Au XIXe siècle, plus de 18.000 Africains partirent aux Antilles-Guyane sous contrat d’engagement de travail. La majorité d’entre eux étaient des captifs ou des esclaves rachetés en Afrique. L’historienne Céline Flory a raconté leur parcours. Interview.
Historienne, chargée de recherche au CNRS, Céline Flory a écrit un ouvrage passionnant sur l’histoire de l’engagisme des Africains aux Antilles-Guyane. Intitulé « De l’esclavage à la liberté forcée. Histoire des travailleurs africains engagés dans la Caraïbe française au XIXe siècle » (éditions Karthala), le livre raconte leur parcours de manière détaillée et extrêmement bien documentée, en ayant recours à de nombreuses archives de l’époque. Ce travail, issu d’un doctorat, a obtenu le prix de thèse de la Société des africanistes 2011, celui du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage 2012 ainsi que le prix Fetkann Maryse Condé de la recherche 2015.
Entre 1854 et 1862, juste après l’abolition de l’esclavage, un peu plus de 18.500 hommes, femmes et enfants de plusieurs pays d’Afrique furent envoyés en Guyane, Guadeloupe et Martinique pour y travailler. C’étaient officiellement des travailleurs sous contrat, tout comme d’autres émigrés venus d’Inde et de Chine. Cette période est connue sous le nom d’engagisme. Seulement, en ce qui concerne les Africains, 93 % d’entre eux furent rachetés sur le continent.
A ces captifs et esclaves rachetés, les recruteurs promettent l’émancipation dans le nouveau monde, avec un statut de « Noirs libres ». Un statut effectivement accordé, contre un engagement de travail d’une durée de dix ans minimum - le prix de la liberté - mais dont les conditions réelles ne sont pas très éloignées de l’esclavage. Par ailleurs, « il y a une petite minorité de travailleurs africains qui sont libres et volontaires au moment de l’engagement. Mais on leur a menti sur les conditions du contrat », précise l’historienne.
Une fois arrivés en Guyane et aux Antilles, la vie est très dure. « Ils doivent travailler 12 heures par jour et six jours sur sept. Leur mobilité est fortement contrainte. S’ils veulent quitter leur lieu d’habitation, qui est souvent leur lieu de travail, ils doivent avoir l’autorisation de leur engagiste pour pouvoir sortir. De plus la gestion de la comptabilité des jours de travail et des salaires est laissée soit à leur employeur soit à un représentant de leur employeur. Et en général les engagés ne savent ni lire ni écrire, donc ils se retrouvent en situation de grande dépendance vis-à-vis de l’administration et de leur employeur. »
« Il y a eu des résistances, beaucoup de marronnage et des grèves », relève cependant Céline Flory. « La législation de l’engagisme permettait aux engagés de porter plainte auprès d’organisations spéciales qui s’appelaient les syndics de l’immigration, ou auprès du commissaire de l’immigration. Malheureusement la plupart des plaintes n’aboutissaient pas. »
Sur un total de 18.520 Africains engagés, rachetés ou volontaires, envoyés aux Antilles et en Guyane, environ 130 repartirent en Afrique à la fin de leur contrat, en Sierra Leone et au Sénégal. C’étaient toutes des personnes à l'origine libres venues en Guyane. Aucun rapatriement ne fut organisé ni demandé aux Antilles, ni par l’administration ni par les migrants eux-mêmes.
Entre 1854 et 1862, juste après l’abolition de l’esclavage, un peu plus de 18.500 hommes, femmes et enfants de plusieurs pays d’Afrique furent envoyés en Guyane, Guadeloupe et Martinique pour y travailler. C’étaient officiellement des travailleurs sous contrat, tout comme d’autres émigrés venus d’Inde et de Chine. Cette période est connue sous le nom d’engagisme. Seulement, en ce qui concerne les Africains, 93 % d’entre eux furent rachetés sur le continent.
Captifs et esclaves rachetés
« Il y a des captifs, et des esclaves qui ont donc déjà travaillé, rachetés en Afrique », explique Céline Flory. « Ils ont des itinéraires de captivité et d’esclavage assez longs avant d’être rachetés par des agents français. Selon certaines sources, ils ont fait jusqu’à 300 km avant d’arriver sur les marché négriers du littoral, surtout en Afrique centrale. »A ces captifs et esclaves rachetés, les recruteurs promettent l’émancipation dans le nouveau monde, avec un statut de « Noirs libres ». Un statut effectivement accordé, contre un engagement de travail d’une durée de dix ans minimum - le prix de la liberté - mais dont les conditions réelles ne sont pas très éloignées de l’esclavage. Par ailleurs, « il y a une petite minorité de travailleurs africains qui sont libres et volontaires au moment de l’engagement. Mais on leur a menti sur les conditions du contrat », précise l’historienne.
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Une fois arrivés en Guyane et aux Antilles, la vie est très dure. « Ils doivent travailler 12 heures par jour et six jours sur sept. Leur mobilité est fortement contrainte. S’ils veulent quitter leur lieu d’habitation, qui est souvent leur lieu de travail, ils doivent avoir l’autorisation de leur engagiste pour pouvoir sortir. De plus la gestion de la comptabilité des jours de travail et des salaires est laissée soit à leur employeur soit à un représentant de leur employeur. Et en général les engagés ne savent ni lire ni écrire, donc ils se retrouvent en situation de grande dépendance vis-à-vis de l’administration et de leur employeur. »
« Il y a eu des résistances, beaucoup de marronnage et des grèves », relève cependant Céline Flory. « La législation de l’engagisme permettait aux engagés de porter plainte auprès d’organisations spéciales qui s’appelaient les syndics de l’immigration, ou auprès du commissaire de l’immigration. Malheureusement la plupart des plaintes n’aboutissaient pas. »
Sur un total de 18.520 Africains engagés, rachetés ou volontaires, envoyés aux Antilles et en Guyane, environ 130 repartirent en Afrique à la fin de leur contrat, en Sierra Leone et au Sénégal. C’étaient toutes des personnes à l'origine libres venues en Guyane. Aucun rapatriement ne fut organisé ni demandé aux Antilles, ni par l’administration ni par les migrants eux-mêmes.