Alcoolisation fœtale : quand l'alcool peut faire basculer la vie d'un bébé

L'alcool peut entraîner un retard de croissance, une déficience neurologique ou des malformations sur le fœtus. (Photo d'illustration - Minute Santé).
Selon une étude réalisée entre 2006 et 2013, l'alcoolisation fœtale concernait 0,48 cas pour 1.000 naissances en France. Un chiffre qui grimpe à 1,22 à La Réunion ! Mais de quoi s'agit-il exactement ? On fait le point dans cet épisode de Minute Santé.

Quelle femme enceinte n'a jamais entendu à Noël ou lors d'un anniversaire une phrase comme : "Une petite goutte ne te fera pas de mal" ? L'alcool est en effet très souvent associé aux moments festifs dans les mentalités, et même dans un livre consacré à la grossesse datant de la fin des années 1970, il était indiqué que le vin pouvait être consommé avec modération !

Extrait du livre "J'attends un enfant" de Laurence Pernoud, dans son édition de 1978.

Si les messages de sensibilisation sont aujourd'hui très clairs – "Zéro alcool pendant la grossesse" -, dans la pratique certaines femmes semblent boire puisque des bébés souffrent à la naissance de retard de croissance, de malformations ou encore de déficience mentale. C'est dû à l'alcoolisation fœtale.

Pour comprendre de quoi il s'agit, on vous propose un résumé express dans cette vidéo d'une minute. Et plus de détails dans la suite de l'article.

TCAF, SAF, aCAF... quèsaco ?

Quand une femme enceinte boit une bière, du vin ou un digestif, l'alcool passe de son sang à celui du fœtus via le placenta. Même si la future mère a l'impression de ne prendre qu'une dose minime, la concentration d'alcool sera beaucoup plus importante chez le bébé, celui-ci étant tout petit.

Cette consommation peut alors entraîner des dégâts irréversibles sur le développement du fœtus. C'est ce qu'on appelle les troubles causés par l'alcoolisation fœtale, ou TCAF. Ces troubles englobent le syndrome d'alcoolisation fœtale (SAF), qui est la forme la plus grave, et les autres conséquences liées à une alcoolisation fœtale (aCAF).

Première cause non génétique de handicap mental chez l’enfant, le SAF se manifeste par :

  • Un retard de croissance
  • Des troubles du développement neurologique
  • Des malformations du crâne et du visage : microcéphalie (due au retard de croissance), fentes oculaires étroites, nez court, absence de philtrum (la fossette située entre le nez et la lèvre supérieure), lèvre supérieure fine.

Les autres conséquences ou aCAF peuvent être un retard psychomoteur, des troubles de l'apprentissage, de l’attention, du comportement et/ou de l’adaptation sociale. Ils peuvent donc se manifester plusieurs mois ou années après la naissance par des difficultés pour acquérir le langage, une situation d'échec scolaire ou d'exclusion sociale.

Des disparités régionales

Une étude de Santé publique France publiée en 2018 indique qu'entre les périodes 2006‑2009 et 2010‑2013, on observait "une diminution significative du nombre d’enfants diagnostiqués pour un SAF mais une augmentation du nombre des autres conséquences liées à une alcoolisation fœtale (aCAF)".

Selon cette même étude, l'alcoolisation fœtale est davantage présente dans certaines régions. C'est le cas de l'île de La Réunion qui occupe la première marche du podium avec 1,22 cas pour 1.000 naissances, ce qui représente en moyenne chaque année 130 bébés, comme le montre le graphique ci-dessous.

La Guadeloupe est un peu au-dessus de la moyenne nationale avec 0,68 cas pour 1.000 naissances, et la Guyane légèrement en dessous avec une moyenne de 0,30. La région avec le taux le plus bas est la Martinique, avec 0,13 cas pour 1.000 naissances.

La Réunion pro-active

Néanmoins, il est précisé que ces données sont à prendre avec précaution pour plusieurs raisons. L'étude est en effet centrée sur le premier mois de vie du bébé, or certains symptômes n'apparaissent pas tout de suite et l'alcoolisation fœtale n'est donc pas toujours diagnostiquée.

L'incidence plus élevée à La Réunion, ainsi que dans le Nord-Pas-de-Calais ou en Normandie peut aussi s'expliquer par des pratiques de diagnostic différentes : plus sensibilisés à ce problème par le passé, les soignants seraient plus à même de repérer des cas d'alcoolisation fœtale. Par exemple, "la mise en place d’une structure spécialisée dans le repérage et le suivi de cette pathologie (La Réunion et Aquitaine) [...] favorise de fait l’identification et l’enregistrement des cas".

Autre difficulté : la sous-estimation de la consommation d'alcool. Les femmes mentent sur ce qu'elles boivent réellement pour ne pas apparaître comme de mauvaises mères. Difficile donc de repérer les cas qui pourraient être problématiques. Par ailleurs, aucune étude n'a montré un seuil en dessous duquel il n'y aurait pas de risque, d'où la recommandation de proscrire l'alcool durant toute la durée de grossesse.