Haïti : les victimes du choléra réclament justice aux Nations unies

Des manifestants haïtiens se rassemblent devant le siège de la Minustah à Port-au-Prince, le 15 octobre 2015.
Plusieurs centaines de victimes de l'épidémie de choléra ont manifesté jeudi à Port-au-Prince pour réclamer justice à l'ONU, dont des casques bleus népalais sont accusés d'avoir introduit par accident, il y a cinq ans, la bactérie dans le pays. 
Les manifestants, regroupés devant la principale base de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), ont crié leur colère face au silence de l'ONU quant à sa responsabilité dans l'apparition de l'épidémie. "Si les Nations unies nous considéraient comme des êtres humains, on aurait eu des excuses", a estimé Jean Emmanuel Larose, un agent de santé de la ville de Mirebalais, où se trouvaient à l'époque les bataillons népalais.
        
En octobre 2010, Jean Emmanuel Larose a vécu la flambée des cas de choléra. "Nous n'étions pas informés de ce qu'était le choléra et c'est pourquoi beaucoup d'entre nous sont morts. On a découvert que c'était la Minustah qui ne nous avait pas respectés. Leurs casques bleus népalais ont versé leurs besoins infectés dans notre rivière alors qu'ils savaient très bien que c'est l'eau que nous utilisons chaque jour", s'énerve-t-il.
        

Plus de 8.000 personnes décédées du choléra

Dans un communiqué publié mardi, Amnesty International rappelle que "plusieurs rapports scientifiques ont identifié des employés de l'ONU venus du Népal comme les vecteurs de la maladie en Haïti". Plus de 8.850 Haïtiens, principalement issus des familles les plus pauvres, sont décédées du choléra depuis le début de l'épidémie en octobre 2010 et, selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'Onu (OCHA), plus de 746.000 personnes ont été contaminées.
        
"C'est une violation des droits de l'homme", affirme Rachèle Fondchaine, militante féministe. "Des parents sont morts et leurs enfants sont désormais à la charge de leurs oncles ou tantes. Ces cas doivent être pris en charge et ces familles doivent être dédommagées, car non seulement des gens sont morts mais le choléra a plongé des familles entières dans la grande misère".
        

Plaintes sans suite à New York

L'ONU témoigne régulièrement de son engagement pour éradiquer l'épidémie en Haïti, en finançant notamment des programmes d'assainissement en zones rurales, mais a toujours refusé de reconnaître sa responsabilité dans l'introduction du choléra dans le pays, très fragilisé à l'époque par un séisme qui, huit mois plus tôt, avait tué plus de 200.000 personnes.
        
"L'ONU ne saurait se laver les mains de la souffrance et de la douleur qu'elle a causées", déclare Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International. "Mettre en place des programmes de santé générale et des campagnes d'assainissement est important, mais n'est pas suffisant". Face aux multiples plaintes déposées par les familles de victimes à New York, où se trouve le siège de l'ONU, la justice américaine n'a pas donné suite, indiquant que la charte des Nations unies conférait l'immunité à l'organisation.