A l’avant-veille de la Marche du 23 mai, Emmanuel Gordien, le président du Comité Marche du 23 mai 98 (CM98), explique l’importance de cet événement qui marque la Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial.
Emmanuel Gordien est président du Comité Marche du 23 mai 98 (CM98) et membre du Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage (CNMHE). Ce médecin de profession, originaire de Port-Louis en Guadeloupe, est responsable du laboratoire de virologie de l’hôpital Avicenne à Bobigny et maître de conférences des universités. Au CM98, il dirige également l’Atelier de Généalogie et d’Histoires des Familles Antillaises (AGHFA).
« Depuis 1998 nous avons retrouvé dans les archives 130.000 personnes de Guadeloupe et de Martinique qui étaient esclaves et qui ont reçu un nom à l’abolition en devenant de nouveaux libres. Donc cette année en 2018, nous les connaissons. Nous ne sommes plus, comme disait Aimé Césaire, habités par des ancêtres imaginaires mais nous les sacralisons. Nous avons gravé leur nom sur des panneaux, qui vont ouvrir la marche de ce 23 mai, désormais Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial. Nous allons marcher pour eux et pour nos enfants, en particulier sur une question majeure qui est l’une des conséquences les plus hideuses de l’esclavage colonial, le racisme » déclare Emmanuel Gordien à La1ere.
Au sein du CM98, Emmanuel Gordien a mis en place un atelier de généalogie, il y a plus de dix ans. « La tâche que nous nous sommes fixés, c’est de nous relier à nos ancêtres, de faire une filiation ou une affiliation à ces parents retrouvés », explique-t-il. « L’idée est de faire une généalogie ascendante, avec parents, grands-parents, arrière grands-parents… Comme nous avons le nom des premiers qui ont reçu des noms à l’abolition de l’esclavage, nous pouvons réaliser une filiation directe. »
Il est très difficile de remonter avant 1848 puisqu’avant cela les esclaves n’avaient pas d’état civil. Cependant le CM98 a acheté toute une série d’archives de notaires de la période allant de 1828 à 1848. Emmanuel Gordien estime qu’il faudra une dizaine d’années pour dépouiller toutes ces archives. « C’est un travail colossal mais nous pouvons trouver tout un ensemble d’éléments concernant les personnes qui vivaient en esclavage, les maladies qu’ils pouvaient avoir, leurs caractéristiques physiques, leurs prix de vente, parfois les punitions qu’on leur infligeait etc., et cela nous donne une connaissance intime de ces parents retrouvés. A ce jour nous avons fait la généalogie d’une centaine de nos membres. » L’atelier de généalogie a des permanences chaque semaine ainsi que des ateliers mensuels.
Ces réunions ont une résonnance particulière. « C’est une histoire qui est lourde à porter. Elle draine des souffrances, des frustrations et des troubles de l’estime de soi », souligne Emmanuel Gordien. « Aussi nous avons pour objectif d’inverser les stigmates de l’esclave. Ce ne sont plus des esclaves, mais des parents. Et de ce fait nous pouvons les aimer et les honorer. Un cheminement se fait et il y a une acceptation de soi. Nous ne sommes pas responsables de cette histoire, mais nous devons la connaître, la comprendre, l’assumer et nous réconcilier avec nous-mêmes et avec elle. C’est cela qui fera que nous pourrons être résilients. »
Pour honorer la mémoire des ancêtres réduits en esclavage, le CM98 a élaboré le projet d’édifier dans le Jardin des Tuileries un Mémorial des noms attribués aux 200.000 esclaves devenus libres après le décret d’abolition de l’esclavage de 1848. Une initiative soutenue par Emmanuel Macron le 27 avril à l’occasion du 170ème anniversaire de l'abolition. « Ce Mémorial national de la traite et de l’esclavage aux Tuileries consisterait en des plaques de verres sur lesquelles seraient gravés les prénoms, les matricules et les noms de famille qui ont été donnés à tous les esclaves des anciennes colonies de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion », précise Emmanuel Gordien.
« Ce projet est écrit, pensé et chiffré » ajoute le président du CM98. « Nous avons choisi le Jardin des Tuileries parce qu’il est situé juste à côté de la salle du Jeu de Paume, où en 1789 les révolutionnaires français ont proclamé les Droits de l’homme et du citoyen et que les hommes naissaient et demeuraient libres et égaux en droit. Et pourtant, toutes les personnes dont les noms seront gravés ont été esclaves pendant près de soixante ans après 1789. C’est pour nous un symbole extrêmement important. »
« Depuis 1998 nous avons retrouvé dans les archives 130.000 personnes de Guadeloupe et de Martinique qui étaient esclaves et qui ont reçu un nom à l’abolition en devenant de nouveaux libres. Donc cette année en 2018, nous les connaissons. Nous ne sommes plus, comme disait Aimé Césaire, habités par des ancêtres imaginaires mais nous les sacralisons. Nous avons gravé leur nom sur des panneaux, qui vont ouvrir la marche de ce 23 mai, désormais Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial. Nous allons marcher pour eux et pour nos enfants, en particulier sur une question majeure qui est l’une des conséquences les plus hideuses de l’esclavage colonial, le racisme » déclare Emmanuel Gordien à La1ere.
E. Gordien : "Nous ne sommes plus, comme disait Aimé Césaire, habités par des ancêtres imaginaires"
Au sein du CM98, Emmanuel Gordien a mis en place un atelier de généalogie, il y a plus de dix ans. « La tâche que nous nous sommes fixés, c’est de nous relier à nos ancêtres, de faire une filiation ou une affiliation à ces parents retrouvés », explique-t-il. « L’idée est de faire une généalogie ascendante, avec parents, grands-parents, arrière grands-parents… Comme nous avons le nom des premiers qui ont reçu des noms à l’abolition de l’esclavage, nous pouvons réaliser une filiation directe. »
Il est très difficile de remonter avant 1848 puisqu’avant cela les esclaves n’avaient pas d’état civil. Cependant le CM98 a acheté toute une série d’archives de notaires de la période allant de 1828 à 1848. Emmanuel Gordien estime qu’il faudra une dizaine d’années pour dépouiller toutes ces archives. « C’est un travail colossal mais nous pouvons trouver tout un ensemble d’éléments concernant les personnes qui vivaient en esclavage, les maladies qu’ils pouvaient avoir, leurs caractéristiques physiques, leurs prix de vente, parfois les punitions qu’on leur infligeait etc., et cela nous donne une connaissance intime de ces parents retrouvés. A ce jour nous avons fait la généalogie d’une centaine de nos membres. » L’atelier de généalogie a des permanences chaque semaine ainsi que des ateliers mensuels.
E. Gordien : "Ce ne sont plus des esclaves, mais des parents"
Ces réunions ont une résonnance particulière. « C’est une histoire qui est lourde à porter. Elle draine des souffrances, des frustrations et des troubles de l’estime de soi », souligne Emmanuel Gordien. « Aussi nous avons pour objectif d’inverser les stigmates de l’esclave. Ce ne sont plus des esclaves, mais des parents. Et de ce fait nous pouvons les aimer et les honorer. Un cheminement se fait et il y a une acceptation de soi. Nous ne sommes pas responsables de cette histoire, mais nous devons la connaître, la comprendre, l’assumer et nous réconcilier avec nous-mêmes et avec elle. C’est cela qui fera que nous pourrons être résilients. »
Je pense qu’il faut se poser la question du récit national, et comment nous entrons dans ce récit national. C’est une clé, notamment pour le vivre-ensemble et dans la lutte contre le racisme. Nous devons avoir une autre vision, et c’est ce que nous apporte tout ce travail sur la généalogie et la connaissance de soi-même. (Emmanuel Gordien)
Pour honorer la mémoire des ancêtres réduits en esclavage, le CM98 a élaboré le projet d’édifier dans le Jardin des Tuileries un Mémorial des noms attribués aux 200.000 esclaves devenus libres après le décret d’abolition de l’esclavage de 1848. Une initiative soutenue par Emmanuel Macron le 27 avril à l’occasion du 170ème anniversaire de l'abolition. « Ce Mémorial national de la traite et de l’esclavage aux Tuileries consisterait en des plaques de verres sur lesquelles seraient gravés les prénoms, les matricules et les noms de famille qui ont été donnés à tous les esclaves des anciennes colonies de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion », précise Emmanuel Gordien.
« Ce projet est écrit, pensé et chiffré » ajoute le président du CM98. « Nous avons choisi le Jardin des Tuileries parce qu’il est situé juste à côté de la salle du Jeu de Paume, où en 1789 les révolutionnaires français ont proclamé les Droits de l’homme et du citoyen et que les hommes naissaient et demeuraient libres et égaux en droit. Et pourtant, toutes les personnes dont les noms seront gravés ont été esclaves pendant près de soixante ans après 1789. C’est pour nous un symbole extrêmement important. »