Pierre Rabhi vient de publier "l’agroécologie, une éthique de vie" dans lequel il dénonce les méfaits de l’agriculture industrielle et de la monoculture. Le fondateur du mouvement Colibris prône le retour à la nature. La1ère.fr a rencontré Pierre Rabhi.
Paysan et écrivain d’origine algérienne, Pierre Rabhi défend un mode de vie plus respectueux de la nature. Il vient de publier avec l’agronome Jacques Caplat un livre sous forme d’ entretien : "L’agroécologie, une éthique de vie" aux éditions Actes sud. La1ère.fr a rencontré cet homme à la fois sage et révolté qui se demande si l’homme ne court pas à perte en maltraitant à ce point sa planète.
La1ère.fr : Vous avez accepté cet entretien et pourtant, vous n’êtes jamais allé Outre-mer, où vous avez des partisans ?
Pierre Rabhi : Oui c’est vrai, il y a eu de nombreux projets de voyage notamment aux Antilles, mais ça ne s’est jamais fait. En ce moment, j’ai énormément de propositions de conférences. Nous avons reçu 600 demandes pour la seule année 2015. Mais pour en revenir à l’Outre-mer, il faut souligner que mon message est universel et qu’il concerne tout le monde.
Aux Antilles, il y a eu un scandale retentissant avec le chlordéchone, cet insecticide banni aux Etats-Unis dès 1977 alors qu’il a été utilisé dans les champs de bananes jusqu’en 1993. Avez-vous suivi ce dossier ?
Oui, c’est un énorme scandale, mais il se rajoute aux autres. Dans l’ensemble de la planète, tout le genre humain doit s’interroger sur son rapport à la vie. Aujourd’hui, le niveau de transgression est tellement fort que l’être humain s’éradique lui-même en allant contre les lois de la nature. L’humanité, notre espèce est verticale, mais ce n’est pas pour autant qu’elle est intelligente. J’ai été musulman et chrétien, mais aujourd’hui, je ne suis plus rien. Ces religions proclament toutes que la Terre est la création de Dieu. Elles devraient toutes êtes partisanes de l’écologie. Or elles ne font rien. Seul, le Pape actuel a l’air de s’y intéresser un peu. Mais pour moi, les OGM par exemple, c’est un crime contre l’humanité.
Avez-vous entendu parler de ces projets de moustiques transgéniques lâchés dans la nature pour lutter contre la dengue ou le chikungunya ? Il y a notamment un projet en ce sens à Tiga en Nouvelle-Calédonie.
Ils ont trouvé un bon créneau ! Mais le résultat n’est pas garanti. Ce lâcher de moustiques peut avoir des conséquences bien pires que la situation actuelle. On peut être à la fois savant et ignorant. Chez nous dans l’Ardèche, nous avons une histoire assez emblématique à ce sujet. Les chasseurs voulaient plus de sangliers à chasser. Alors ils ont décidé de croiser des cochons avec des sangliers, car la laie ne fait pas beaucoup de marcassins. Cela a donné les sanglochons qui sont de plus en plus nombreux et détruisent tout. Ca devient une plaie, même pour le chasseur !
Dans votre livre, vous vous attaquez à plusieurs reprises à la monoculture. La canne à sucre, la banane, ces cultures d’exportation en font partie Outre-mer. Que leur reprochez-vous ?
Quand il n’y a qu’une seule plante, il n’y a plus de diversité. La monoculture appauvrit la terre et pour compenser ces carences, les agriculteurs utilisent des engrais et des pesticides. La biodiversité est indispensable dans un jardin. Les plantes ont des besoins spécifiques et elles se livrent à un véritable troc entre elles de manière sous-terraine.
Comme dans le jardin créole ?
Sûrement. Les plantes se stimulent mutuellement. Il y a des plantes complémentaires. Par exemple, la légumineuse (haricot) donne de l’azote, tandis que la graminée (blé, céréales) donne du carbone. Il y a aussi des plantes incompatibles. Ce savoir, les paysans le possédaient en France. Mais comme on les a considérés comme des ploucs, cette connaissance s’est perdue et on leur a imposé une logique industrielle. Avant dans les champs, il y avait des haies pour protéger les cultures contre le vent. Avec la monoculture, on a tout détruit pour avoir plus de sols. C’est stupide.
En ce moment, on parle beaucoup du phénomène El Niño qui provoque déjà des vagues de sécheresse aux Antilles, un risque très fort de cyclones en Polynésie, vous y intéressez-vous ?
Oui, il est toujours très difficile de savoir ce qui relève de la responsabilité humaine ou pas. Mais je ne peux pas nier que l’humanité porte une très grande responsabilité dans tout ce qui nous arrive. Les premiers hommes avaient une vision radicalement différente de la Terre. J’ai affiché dans ma chambre le discours du chef indien Seattle. Les Américains voulaient lui acheter sa terre. Il ne comprenait pas. Il disait : « la terre ne nous appartient pas, nous appartenons à la terre ». Il a entièrement raison, si on était vraiment intelligent, nous devrions définir un bien commun.
Que pensez-vous de la COP21 ? Qu’attendez-vous de cette conférence climat ?
La COP21, ça ne rime à rien. Il y a probablement dans toute cette organisation, des gens honnêtes qui pensent que ça peut-être utile. Mais dans la réalité, c’est absurde, car l’écologie concerne tout le monde. Cette conférence n’est pas représentative et j’ai peur qu’elle ne déresponsabilise les gens. C’est un alibi soporifique. On met dans la tête des gens que l’on s’occupe bien de la question. Or si c’était le cas, il y aurait déjà eu des décrets radicaux !
Alors que faire ?
Moi, je pense que jardiner, c’est un acte politique. Regardez, à Cuba sous embargo ou en Grèce en pleine crise, on se souvient toujours du cousin agriculteur et on se remet à la terre. En cas de difficulté, on apprend que sous ces pieds, on a tout ce qu’il faut. Je suis persuadée que notre système économique est à bout de souffle et qu’il faudra renouer avec la terre, à condition qu’on ne l’ait pas trop bétonnée et empoisonnée.
La1ère.fr : Vous avez accepté cet entretien et pourtant, vous n’êtes jamais allé Outre-mer, où vous avez des partisans ?
Pierre Rabhi : Oui c’est vrai, il y a eu de nombreux projets de voyage notamment aux Antilles, mais ça ne s’est jamais fait. En ce moment, j’ai énormément de propositions de conférences. Nous avons reçu 600 demandes pour la seule année 2015. Mais pour en revenir à l’Outre-mer, il faut souligner que mon message est universel et qu’il concerne tout le monde.
Aux Antilles, il y a eu un scandale retentissant avec le chlordéchone, cet insecticide banni aux Etats-Unis dès 1977 alors qu’il a été utilisé dans les champs de bananes jusqu’en 1993. Avez-vous suivi ce dossier ?
Oui, c’est un énorme scandale, mais il se rajoute aux autres. Dans l’ensemble de la planète, tout le genre humain doit s’interroger sur son rapport à la vie. Aujourd’hui, le niveau de transgression est tellement fort que l’être humain s’éradique lui-même en allant contre les lois de la nature. L’humanité, notre espèce est verticale, mais ce n’est pas pour autant qu’elle est intelligente. J’ai été musulman et chrétien, mais aujourd’hui, je ne suis plus rien. Ces religions proclament toutes que la Terre est la création de Dieu. Elles devraient toutes êtes partisanes de l’écologie. Or elles ne font rien. Seul, le Pape actuel a l’air de s’y intéresser un peu. Mais pour moi, les OGM par exemple, c’est un crime contre l’humanité.
Avez-vous entendu parler de ces projets de moustiques transgéniques lâchés dans la nature pour lutter contre la dengue ou le chikungunya ? Il y a notamment un projet en ce sens à Tiga en Nouvelle-Calédonie.
Ils ont trouvé un bon créneau ! Mais le résultat n’est pas garanti. Ce lâcher de moustiques peut avoir des conséquences bien pires que la situation actuelle. On peut être à la fois savant et ignorant. Chez nous dans l’Ardèche, nous avons une histoire assez emblématique à ce sujet. Les chasseurs voulaient plus de sangliers à chasser. Alors ils ont décidé de croiser des cochons avec des sangliers, car la laie ne fait pas beaucoup de marcassins. Cela a donné les sanglochons qui sont de plus en plus nombreux et détruisent tout. Ca devient une plaie, même pour le chasseur !
Dans votre livre, vous vous attaquez à plusieurs reprises à la monoculture. La canne à sucre, la banane, ces cultures d’exportation en font partie Outre-mer. Que leur reprochez-vous ?
Quand il n’y a qu’une seule plante, il n’y a plus de diversité. La monoculture appauvrit la terre et pour compenser ces carences, les agriculteurs utilisent des engrais et des pesticides. La biodiversité est indispensable dans un jardin. Les plantes ont des besoins spécifiques et elles se livrent à un véritable troc entre elles de manière sous-terraine.
Comme dans le jardin créole ?
Sûrement. Les plantes se stimulent mutuellement. Il y a des plantes complémentaires. Par exemple, la légumineuse (haricot) donne de l’azote, tandis que la graminée (blé, céréales) donne du carbone. Il y a aussi des plantes incompatibles. Ce savoir, les paysans le possédaient en France. Mais comme on les a considérés comme des ploucs, cette connaissance s’est perdue et on leur a imposé une logique industrielle. Avant dans les champs, il y avait des haies pour protéger les cultures contre le vent. Avec la monoculture, on a tout détruit pour avoir plus de sols. C’est stupide.
En ce moment, on parle beaucoup du phénomène El Niño qui provoque déjà des vagues de sécheresse aux Antilles, un risque très fort de cyclones en Polynésie, vous y intéressez-vous ?
Oui, il est toujours très difficile de savoir ce qui relève de la responsabilité humaine ou pas. Mais je ne peux pas nier que l’humanité porte une très grande responsabilité dans tout ce qui nous arrive. Les premiers hommes avaient une vision radicalement différente de la Terre. J’ai affiché dans ma chambre le discours du chef indien Seattle. Les Américains voulaient lui acheter sa terre. Il ne comprenait pas. Il disait : « la terre ne nous appartient pas, nous appartenons à la terre ». Il a entièrement raison, si on était vraiment intelligent, nous devrions définir un bien commun.
Que pensez-vous de la COP21 ? Qu’attendez-vous de cette conférence climat ?
La COP21, ça ne rime à rien. Il y a probablement dans toute cette organisation, des gens honnêtes qui pensent que ça peut-être utile. Mais dans la réalité, c’est absurde, car l’écologie concerne tout le monde. Cette conférence n’est pas représentative et j’ai peur qu’elle ne déresponsabilise les gens. C’est un alibi soporifique. On met dans la tête des gens que l’on s’occupe bien de la question. Or si c’était le cas, il y aurait déjà eu des décrets radicaux !
Alors que faire ?
Moi, je pense que jardiner, c’est un acte politique. Regardez, à Cuba sous embargo ou en Grèce en pleine crise, on se souvient toujours du cousin agriculteur et on se remet à la terre. En cas de difficulté, on apprend que sous ces pieds, on a tout ce qu’il faut. Je suis persuadée que notre système économique est à bout de souffle et qu’il faudra renouer avec la terre, à condition qu’on ne l’ait pas trop bétonnée et empoisonnée.