Alcoolisation fœtale : cinq fois plus de cas à La Réunion qu’au niveau national

Chaque jour en France, un nouveau-né subit les conséquences néfastes de la consommation d'alcool par sa mère enceinte, selon les autorités sanitaires. La Réunion est la région la plus touchée par ces troubles d’alcoolisation fœtale. La Guadeloupe essuie, elle, une forte augmentation.
L'agence sanitaire Santé publique France a dévoilé mardi la première estimation nationale des troubles causés par l'alcoolisation fœtale chez les nouveau-nés. Entre 2006 et 2013, 3.207 bébés, soit environ un par jour, ont présenté au moins une conséquence liée à la consommation d'alcool par leur mère quand elle était enceinte. Sur ce total, 452 nouveau-nés, soit un par semaine, étaient atteints par un syndrome d'alcoolisation fœ​tale (SAF), forme la plus grave de ces troubles. Ces chiffres seraient sous-estimés en raison de la difficulté du diagnostic, selon l'agence sanitaire.
 

Taux record à La Réunion,
forte augmentation en Guadeloupe

Sur l’île de La Réunion, 0,36 cas de syndrome d’alcoolisation fœtale a été recensé pour 1000 naissances, soit plus de cinq fois le taux national (0,07 cas pour 1000 naissances). Ainsi, en 7 ans, ce sont 41 nouveau-nés qui ont été diagnostiqués. A l'inverse, deux régions françaises n’ont déclaré aucun cas : la Corse et la Franche-Comté.

Lorsque sont ajoutés les autres troubles causés par la consommation d'alcool pendant la grossesse, le département de l’Océan Indien atteint même le chiffre de 1,22 cas pour 1000 naissances, quand la moyenne nationale est à 0,48 cas. A La Réunion, 140 bébés auraient ainsi été touchés par ces troubles entre 2006 et 2013.

C’est en Guadeloupe que l’augmentation du nombre de troubles causés par l’alcoolisation fœtale a le plus fortement augmenté : de 0,16/1000 naissances en 2006‑2009 à 1,14 en 2010‑2013, selon l'agence sanitaire Santé publique France. Pour comparaison, en Martinique, le nombre de cas pour 1000 naissances est passé de 0,09 à 0,11. 
 

De lourdes conséquences

"L'alcool traverse le placenta et est toxique pour le bébé", a expliqué François Bourdillon, directeur général de Santé publique France, lors d'une conférence de presse. Potentiellement, les conséquences peuvent être lourdes : anomalies physiques (retard de croissance, malformations) et neurodéveloppementales (retard mental, déficit de l'attention, problèmes de mémoire, difficultés d'apprentissage...).

"Le SAF est la première cause de handicap mental non génétique à la naissance et d'inadaptation sociale de l'enfant et il est entièrement évitable", insiste l'étude de Santé publique France. "C'est un risque majeur de perturbation du développement de l'enfant et il n'a pas forcément la place qu'ont les autres (génétique et accidentel, ndlr) dans notre système de santé", estime le neuropédiatre David Germanaud.
 

Une meilleure détection à La Réunion

Ces chiffres élevés cachent une réalité complexe. Outre une consommation d’alcool plus fréquente pendant la grossesse, la détection des cas varie d’une région à l’autre, en fonction de la sensibilisation des personnels soignants et la formation à poser un diagnostic. 

Les disparités entre les régions pourraient "être dû à des différences en termes d’investissement et de formation des professionnels de santé dans le diagnostic, explique l’étude. Ceci s’explique souvent par un contexte historique loco‑régional particulier, notamment dans les régions où les soignants ont déjà dû diagnostiquer ou prendre en charge ce type de cas et sont sensibilisés à cette problématique.Santé Publique France rappelle, ainsi, la mise en place d’une structure spécialisée dans le repérage et le suivi de cette pathologie à La Réunion qui favorise l’identification et l’enregistrement des cas.

L'opération Safthon, lancée en 2017, est reconduite cette année. Il s'agit d'une vaste campagne d'information du 3 au 7 septembre, afin de de sensibiliser sur l'alcoolisme des femmes enceintes.