Mercredi 16 août 1944, les soldats d’Outre-mer mettent enfin le pied sur le sol de leur mère patrie. C’est en France qu'il va falloir combattre, même si Winston Churchill ne le souhaitait pas, il a cédé face aux exigences françaises (Initialement l'opération s'appelait Anvil, enclume, puis Dragoon, Churchill dit y avoir été contraint, dragooned en anglais).
Premier réflexe de nombreux Français du Pacifique, se mettre à genoux et prendre du sable, comme Maurice Meunier, infirmier du BIMP qui se rappelle le geste bien précis qu’il a fait car il n'y avait pas de tirs allemands sur la plage.
J’ai pris une poignée de sable, et je me suis dit là on est chez nous, ça c’est la France, si je me fais descendre c’est chez moi et avec les copains on était tous d’accord
Maurice Meunier, infirmier Bataillon d'Infanterie de Marine du Pacifique
Pour Louis Kasni Warti, c’était presque la fin de sa vie, il avait frôlé la mort en Italie où il avait été blessé par un tir de mortier. Là il a failli se noyer :
"Avec ma petite taille, les poches remplies de grenade et les bottes pleines d’eau, il fallait tenir le fusil au-dessus de la tête sinon il était inutilisable. C’est un copain qui m’a ramené et m’a pris par les épaules, avec ma petite taille je me croyais foutu, je ne pouvais pas nager."
Mais pas de baroud sur les plages, pas d’Allemands. Les troupes du Général Wieze ont établi des fortifications sur les collines autour de Toulon notamment et attendent les alliés.
Baroud signifie poudre en arabe c’est de l’argot militaire, d’où l’expression des baroudeurs, ceux qui aiment utiliser la poudre et selon Paul Leterrier, le fusilier marin :
" Les Antillais et les gars du Pacifique étaient d’excellents baroudeurs".
Ils vont le prouver.
La prise du Golf Hôtel
Très vite on fixe des objectifs comme cet immense Golf Hôtel, bastion de défense près de la ville d’Hyères avec ces cinq étages. C’est la 3e compagnie qui est choisie, celle dont fait partie Louis Kasni Warti. Le général Brosset, commandant la 1ère Division Française Libre, est impatient. Il faut coûte que coûte prendre ce point défensif tenu par les Allemands.
Au BIMP deux sections de voltigeurs sont constituées, canaques et tahitiennes chargées de nettoyer les étages, sans reculer, sans avoir peur.
À 18 h les Calédoniens et les Polynésiens partent à l’assaut. Louis Kasni Warti raconte :
"Il fallait utiliser le lance-flammes pour les déloger, c’était la seule manière. Ils étaient asphyxiés, je me rappelle toujours qu’on avait constitué une section et le général nous disait vous les Tahitiens et les Calédoniens courez, allez-y. Il fallait gravir les étages et on y est arrivé."
L’image spectaculaire pour les soldats du Pacifique sera celle du Général Brosset montant avec sa jeep sur l’escalier de l’hôtel conquis, son pilote est jean Pierre Aumont l’acteur. Et le général félicite ses soldats. Comme dans un bon scénario .
Être brave au combat face à l'ennemi
André Frioult, le Saint-Pierrais, a frôlé la mort lui aussi, il fait partie du 152ème régiment du génie. Son job, déminer les plages, passer devant la troupe et sécuriser les passages pour les véhicules. Un jour alors qu’il était au volant d’un petit Dodge, il est remplacé au dernier moment sur son trajet quotidien par un camarade de son régiment, celui-ci passe à la place d'André sur une mine et il perd la main et l’œil.
J’ai eu une peur rétrospective, même si on pense souvent que la balle ou la mine va toucher le copain plutôt que vous. A vingt ans on n'a pas peur de la mort.
André Frioult, 152ème régiment du génie
" On a été braves devant l’ennemi " comme le rappelle Ari Wong Kim. Le Polynésien qui s’était engagé en usurpant l’identité de son frère, a été blessé deux fois dans le désert de Lybie et en Italie. Cette fois il s’en sortira.
Maudite Mauranne
Mais le BIMP va payer un lourd tribut dans les combats autour de Toulon.
Le 23 août les soldats partent à l’assaut de la position de la Mauranne, défendue avec des armes automatiques en défense circulaire.
Seize hommes vont mourir, dont le capitaine Raymond Perraud mortellement atteint alors qu'il se porte à l'assaut de la position ennemie avec sa compagnie. Le sergent-chef Calédonien Charles Porcheron sera tué d'une balle en pleine tête alors qu'il remonte encore à l’assaut.
Le destin fauche ces deux héros de Bir Hakeim qui seront faits Compagnons de la Libération à titre posthume par le Général de Gaulle. De nombreux Polynésiens trouvent la mort comme le Sergent-chef Charles Bernardino, tout juste agé de 25 ans.
Finalement 94 000 soldats et 1100 véhicules débarquent en 24 heures, mais en une semaine 933 hommes vont périr. Il faut garder l’objectif en tête : libérer Toulon et Marseille. Les Allemands plient mais tiennent encore les deux villes 10 jours après le débarquement.