Il était une fois, Igo Drané, "maître de la pawol" engagé et passionné

©TDB. Dans les studios d'outre-mer 1ère, Igo Drané raconte une histoire à dormir debout.
Conteur depuis plus de 30 ans, ce Martiniquais amoureux de la langue met les mots au service des autres et véhicule la tradition orale antillaise.
Lorsque la voix profonde d'Igo Drané résonne dans une salle, le public semble comme suspendu à ses lèvres. Depuis plus de trois décennies, le Martiniquais raconte des histoires à qui veut bien l'écouter. A la soixantaine passée, cet homme au visage rieur et à la fine moustache grisonnante fait partie de ceux qui mènent une double vie. Infirmier la nuit, il est conteur le jour. Et même à l'hôpital, il ne se déplace jamais sans son baton de "pawol", sceptre sacré qui lui confère le droit de conter.
 
Dès sa plus tendre enfance, Igo est bercé par les récits légendaires de la Martinique. "Le conte se disait principalement lors des veillées mortuaires. Autour de moi, les gens n'écoutaient pas toujours, ils parlaient d'autre chose. J'étais le seul à ne rien dire, je ne voulais pas en perdre une miette", se souvient celui qui était toujours le premier à prendre la parole pendant les réunions de famille.

Retrouvez un conte d'Igo Drané dans les studios d'outre-mer 1ère :


IGO DRANE ET THIERRY GALAND / La1ere.fr par la1ere


"On devient conteur sans le savoir"

Issu d'un milieu modeste, Igo Drané arrive dans l'Hexagone à 18 ans pour étudier les langues avec la ferme intention d'enseigner l'anglais. "J'ai toujours aimé transmettre", confie-t-il. Il s'inscrit également en formation pour devenir infirmier en psychiatrie, métier qu'il exerce aujourd'hui.  
 
En parallèle, il milite pour la promotion de la culture antillaise dans plusieurs associations. "A ce moment-là, tout ce que j'avais entendu dans ma jeunesse est ressorti. J'ai toujours été attiré par les mots, la langue", glisse-t-il. Peu à peu, il commence à écrire et partage avec ceux qui l'entourent. "On devient conteur sans le savoir, sans chercher à l'être", affirme Igo. S'apercevant du lien intime entre parole et musique, il apprend à jouer de plusieurs instruments, lui "qui n'y connaissait rien". Il s'initie  aux percussions, à la flûte, au piano, à l'harmonica, à l'accordéon ou encore à la conque de lambi. Aujourd'hui, il les utilise tous lors de ses spectacles.

Dans le diaporama ci-dessous, découvrez les photos d'Igo Drané et de son musicien Thierry Galand dans les studios d'outre-mer 1ère :

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Imagination foisonnante

Ses influences : le bestiaire antillais et "toute la Caraïbe, source d'inspiration inépuisable". "Je puise dans les traditions, les légendes qui ont voyagé dans toute la région", poursuit Igo. Comme celle du Dorlis en Martinique, appelé l'homme au bâton en Guadeloupe. Un esprit malin pénètre la nuit chez les femmes pour abuser de leur intimité.
 
Hyperactif, Igo crée sans relâche. Il compte des centaines de récits à son actif. L'homme se définit comme un grand sensible. "Un rien peut me faire partir", ajoute le conteur qui ne "s'arrête jamais d'écrire en français et en créole", idiome qui lui tient à cœur et dont il défend la pratique. Cet amoureux de la langue travaille patiemment ses textes qui abondent d'effets de style : échos sonores, hyperbole, modulations de tons, allitérations… 

Le conte, "un monde de libertés"

Les fables sont également un moyen détourné de dénoncer les injustices sociales qu'il "déteste depuis l'enfance", les inégalités "que les hommes installent et dont certains profitent". Et de tourner en dérisions les discriminations, les clichés. "Les racistes me font de la peine. Ils se privent de tellement de choses", soupire le diseur. "La misère sociale m'interpelle, tout comme la vieillesse, la maladie ou l'appât du gain", poursuit-il. 
 
Voyager et faire rêver, c'est la motivation de cet humaniste passionné de rencontres. "Le conte, c'est un monde de libertés" qui transporte dans un espace hors du temps et de l'espace. "On emmène le public où l'on veut. On peut dépeindre le monde à sa guise", songe-t-il. La prochaine étape de son voyage imaginaire : le Congo dans le cadre d'un festival. Puis la Guyane où il portera sa "pawol" itinérante et contera encore et toujours à son public ébahi les mythes et légendes des Antilles. Igo Drané n'est décidemment pas prêt de se taire.