Celui de Provence a marqué d’abord les esprits de ceux qui y étaient et qui sont revenus, plutôt que celui du grand public.
Roger Ludeau se souvient avec beaucoup d’émotion dans sa voix de cette remontée de la vallée du Rhône.
"Quand on remontait en allant vers Lyon, on est tombés à Nîmes et tout le monde nous prenait pour des Américains mais quand ils nous ont vus de plus près avec les uniformes et les calots, c’était formidable, on a eu un formidable accueil."
Lui est rentré, il a fait l’intégralité de la guerre depuis le 21 mai 1941 où il avait embarqué en Nouvelle-Calédonie sur le Sagittaire, cap sur l’Australie.
L’étincelle dans les yeux 80 ans après
Mais l’émotion est palpable pour ceux qui sont encore vivants comme André Frioult le Saint-Pierrais qui nous a livré ses confidences près de Pau, à bientôt près de 100 ans. Élégant dans son costume cravate, cette cravate qu’il portait déjà pendant la guerre.
Il ira jusqu’en Allemagne avec son régiment, et finira la guerre en 1945.
Je souhaite qu'il n’y ait pas une guerre, que ceux qui ont 20 ans ne soient pas obligés d’en faire encore une. On tue ceux qui sont en face quand on réfléchit ils ne nous ont rien faits, mais c’était la guerre et il fallait y aller
André Frioult, 152ème régiment du génie
Même Ari Wong Kim le Polynésien, tranquillement installé dans son Ehpad les Bougainvilliers au Breuil-en-Auge nous disait encore il y a quelque temps.
"On était trop jeunes, il ne faut pas faire la guerre ce n’est pas beau ."
Lui qui était parti à la guerre à 16 ans, et qui en est revenu à 21 ans !
Bien des années plus tard ces hommes ont gardé une étincelle dans leurs yeux
Et si c’était à refaire ?
"Of course, bien sûr car parce que j’aimais bien mon pays" répond immédiatement Paul Leterrier, l’ancien des fusiliers marins, toujours gaillard à bientôt 103 ans.
"Ah si c’était à refaire et si j’étais militaire et que j’avais 20 ans et qu’on me donne l’ordre d’avancer, je le ferai" rétorque André Frioult.
À neuf cents kilomètres d’écart, les deux hommes sont sur la même longueur d’onde.
L’Outre-mer se retrouve en Provence
Les soldats d’Outre-mer sont présents en Provence bien plus qu'en Normandie c’est une des composantes essentielles de cette deuxième guerre mondiale.
Il fait savoir que les Outre-mer ont eu une expérience très différente d’un territoire ou d’un océan à l’autre, ce n’est pas le même ennemi, ce n’est pas le même ressort d’engagement même s’il y a des valeurs communes.
Il n’y a pas de mémoire commune de l’Outre-mer dans la seconde guerre mondiale, même si dans le débarquement de Provence se retrouvent tous les cheminements dans l’engagement de ces soldats ultramarins pour la France.
Géraud Létang docteur en Histoire, coordinateur mission 80 ans de la Libération
Comme chaque année Kali, Norbert et Tolomana s’imprègnent encore plus de ce qui s’est passé. Au mémorial du Mont-Faron au-dessus de Toulon, ils sont des passeurs de mémoire
"Lorsqu’un Océanien s’engage dans l’armée française, c’est avant tout un aventurier. Tout ce qu’on recherche c’est l’aventure, le dépassement de soi. On est des guerriers avant tout, on sait quel chemin on va prendre jusqu’au sacrifice suprême." (Kali)
"Je pense aux anciens et après ça déroule tout seul et c’est parti.
Ils ont répondu à l’appel, ils sont venus sans hésiter, ils ont eu le courage de partir loin de la famille, de leur terre pour venir défendre un pays qu'ils ne connaissent pas." (Norbert)
Mais alors pourquoi cette reconnaissance tardive pour les dissidents antillais, très tardive pour Ari Wong Kim qui reçoit la légion d’honneur à 96 ans, des mains de Francois Broche le fils du Lieutenant-Colonel Broche, le créateur du Bataillon du Pacifique ?
Sont-ils des héros ?
Là aussi la question se pose, voici les réponses de nos témoins :
Ari Wong Kim "Un héros c’est celui qui n’est pas mort "
Louis Kasni Warti : "Ah non ça ne se dit pas, non il faut d’abord sauver sa peau si vous voulez, partant de là on devient presque un héros. C’est la destinée, on a la chance de s’en sortir, d’autres ne s’en sortent pas."
Joëlle Colmay-Robert parlant de son père : "C’étaient des héros, il y avait plein de motivation, la libération de la France, les 20 années qu’il a vécues après le débarquement de Provence, 20 ans après ce qui restait le plus important de sa vie c’était la guerre."
André Frioult : "Ceux qui sont morts sont morts en héros mais ils sont morts, il valait mieux être un héros mais vivant, même pas héros mais vivant…"
Chaque année, Cavalaire-sur-Mer commémore l’événement, on se souvient du capitaine Perraud tombé si loin de son caillou et venu chercher son destin dans ce débarquement de Provence.
"Je suis un bon soldat, un bon Français"
Ces mots sont d’Octave Perrette qui, à 107 ans, est le plus ancien survivant de cette 1ère Division Française Libre.