Le Grand Slam de Paris, qui fait partie des quatre tournois du Grand Chelem, est la première grande compétition internationale de judo de l’année 2023, et les judokas français ne comptent pas rater ce rendez-vous. Sur les 56 athlètes sélectionnés, 22 ont moins de 23 ans et gravitent donc depuis peu dans le monde des seniors ; 12 participent pour la première fois au Grand Slam.
Parmi eux, William Cysique, 22 ans. Son nom ne vous est sans doute pas inconnu : sa sœur aînée Sarah-Léonie est une judokate de haut niveau, n°2 mondiale dans sa catégorie (- 57 kg).
"C’est mon premier gros tournoi international, premier Grand Slam qui plus est, donc j’appréhende un petit peu, reconnaît-il. Mais je reste confiant quand même parce que je me suis préparé."
Sans sa sœur
Le judoka d’origine guadeloupéenne regrette cependant de ne pas pouvoir participer à cet événement avec sa grande sœur, qui faisait partie des athlètes sélectionnées mais qui ne peut finalement pas concourir à cause d’une blessure.
"C’est la première compétition internationale qu’on aurait fait tous les deux. Je suis déçu, déjà pour sa blessure, et j’aurais kiffé avoir comme première compétition Paris et avec ma sœur, souffle-t-il. Tu gagnes toujours de l’adrénaline à savoir que ta sœur fait la compétition. Mais elle reviendra fort et je suis confiant pour elle."
Sarah-Léonie reste cependant présente en partageant son expérience avec son petit frère pour son premier Grand Slam : "Elle ne m’a pas spécialement donné de conseils, elle m’a bien évidemment dit de ne pas le prendre à la légère, de ne sous-estimer ou surestimer personne, que je suis capable de le faire."
"Je n’appréhende pas du tout la chose comme un événement que je ne peux pas surmonter, je sais très bien que je peux le surmonter donc je suis prêt à combattre et à défendre la France", assène William.
"Une course longue mais excitante"
Dans sa catégorie des - 66 kg, il n’est pas le seul Guadeloupéen sélectionné à vouloir se classer, voire chercher une médaille. Il y a aussi Maxime Gobert, champion d’Europe des moins de 23 ans l’an dernier. Bien que plus jeune d’un an, le natif des Abymes participe pour la troisième fois au Grand Slam qu’il considère comme "l’une des plus grandes compétitions au monde".
"C’est très important, surtout là où c’est placé [quatre mois avant les championnats du monde et 18 mois avant les JO, NDLR]. On a besoin de médailles pour se qualifier pour les championnats du monde et les Jeux Olympiques donc c’est une compétition très importante pour moi", explique-t-il.
Les Jeux de 2024 sont en effet déjà dans beaucoup de têtes, car tous veulent réussir à se qualifier pour toucher du doigt le rêve olympique.
"Cette qualification, je pense aller la chercher sur toutes les compétitions où je serai sélectionné, prévient d’ores et déjà Maxime. Je vais saisir ma chance à fond, ça va être une course longue mais excitante."
"On était la risée"
36e mondial dans sa catégorie, le Guadeloupéen a cependant conscience qu’il fait partie des jeunes pousses : "Il y a encore pas mal d’expérience à prendre encore, mais c’est en faisant des compétitions, en gagnant des médailles que ça va venir."
Malgré sa faible expérience, il sent une "dynamique différente qui est en train de se mettre en place", au sein des Bleus : "On a de plus en plus de médailles, je suis content pour moi et pour toute l’équipe, parce qu’on était ‘la risée’, et je pense qu'on a les armes pour que ça change, donc on va tout faire pour."
Au classement mondial, la sélection masculine faisait pâle figure comparée à la sélection féminine : toutes catégories confondues avant le Grand Slam de Paris, aucun Français n'est classé dans le top 10 masculin, tandis que 10 Françaises figurent dans le top 10 féminin, dont deux qui sont n°1 mondiales.
Parmi ces Françaises classées, deux sont Ultramarines : Julia Tolofua, originaire de Wallis-et-Futuna et n°4 mondiale des + 78 kg ; et Léa Fontaine, n°5 mondiale dans la même catégorie à seulement 21 ans.
La sérénité antillo-réunionnaise
Cette dernière en est déjà à sa quatrième participation au Grand Slam et avait remporté la médaille d’argent en 2021. Cette année, elle aimerait "changer le métal", mais aborde la compétition sans pression : "Pas d’appréhension, je sais ce que j’ai à faire et j’y vais tranquille, pas de stress", assume-t-elle.
Quand on l’interroge sur cette sérénité qu’elle arbore en toutes occasions, elle l’explique par "les origines, peut-être". "Ma mère est réunionnaise et mon père est guadeloupéen", révèle-t-elle en souriant.
Cette tranquillité se manifeste aussi par le fait qu’elle ne se projette pas sur les Jeux. "Je ne me prends pas la tête avec ça, assure-t-elle. Je prends chaque compète après chaque compète et on fera les comptes à la fin. Pour l’instant, on n’y est pas."
"Une rapidité incroyable"
Une attitude saluée par Christophe Massina, le responsable de l’équipe de France féminine de judo. "Elle est aussi dans une catégorie qui est aussi très concurrentielle, les + 78 kg [avec] quatre athlètes de très haut niveau mondial. Donc ça va être intéressant qu’elle prenne ces étapes les unes après les autres pour gravir les échelons et espérer être aux championnats d’Europe et aux Jeux Olympiques", analyse-t-il.
La Guadeloupéenne-Réunionnaise a en tout cas d’après lui "des capacités vraiment intéressantes" qu’elle a montré "plusieurs fois", et il veut notamment améliorer son attaque : "Elle a une coordination et une rapidité qui est assez incroyable dans sa dextérité, et j’aimerais qu’elle utilise plus ça que son gabarit pour pouvoir battre ses adversaires, donc pour l’instant on insiste vraiment là-dessus."
"Je ne me repose pas sur mes acquis, confirme Léa. Je sais qu’il y a encore des marges de progression et c’est à moi de les gravir rapidement." Mais quand on lui fait remarquer qu’elle est jeune et a encore du temps, elle balaye cet argument d’un revers de main : "Si je peux tout prendre maintenant comme les grands, je le fais, je ne me base pas sur mon âge."
"Bubuche, c'est un ange"
Des "grands" comme la Martiniquaise Amandine Buchard, qui a vu le groupe de l’équipe de France évoluer, ne voit pas cette relève comme une menace, bien au contraire.
"On s’entend bien, il n’y a pas de concurrence négative, assure celle que l’on surnomme Bubuche. Celles qui ont besoin de conseils, elles savent que je réponds toujours présente. Et d’avoir des jeunes qui arrivent, ça nous pousse à nous dépasser pour être toujours là."
Un état d’esprit que confirme Léa : "Pour moi, les anciens sont des exemples, c’est à moi de tout faire pour faire comme eux voire mieux. Bubuche, c’est un ange, elle est là si on en a besoin. C’est pareil pour Tchoum [surnom d’Audrey Tcheuméo, NDLR], Marie-Eve [Gahié, NDLR] aussi, ce sont vraiment des bonnes personnes."
"On a les meilleurs cadres du monde"
Kaïla Issoufi, qui est née à Mayotte et a grandi en Bretagne, partage aussi cet avis : "On a une chance qu’on a en France qui n’est pas forcément dans les autres pays, c’est que sur le tapis on a les meilleurs jeunes cadres du monde, c’est un plus qu’on ne peut pas négliger qui nous permet de progresser énormément."
"Je trouve que la concurrence est saine, ça me stimule, ajoute celle qui se retrouve en concurrence directe avec Marie-Eve Gahié et Margaux Pinot dans la catégorie des - 70 kg au Grand Slam de Paris. On sait déjà qu’elles vont répondre présentes, et du coup ça te donne encore plus d’énergie pour élever encore ton niveau au maximum, te surpasser." Classée 7e l’an dernier, elle espère faire mieux, et pourquoi pas décrocher une médaille.
Vice-championne d’Europe des moins de 23 ans, Kaïla sent en tout cas la différence dans l’entraînement : "Je trouve que la préparation est plus imposante qu’une préparation en championnat d’Europe des moins de 23 ans. On est sur du volume, de la qualité, encore plus."
"Se dépasser dans les combats"
Pour Christophe Massina, Kaïla montre des capacités "de compétitrice", "mentales", à "se dépasser dans les combats" et il attend cela de sa part au Grand Slam. Pour les compétitions suivantes, difficile pour lui de s’avancer.
"Elle a vraiment un besoin d’accentuer toute sa concentration et sa détermination sur des moments bien précis, donc c’est vraiment là-dessus qu’on travaille avec son club pour la faire évoluer", estime le responsable de l’équipe de France féminine de judo.
Mais il sait que, même si elle n’est "que" 44e mondiale, son potentiel peut aussi progresser rapidement de façon inattendue : "On ne sait jamais ce qui peut arriver, c’est ça aussi la force du judo."
10 médailles minimum aux JO
Dans l’idéal, Kaïla aimerait développer ses capacités pour les JO : "Paris 2024, c'est un rêve pour tout le monde, je l’ai forcément dans un coin de ma tête." Mais la Mahoraise de 21 ans ne met pas la charrue avant les bœufs : "Maintenant je prends les sélections comme on me les donne, je me prépare pour ce qu’on me donne."
Pour le président de la fédération française de judo, Stéphane Nomis, l’objectif est en tout cas très clair pour les JO 2024 : "On a performé à Tokyo avec huit médailles. […] À Paris, on en attend plus. […] L’enjeu, c'est d’en faire le plus possible. Un minimum de dix médailles est attendu pour le judo français." Les judokas savent ce qu’il leur reste à faire.
Les Ultramarines sélectionnées pour le Grand Slam de Paris 2023 (par ordre alphabétique) :
- Amandine Buchard (originaire de Martinique / - 52 kg)
- Léa Fontaine (originaire de La Réunion - Guadeloupe / + 78 kg)
- Kaïla Issoufi (Mayotte / - 70 kg)
- Fanny-Estelle Posvite (originaire de Guadeloupe / - 78 kg)
- Julia Tolofua (originaire de Wallis-et-Futuna / + 78 kg)
Les Ultramarins sélectionnés pour le Grand Slam de Paris 2023 2023 (par ordre alphabétique) :
- Alexis Mathieu (Nouvelle-Calédonie / - 90 kg)
- William Cysique (originaire de Guadeloupe / - 66 kg)
- Maxime Gobert (Guadeloupe / - 66 kg)
- Teddy Riner (Guadeloupe / + 100 kg)