23 mai : à Saint-Denis, l'émouvant hommage des descendants aux victimes de l'esclavage

La ville de Saint-Denis a célébré ce jeudi la journée nationale de commémoration des victimes de l'esclavage. Après la traditionnelle cérémonie républicaine en présence d'officiels, des centaines de personnes ont déposé des fleurs en hommage à leurs ancêtres esclaves dans les colonies françaises. 
 
Une fleur à la main, ils se sont massés autour de la sculpture érigée à Saint-Denis, pour honorer la mémoire des victimes de l’esclavage et de la traite négrière. Des centaines d’Antillais, de Guyanais et de Réunionnais de l’Hexagone ont rendu un vibrant hommage à leurs ancêtres esclaves dans les colonies. Le Comité Marche 98 (CM98) a voulu que cette nouvelle édition de Limyè Ba Yo, "lumière pour eux" en créole, soit placée sous le signe de la fraternité.
En quelques instants, la sphère de métal incrustée de médaillons portant des noms et des matricules d’esclaves se pare de roses de toutes les couleurs et de gerbera jaunes, au son de la chorale Shoublak. Le monument affiche 213 noms d’esclaves, "chiffre symbolique représentant les 213 ans de cet esclavage", explique le Comité National pour la Mémoire et l'Histoire de l'Esclavage (CMNHE). 
 

Cérémonie républicaine

Quelques minutes plus tôt, devant le mémorial dyonisien, s’étaient d’abord recueillies les personnalités officielles de cette cérémonie républicaine. D'abord Annick Girardin, la ministre de Outre-mer. Laurent Russier, le maire de la commune ou encore Jean-Marc Ayrault, président de la future fondation pour la mémoire de l'esclavage, ont également répondu à l’invitation d’Emmanuel Gordien, le président du CM98, et ont déposé des gerbes de fleurs au pied de l’œuvre du sculpteur Nicolas Cesbron, inaugurée en 2013.
Jean-Marc Ayrault rend hommage aux victimes de l'esclavage.


"Dire leurs noms, c'est leur rendre toute leur dignité"

Ces dépôts de gerbes ont été précédés de plusieurs discours sur une scène installée au pied de la basilique de Saint-Denis. Emmanuel Gordien en a profité pour évoquer la création d'un centre de mémoire des familles esclaves. Le président du CM98 le voit comme "un lieu d'apprentissage, d'éducation". Ce lieu viendrait compléter le grand mémorial qui doit être inauguré aux Tuileries à Paris en 2021. 

Ce mémorial national portera les noms de victimes de l'esclavage. Ce 23 mai 2019, Jean-Marc Ayrault réaffirme, face à une petite foule massée au pied de la scène, qu'il fera son possible pour que l'inauguration ait bien lieu en 2021 car "dire leurs noms, c'est leur rendre toute leur dignité."
 

Le village du 23 mai

A quelques mètres de là, sur cette place Victor Hugo, face à la célèbre basilique de Saint-Denis, des stands sont alignés pour former le traditionnel village du 23 mai. Associations et acteurs de mémoire sont présents aujourd'hui pour animer des ateliers de généalogie, une université populaire mais aussi pour partager le mémorial itinérant "Les noms de l'abolition". Objectif : permettre aux visiteurs, Martiniquais et Guadeloupéens de l'Hexagone pour beaucoup, de renouer avec leur histoire. 

Béatrice Farouil est la responsable des ateliers généalogie du CM98. Cet après-midi, avec d'autres bénévoles, elle répond aux questions des visiteurs qui souhaitent en savoir plus sur leurs ancêtres. La base de données du CM98 regorge déjà de 120 000 patronymes reçus par les esclaves en 1848, date de l'abolition de l'esclavage. Selon la jeune femme, "près de 95%" des demandes aboutissent grâce à ces ateliers.  

Concert

Cette journée de commémoration et d’hommage aux victimes de l’esclavage colonial se poursuit, ce soir, par un grand concert à suivre en direct sur notre page Facebook. Chanteurs et musiciens antillo-guyanais unissent leurs talents sur le parvis de la Basilique de Saint-Denis.

Retrouvez sur scène, les DéChenNé, un collectif d'artistes originaire des Outre-mer et dirigé par Tony Chasseur. Créé en 2014 à l'initiative du CM98, ils sont désormais présents tous les 23 mai pour célébrer la mémoire des esclaves. Cette année, Gérald Toto, Céline Languedoc, Dédé Saint-Prix, Marie-José Alie, Misié Sadik ou encore Angéliq sont attendus en live. 

 
Pourquoi le 23 mai ?
En 1998, 150 après l’abolition de l’esclavage, plusieurs milliers d’hommes et de femmes rendent hommage à leurs aïeux esclaves dans les colonies françaises. Le 23 mai 1998, ils défilent en silence à Paris entre les places de la Nation et de la République. L’idée avait été lancée par le Comité pour une commémoration unitaire du cent-cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage des nègres dans les colonies françaises (CCUCAENCF).

Pendant la manifestation, une pétition circule, demandant au gouvernement de reconnaître l'esclavage et la traite négrière comme crime contre l'humanité. Environ 10 000 signatures sont recueillies. Il faudra attendre le 10 mai 2001 pour que soit adoptée la "loi Taubira" reconnaissant la traite et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.

Le CM 98, le Comité Marche du 23 mai 98 (CM98) est fondé fin novembre 1999. Depuis lors et avec l’appui de la coordination des associations des originaires d’Outre-mer, il organise chaque année l’événement "Limyè Ba Yo", "lumière pour eux" en créole, une fête de la fraternité afin de commémorer les victimes de l’esclavage.

La journée du 23 mai, "journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial", a été ajoutée au calendrier par la loi dite "égalité réelle outre-mer" promulguée le 28 février 2017.