"Mémoires d’Outre-mer", un voyage érudit dans l’époque coloniale

Michaël Ferrier
Dans son nouvel ouvrage, « Mémoires d’Outre-mer », l’écrivain Michaël Ferrier relate le parcours aventureux de son grand-père mauricien, qui fut acrobate dans un cirque itinérant de l’océan Indien. Un livre érudit et savoureux. 
« Mémoires d’Outre-mer » se situe entre réel et imaginaire. L’auteur, Michaël Ferrier, est parti sur les traces de son grand-père Maxime, né à l’île Maurice puis émigré à Madagascar. A partir d’archives personnelles, complétées par une impressionnante érudition, le romancier nous fait vivre dans l’intimité de son aïeul, qui quitte son île à l’âge de dix-sept ans pour embrasser une carrière d’acrobate dans un cirque itinérant sur la « grande Ile », comme on surnomme Madagascar.
 
Porté par une vive écriture et beaucoup d'empathie pour le personnage, le livre est non seulement un roman biographique mais aussi un ouvrage où le poids de l’histoire est omniprésent, et suscite une réflexion sur l’époque coloniale. Michaël Ferrier convie aussi de grandes figures : Georges Perec et Molière côtoient Louis Armstrong, Frantz Fanon, Aimé Césaire et le chevalier de Saint-George, entre autres, pour conjuguer un « pluriel dans les noms, les lieux et les mémoires ». Le tout sous les auspices de Li-An, escrimeuse chinoise entre deux avions, passante de charme et taquine au « petit parfum de fleur »…
 
« Comment ? Une France multi-territoriale, aux temporalités qui s’ignorent, se répondent, s’enlacent, se superposent ?... Topographie déconcertante, encyclopédie improbable… Surprises à répétitions ! Il s’agirait non plus d’« apprendre la France à la semelle de ses souliers, mais de se rappeler qu’elle fut aussi forgée par des hommes et des femmes aux semelles de vent, poètes et politiques, migrants ou voyageurs. »

 

J’appelle ultramarin toute personne qui aime la délicatesse et le mélange et ne se satisfait pas de l’injustice du monde" (Michaël Ferrier) 

 







Et voici la belle définition donnée au terme ultramarin par le romancier : « J’appelle ultramarin toute personne qui aime la délicatesse et le mélange et ne se satisfait pas de l’injustice du monde : il a pour but de transformer le savoir en saveur, la douleur en douceur – et se sert pour cela de quelques armes simples : crayon, papier, couleurs). »
 
Dans un volet consacré à l’époque coloniale à Madagascar, Michaël Ferrier revient sur l’insurrection populaire dans l’île en 1947, matée au prix de milliers de morts par l’administration française. « Tortures, exécutions sommaires, députés arrêtés en dépit de leur immunité parlementaire, villages brûlés, militants enfermés dans des wagons et passés à la mitraille », écrit l’auteur.
 
Et il cite aussi cet étonnant extrait du Journal officiel de la République (Annales de l’Assemblée nationale du 15 mars 1950). « Aimé Césaire : (…) En vérité, alors que, dans nos territoires, la misère, l’oppression, l’ignorance, la discrimination raciale sont de règle, alors que, de plus en plus, au mépris de la Constitution, vous vous ingéniez à faire de l’Union française non pas une union, mais une prison de peuples… 
(…) Maurice Bayrou : Vous avez été bien heureux qu’on vous apprenne à lire !
Aimé Césaire : Ce n’est pas vous, monsieur Bayrou, qui m’avez appris à lire. Si j’ai appris à lire, c’est grâce au sacrifice de milliers et de milliers de Martiniquais qui ont saigné leurs veines pour que leurs fils aient de l’instruction et pour qu’ils puissent les défendre un jour.
»  
 

LISEZ ICI les premières pages du livre « Mémoires d’Outre-mer », de Michaël Ferrier

 

 

Michaël Ferrier, « Mémoires d'outre-mer » - éditions Gallimard, août 2015, 341 pages, 21 euros.