C’est le pire scénario redouté par les autorités françaises et par les responsables des différents territoires ultramarins : qu’une force ennemie coupe un ou plusieurs câbles sous-marins qui relient l’Hexagone aux Outre-mer.
Les câbles sous-marins sont devenus indispensables au fonctionnement de la société et de l'économie mondiale, parce qu'ils font transiter plus de 98 % des communications internationales, c'est-à-dire les appels téléphoniques que l'on passe vers l'international et les données qu'on consulte lorsque l'on va sur des sites qui sont hébergés sur des serveurs à l'étranger.
Camille Morel, chercheuse en relations internationales
Pour Camille Morel, chercheuse en relations internationales à l'Université Jean Moulin Lyon III et au Centre d’études stratégiques de la marine (CESM), une attaque contre les câbles sous-marins auraient des répercussions sur nos vies car "la quasi-totalité de nos activités quotidiennes, en tant que citoyen, les réseaux sociaux, mais également les banques, les entreprises, qui mettent en ligne leurs données, les administrations" transitent par ces moyens de communication.
Les Outre-mer vulnérables
Autre inquiétude : l’espionnage ou le pillage des informations qui transitent dans ces câbles. Si la grande partie de ces données numériques n’ont guère de valeur – c’est tout le trafic internet des particuliers -, les autres, en revanche, sont beaucoup plus stratégiques et intéressent les puissances mondiales, qui n’hésitent pas à déployer des moyens militaires, pour espionner, manipuler ou déstabiliser un pays. "La connectivité va être impactée, avance Camille Morel. Elle va ralentir ou s'arrêter. En revanche, je pense qu'on observerait plus un impact financier et un impact dans la connectivité en général, dans la connectivité aux réseaux sociaux", mais pas un impact vital.
Internet est une interconnexion mondiale en temps réel qui repose aujourd’hui sur un seul réseau : la fibre optique, en plein déploiement dans le monde, y compris Outre-mer. Plus de 420 câbles maritimes déployant cette technologie parcourent le globe à travers les profondeurs maritimes. Ils relient les pays entre eux et la France à ses Outre-mer.
Quand un câble est sectionné, très souvent pour des raisons naturelles ou humaines (séisme ou chaluts d’un bateau par exemple), les territoires re-routent les données vers un autre câble. Or, en Outre-mer, trois territoires n’en possèdent qu’un : la Nouvelle-Calédonie (qui a lancé l'installation d'un deuxième câble au mois de mars), Saint-Pierre et Miquelon et Wallis et Futuna. Seule alternative : faire transiter les données sensibles par l’espace grâce aux satellites.
On peut utiliser soit des satellites géostationnaires, c'est-à-dire des satellites qui sont très hauts, juste au-dessus d'un pays et qui ne bougent pas. Mais les temps de transport des données sont relativement élevés, autrement dit, vous n'avez pas de temps réel, mais un petit décalage. Ou soit on peut avoir une flotte de satellites qui sont en orbite basse. Dans ce cas, les temps de communication sont faibles, donc vous avez vraiment de l'internet en temps réel.
Philippe Baptiste, président du Centre national d'études spatiales (CNES)
C’est tout l’enjeu des constellations de microsatellites pour le web en cours de déploiement par différents États. Malgré ce contexte géostratégique complexe, il ne faut généralement qu’une dizaine de jours aux opérateurs pour résoudre panne ou coupure d’un câble sous-marins. Une fois localisé le lieu d’intervention, des grappins sont envoyés par le fond pour récupérer les morceaux, les souder à bord d’un câblier et permettre à nouveau le flux des communications numériques pour un retour à la normale.
Regardez le sujet de Jean-Michel Mazerolle, Albane Lussien et François Brauge :