C'est une première à Mayotte. À partir du lundi 16 août vont se tenir des rencontres et des événements, afin de sensibiliser aux violences sexuelles que subissent les enfants jusqu'à une marche blanche prévue le 5 septembre. Le 101e département français n'est pas épargné par ce fléau qui ne connait ni frontières géographiques, ni sociales, rappelle Saïrati Asimakou, présidente de l'association "Souboutou Ouhédzé Jilaho - Ose libérer ta parole". La Mahoraise veut aider ceux qui, comme elle, sont ou ont été victimes de viols dans l'enfance.
Toucher les parents et les représentants légaux
Entre juin 2020 et mars 2021, la page Facebook de son association, a reçu 213 témoignages. 55% des personnes victimes ont été agressées par un membre de leur famille, détaille Saïrati qui voit d'un très bon œil la libération de la parole. Mais pour la elle, le combat ne peut s'arrêter là : il faut que cette parole soit entendue.
"Les premières personnes concernées, ce sont les parents, analyse Saïrati. Ce sont les premières personnes qui reçoivent la parole. Donc ce sont ces personnes-là qu'on doit sensibiliser pour que justement elles puissent avoir les outils nécessaires pour accompagner les enfants qui disent avoir été victimes." Ce sont donc les parents qu'elle cherchera à rencontrer à Mayotte, par le biais des mairies, des associations et tous les organismes qui voudront bien l'aider dans cette mission.
Parler librement, sans honte
Ensuite, Saïrati Asimouko espère pouvoir s'entretenir avec les cadis et les fundis, dont la voix portent dans la société mahoraise. "En ouvrant cette porte, nous pouvons les inciter à porter le message à nos côtés, 'votre corps vous appartient et personne n’a le droit de vous toucher', participer à la cessation des mariages forcés, victime/agresseur. Leur donner les connaissances nécessaires pour soutenir et orienter les familles, briser le silence entretenu par les familles." Pour l'aider, la jeune femme de 28 ans peut compter sur son compagnon, mais aussi sur sa tante, victime elle aussi de violences sexuelles.
À Mayotte, Saïrati et Zohra comptent témoigner de ces violences qu'elles ont subies, de vive voix et en vidéo. "Bien qu’ayant l’habitude de parler publiquement de nos différentes histoires depuis bientôt trois ans, nous souhaitons nous préserver au mieux durant la semaine de sensibilisation, explique Saïrati. La projection d’une partie du témoignage par visio en début de séance de sensibilisation permettra de faciliter ce moment qui risque d’être fort en émotions. Après cette diffusion, nous prendrons un temps d’échange avec le public."
"Pour ne pas que ça arrive aux autres"
Il aura fallu plusieurs années aux deux femmes pour pouvoir mettre des mots sur les crimes. "Aujourd'hui, je peux parler de ça librement, sans honte, sans gêne, devant n'importe quelle personne, dans la famille, en dehors de la famille, avec certains des personnes de ma belle-famille…", détaille Zohra qui explique que le combat qu'elle mène aujourd'hui, pour les autres victimes, est "une sorte de thérapie".
"Ça ne me fait pas trop peur en fait, poursuit la Mahoraise installée dans le Loiret avant le grand départ pour Mayotte. Ça ne me fait pas peur du moment que je sais que je suis dans la vérité. J'aurai des émotions parce que je vais parler de mon histoire personnelle et ce n'est pas quelque chose de joli à raconter. Mais ça ne me fait pas peur d'affronter le public et expliquer ce qui doit être expliqué, faire cette mission de sensibilisation pour ne pas que ça arrive aux autres, diminuer, déjà dans un premier temps, les chiffres. Parce qu'il est là, le viol est là! Ce n'est pas tout de suite qu'on peut arrêter ça. Mais il faut oser lutter."
Regardez le reportage d'Outre-mer la 1ère sur les préparatifs de la mission de l'association à Mayotte :