La galère des néo-titulaires : une Réunionnaise affectée en région parisienne, sans l'avoir voulu, témoigne

Une néo-professeure réunionnaise témoigne
Fanny (nom d'emprunt), originaire de La Réunion, vient de faire sa rentrée dans un établissement de Bussy-Saint-Georges en région parisienne. Toutes ses économies sont allées dans son billet d’avion et le logement. Elle a accepté de témoigner anonymement.

Comment enseigner sereinement quand on est prise à la gorge par des dépenses matérielles et d’innombrables tâches administratives ? Fanny une professeure réunionnaise titulaire affectée à Bussy-Saint-Georges, a décidé de faire part de son malaise.  Après le coût de son billet d’avion entre La Réunion et Paris, près de 900 euros en comptant les trois bagages, elle a dû verser 550 euros pour dix jours dans un Airbnb. Rien à voir avec un cinq étoiles ! La jeune professeure a dû dormir par terre, le canapé convertible étant cassé. Il lui a fallu acheter un matelas. En plus, les fenêtres ne fermaient pas bien, la machine à laver ne fonctionnait pas et les toilettes étaient cassées. L'enfer !

Avec les jeux olympiques, Fanny n'a pas réussi à trouver un logement digne de ce nom. "Avec les JO, tout était hors de prix", témoigne-t-elle. "On m’a dit que je gagnais trop d’argent avec mon salaire de La Réunion et quand on regardait mon salaire de l’Hexagone, on me disait que je ne gagnais pas assez. J’étais à deux doigts de prendre mon billet de retour". Grâce à son père, Fanny décide de rester. Il vient la rejoindre pendant dix jours afin de l'aider et de la soutenir moralement avant la rentrée des classes. 

Aucun accompagnement

La jeune femme ne comprend pas pourquoi l'Éducation nationale lui a imposé cette mutation dans l'académie de Créteil. "On nous demande de passer le concours et quand on est titulaire, on nous envoie dans l'Hexagone ou à Mayotte. On privilégie des contractuels plutôt que des titulaires", déplore-t-elle. Selon la jeune femme, il y a de nombreux postes vacants à La Réunion, mais l'administration estime qu'il y a "plus de postes libres à Créteil". 

À La Réunion, Fanny savait qu'elle pouvait un jour être mutée, mais elle n'était pas du tout préparée à ce changement et cette distance imposée avec son compagnon et sa famille. Elle ne s'attendait pas non plus à être à ce point livrée à elle-même. À son arrivée dans l'Hexagone, personne n'est venu l'accueillir ou l'aider dans ses démarches de recherche de logement. À la rentrée, dans son établissement, on lui a proposé un logement vide dans un lycée au loyer mensuel de 900 euros, bien trop cher au vu du salaire de la professeure. 

Des élèves adorables

La jeune femme a donc "galéré pendant vingt jours" afin de trouver un appartement. En même temps, elle se devait de préparer ses cours et d'effectuer tout un tas de démarches administratives. La professeure déplore aussi le manque de réalisme de son établissement. "On m'a demandé de prendre des responsabilités, de devenir professeur principal. J’ai essayé de refuser, on a voulu me forcer, car des collègues ne voulaient pas tenir ce rôle. On a fini par trouver une solution". "Heureusement", souligne Fanny qui avoue qu'elle aurait fini par craquer.

Aujourd’hui, "ça commence à aller mieux dans le travail", note la jeune femme. Elle trouve "les élèves adorables". Malgré tout la distance et l'incompréhension face à un système absurde lui pèsent. Elle compte bien un jour prochain revenir à La Réunion enseigner comme elle en a toujours rêvé. La jeune femme fait partie d'un groupe de professeurs sur internet, une cinquantaine de Réunionnais, tous dans la même situation.