capitale, "le gwoka est plus qu’une musique. C’est une manière de vivre, un retour aux racines", sourit-il.

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Sous les spots orange et rouges, Simen’n Kontra et Indestwas Ka se succèdent dans une ambiance électrique. Le groupe Indestwas Ka, très attendu car peu habitué à jouer en métropole et réputé pour ses performances sur scène, enflamme un public conquis. Les paumes claquées sur la peau des tambours et les claquements de main ne font plus qu’un. C’est l’âme de la Guadeloupe qui continue de battre.

Le Gwo Ka Jazz Festival se poursuit ce samedi soir au New Morning dans le 10e arrondissement de Paris et dimanche au Théâtre de Ménilmontant.

Retrouvez le reportage de Thomas-Diego Badia :