Ecrivain, philosophe et dramaturge né en Guadeloupe, Alain Foix est actuellement directeur artistique et metteur en scène de la compagnie Quai des Arts. Il réagit aux attaques terroristes qui ont frappé Paris le 13 novembre.
Ce mardi, l’écrivain guadeloupéen Alain Foix nous a interpellé sur un réseau social, en ces termes. « Ne croyez-vous pas que plutôt que de fermer des théâtres et lieux de culture, ils feraient mieux par ces temps maudits, non seulement de les ouvrir, mais d'en ouvrir d'autres, de développer la culture dans les ghettos, créer de la mixité culturelle ? Ouvrez une école, vous fermerez une prison, disait Victor Hugo. Ok, faire la guerre à Daech, Mais d'abord faire la guerre à l'inculture qui permet à celui-ci de prospérer ».
La1ere.fr a proposé à ce biographe de Martin Luther King et de Che Guevara (éditions Gallimard, collection Folio biographies) de poursuivre sa réflexion et nos échanges. Ce qu’il a fait volontiers en nous envoyant un texte, dont voici quelques extraits.
« La meilleure proie de ces religieux est celle que la société a tenu écartée de l’accès à la culture pour diverses raisons sociales et économiques. Et ces proies sont nombreuses. Pas seulement en banlieue », explique Alain Foix. « On s’étonne que des jeunes gens qui ont fait des études, qui sont comme tout le monde passés par l’éducation nationale, se trouvent embrigadés par les armées du jihad et commettent les crimes effroyables qu’on vient de connaître ce vendredi 13 novembre. Ils sont instruits, certes, mais quel est l’état de leur culture ? »
« Celle des produits de la marchandisation de masse, de la culture fast-food à consommer sur Internet ou des radios périphériques qui calibrent leur clientèle en calibrant par la même occasion les publicités dont ils sont matraqués. Mais certainement pas la culture qui fait lien, qui construit une unité sociale à travers des questions communes, où celles de la beauté et du goût personnels ne l’emportent pas nécessairement sur celles de la vérité et de la force artistique et d’émotion du propos. »
« C’est peut-être précisément parce que ces jeunes ne se sentent pas rattachés par la culture à un sens commun, parce qu’ils n’y retrouvent pas leur visage sinon en négatif, sinon par le symbole de leur absence, qu’ils cherchent par leur propres moyens un sens, un lien qui les conduise. La religion est ce lien. Un lien d’autant plus fort qu’il les protège de la complexité du monde, du matraquage d’images et de produits de consommation qui les renvoie quotidiennement à leur impuissance, à leur dévalorisation à l’aune de l’unique valeur de l’argent. »
« C’est dans cet état de délabrement psychologique, cette profonde errance que sont recueillis ces jeunes auxquels on donne des kalachnikovs par lesquelles ils se sentent exister. Exister en se construisant contre cet ennemi, la culture, qui les a écartés par ignorance et par dédain, les laissant dans le vide et l’ennui d’une existence sans lien spirituel et sacré avec le tout de la nation. Leur haine de la culture et d’eux-mêmes qui en sont exclus est l’arme la plus puissante des intégrismes. Et ce n’est alors pas un hasard s’ils s’en prennent au Bataclan, un lieu de la fête, de la rencontre, du partage, de la culture à l’œuvre. »
« Lorsque les pouvoirs publics auront compris que la culture globale, l’art, le théâtre et les spectacles, doivent intégrer ces visages dans lesquels ils se reconnaissent comme appartenant à l’unité spirituelle de la nation, un grand pas aura été franchi. Ce n’est certainement pas le seul, mais un pas décisif cependant », conclut Alain Foix.
La1ere.fr a proposé à ce biographe de Martin Luther King et de Che Guevara (éditions Gallimard, collection Folio biographies) de poursuivre sa réflexion et nos échanges. Ce qu’il a fait volontiers en nous envoyant un texte, dont voici quelques extraits.
« La meilleure proie de ces religieux est celle que la société a tenu écartée de l’accès à la culture pour diverses raisons sociales et économiques. Et ces proies sont nombreuses. Pas seulement en banlieue », explique Alain Foix. « On s’étonne que des jeunes gens qui ont fait des études, qui sont comme tout le monde passés par l’éducation nationale, se trouvent embrigadés par les armées du jihad et commettent les crimes effroyables qu’on vient de connaître ce vendredi 13 novembre. Ils sont instruits, certes, mais quel est l’état de leur culture ? »
« Celle des produits de la marchandisation de masse, de la culture fast-food à consommer sur Internet ou des radios périphériques qui calibrent leur clientèle en calibrant par la même occasion les publicités dont ils sont matraqués. Mais certainement pas la culture qui fait lien, qui construit une unité sociale à travers des questions communes, où celles de la beauté et du goût personnels ne l’emportent pas nécessairement sur celles de la vérité et de la force artistique et d’émotion du propos. »
La meilleure proie de ces religieux est celle que la société a tenu écarté de l’accès à la culture pour diverses raisons sociales et économiques. Et ces proies sont nombreuses. Pas seulement en banlieue" (Alain Foix)
« C’est peut-être précisément parce que ces jeunes ne se sentent pas rattachés par la culture à un sens commun, parce qu’ils n’y retrouvent pas leur visage sinon en négatif, sinon par le symbole de leur absence, qu’ils cherchent par leur propres moyens un sens, un lien qui les conduise. La religion est ce lien. Un lien d’autant plus fort qu’il les protège de la complexité du monde, du matraquage d’images et de produits de consommation qui les renvoie quotidiennement à leur impuissance, à leur dévalorisation à l’aune de l’unique valeur de l’argent. »
« C’est dans cet état de délabrement psychologique, cette profonde errance que sont recueillis ces jeunes auxquels on donne des kalachnikovs par lesquelles ils se sentent exister. Exister en se construisant contre cet ennemi, la culture, qui les a écartés par ignorance et par dédain, les laissant dans le vide et l’ennui d’une existence sans lien spirituel et sacré avec le tout de la nation. Leur haine de la culture et d’eux-mêmes qui en sont exclus est l’arme la plus puissante des intégrismes. Et ce n’est alors pas un hasard s’ils s’en prennent au Bataclan, un lieu de la fête, de la rencontre, du partage, de la culture à l’œuvre. »
« Lorsque les pouvoirs publics auront compris que la culture globale, l’art, le théâtre et les spectacles, doivent intégrer ces visages dans lesquels ils se reconnaissent comme appartenant à l’unité spirituelle de la nation, un grand pas aura été franchi. Ce n’est certainement pas le seul, mais un pas décisif cependant », conclut Alain Foix.