Dans la tête de Glencore. Quel avenir pour Koniambo Nickel ?

Usine métallurgique et allégorie de la crise du nickel
Les mauvais vents venus d'Asie soufflent sur la Nouvelle-Calédonie et ses 20 % des réserves mondiales de nickel. L'industrie chinoise a réduit sa demande et les cours du métal ont fortement baissé. Les pertes des 3 usines calédoniennes pourraient atteindre 800 millions d'euros en 2015.  Décryptage.

Glencore

Le secteur des matières premières subit en première ligne les fluctuations de l'économie mondiale. Après Eramet, il y a dix jours, Glencore a encaissé les violentes attaques de la spéculation avant de se reprendre et de regagner les terrain perdu lundi dernier.

Le premier courtier mondial pour le cuivre, l'étain, le plomb, le fer, le zinc, le charbon, l'aluminium et… le nickel a choisi de se marier en 2013 avec l'un de ses concurrents le groupe minier Xstrata. Le négociant enfilait la tenue de chantier du mineur pour profiter au maximum de la hausse des matières premières. L'année 2014 a sonné l'heure de l'effondrement de la demande chinoise. Glencore lourdement endetté par le rachat d'Xstrata paie au prix fort une acquisition faite au plus mauvais moment, juste avant le grand retournement et la chute du prix des métaux. Son endettement est estimé à 30 milliards de dollars. 

Depuis le début de l'année, l'action Glencore a perdu plus de 75 % de sa valeur, mais le groupe pèse encore plus de 17 milliards d'euros. L'action Glencore a effacé en 48 heures les pertes de son "lundi noir". Après l'analyse négative de Goldman Sachs, celle positive de Citigroup a stabilisé la situation. Glencore a encaissé mais Glencore n'est pas mort.

Koniambo nickel

Présent dans le monde entier, Glencore doit désormais restructurer encore plus pour réduire ses coûts et les pertes de sa croissance par acquisition. Les actifs agricoles sont visés. Les réducteurs de coûts devraient cependant épargner le complexe industriel du Koniambo. Car le projet a dépassé les 7 milliards de dollars et il faudra bien le rentabiliser. Et puis, c'est un gisement minier exceptionnel, adossé à une usine ultra-moderne - mais fragile - conçue pour produire sur le long terme. 

Glencore a financé plus de 95 % de "l'usine du Nord" qui est une belle vitrine destinée à attirer les investisseurs. Même si 13 milliards de sa capitalisation boursière sont partie en fumée, la cession de sa participation de 49 % dans le complexe Koniambo Nickel ( KNS ) apparaît donc peu probable. Sauf à trouver un investisseur capable de mettre 7 milliards de dollars sur la table et ils ne sont pas nombreux. En revanche, la vente d'une part des 49 % à un opérateur extérieur est envisageable et pourrait faire rentrer du cash ce dont Glencore a besoin. 

Autre option, mais beaucoup plus sensible, Glencore pourrait revendiquer la majorité du capital de l'usine du Nord au vu des investissements et des pertes qu'il a consenties. Cette option qui invaliderait la doctrine nickel et le dogme des 51 % aux Calédoniens est improbable, trop sensible politiquement. Sur place, au siège de l'usine KNS à Koné la petite capitale de la province nord, la multinationale anglo-suisse maintient le doute sur le financement de la reconstruction du four numéro 2 de production du ferronickel. Officiellement, le groupe n'a pris aucune décision mais il étudie avec les assureurs un recours contre le constructeur indien du complexe industriel. Pour lui faire assumer le coût de la reconstruction qui porte sur plusieurs dizaines de millions d'euros. 

En attendant, Glencore pourrait décider de faire tourner au ralenti le complexe industriel afin de résoudre ses problèmes de fonctionnement et d'ingénierie. Car l'usine du Nord est impressionnante mais fragile comme un bolide de Formule 1. Optimiser l'usine qui serait donc "mise sous cloche" permettrait aussi d'attendre plus sereinement la reprise des cours du nickel. Après tout, produire aujourd'hui c'est produire à perte. En revanche, il serait difficile d'éviter la mise en place de mesures de chômage partiel. La situation actuelle paraît donc difficilement tenable mais personne ne sait encore ce que décidera Kenny Ives, le patron de la branche nickel de Glencore. Au siège de la multinationale, dans le canton de Zug en Suisse, les brouillards matinaux qui masquent les montagnes ont aussi la réputation de protéger le secret des affaires.