L’incertitude pour de nombreux étudiants ultramarins alors que le sort de l'Ifcass est en suspens

© CAPTURE D'ÉCRAN DE LA PAGE FACEBOOK DE L'IFCASS
Chaque année, l’Ifcass forme à Dieppe plus de 300 jeunes aux carrières sanitaires et sociales. Près de 75 % viennent des Antilles, de la Guyane, de La Réunion et de Mayotte. En sursis depuis 5 ans, l’institut pourrait bien fermer ses portes, c'est Manuel Valls qui décidera de son sort. 
"Aujourd’hui, le budget est déficitaire d’1,1 million d’euros. Nous n’avons que 3 mois de trésorerie…" La sonnette d’alarme est tirée par Anne Letainturier, la représentante du personnel de l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales. Il y a 5 ans, l’un de ses ministères de tutelle, celui des Affaires Sociales, a pris la décision d’interrompre le versement d’une subvention de fonctionnement. "Depuis, l’État paie, mais sans nous rendre une stabilité", regrette-t-elle. Pour le personnel comme pour les 300 stagiaires, l’incertitude est totale.

Ecoutez l'interview d'Anne Letainturier sur Outre-mer 1ère : 


"Des emplois stables" pour les Domiens

Pourtant, l’Ifcass, implanté à Dieppe, en Normandie, démontre chaque année son efficacité. 80 % des stagiaires, à l’issue de la formation, trouvent un emploi ou se redirigent vers une formation diplômante comme une école d’infirmière. Et en très grande majorité, il s’agit de jeunes ultramarins, le plus souvent de milieu modeste. "Si je n’avais pas connu l’Ifcass, je n’aurais pas eu ma chance ailleurs" commente Liah Bonté, une Guadeloupéenne de 27 ans. L’institut, cette Abymienne l’a connu grâce à un article de journal. Elle en est plus que satisfaite. "Mais là, on est dans une impasse", reconnaît-elle. Sa formation jusqu’en mai semble assurée, mais les recrutements pour la rentrée prochaine ont été interrompus.

Ecoutez l'interview de Liah Bonté :


"On va y aller en manif' au Ministère"

Pour protester contre ce qu’ils appellent "une petite mort", élève et personnelle seront de nouveau en grève lundi. Ils manifesteront devant la sous-préfecture de Dieppe. Le maire de la ville, Sébastien Jumel (Front de Gauche), devrait se joindre au mouvement. "Franchement, réaliser une économie sur le dos des jeunes des Outre-mer, de milieu modeste…", soupire-t-il. Et Anne Letainturier, représentante du personnel, de renchérir : "On est interloqués ! Le président Hollande, dans ses vœux, a fait de l’emploi et de la formation une priorité. Nous, nous formons à des métiers porteurs. Mais chaque année, depuis 5 ans, on botte en touche, on trouve une rallonge pour calmer le jeu, mais il n’y a pas de véritables solutions." "Si on n’a pas de réponse", poursuit Sébastien Jumel, "on va y aller en manif’ au Ministère des Outre-mer". Une lettre a par ailleurs été envoyée à Manuel Valls dans laquelle le maire de Dieppe demande à être reçu par le Premier Ministre.

Ecoutez l'interview de Sébastien Jumel : 


Lisez la lettre de Sébastien Jumel envoyée à Manuel Valls :


Un scénario de maintien étudié par Manuel Valls

Aujourd’hui, le Ministère des Outre-mer est le seul à poursuivre la bataille. Du côté de la rue Oudinot, on soutient que George Pau-Langevin est très attachée à l’Ifcass, ce que confirment l’ensemble des acteurs du dossier. Mais aujourd’hui, malgré la mobilisation de ses équipes, la Ministre semble fort dépourvue face au refus catégorique du Ministère des Affaires sociales de remettre la main au porte-monnaie, mais aussi face au manque de solutions financières proposées par la ville de Dieppe et les différentes régions d’Outre-mer. 

Clairement, "une réorganisation est à prévoir", reconnaît-on du côté du Ministère des Outre-mer, d’abord à court terme, dans l’urgence, puis à moyen et long terme. Mais les délais sont très courts, quelques jours à peine. "L’objectif, c’est un scénario de maintien", souffle-t-on dans l’entourage de George Pau-Langevin. Si la formation des élèves ultramarins ne sera jamais remise en cause, elle pourrait prendre une autre forme, en dehors de l’Ifcass. "Mais l’Ifcass, c’est un tout", s’insurge Liah Bonté, l’étudiante guadeloupéenne. "On ne veut pas simplement d’une partie, c’est tout le concept qui fonctionne". Jusqu’à lundi, les services de la rue Oudinot vont plancher sur différents scenarii, avant de remettre les propositions au cabinet du Premier Ministre. C’est Manuel Valls qui devrait trancher dans le courant de la semaine prochaine.