Allègement du confinement : les annonces d'Emmanuel Macron relancent indirectement les réservations de vols vers les Outre-mer

Autour des pistes d'Orly, les préparatifs vont bon train
Au lendemain de l’allocution du Président de la République mardi 24, annonçant la fin probable du confinement le 15 décembre prochain, les dirigeants des compagnies aériennes qui desservent les outre-mer entrevoient désormais une meilleure fin d’année.
Une lueur d'espoir pour les fêtes de fin d'année pour les compagnies aériennes, alors qu'elles redoutaient le pire il y a encore quelques jours à peine. "Depuis mardi soir, on sent un frémissement en matière de réservation, confie Marc Rochet, le PDG d’Air Caraïbes et de French Bee. Nous avions laissé les vols ouverts sur notre système de réservation pour cette fin d’année. Nous étions engagés à 60 % de commandes de voyages par rapport à la même période des fêtes de l’an passé. Avec les annonces du Président de la République et une augmentation sensible des réservations en ligne depuis hier soir, on pense pouvoir atteindre désormais le seuil de 80 à 85 % de passagers transportés par rapport à la même période des fêtes en 2019 qui avait été une très belle année."

Même son de cloche du côté de la direction de Corsair : "C’est une excellente nouvelle pour nous et surtout pour tous nos clients qui vont pouvoir se déplacer quel qu’en soit le motif, loisirs, affinitaire ou affaires, si la levée du confinement est effective à compter du 15 décembre, explique-t-on à Outre-mer la 1ère.

Suite à l’intervention du Président Macron, nous avons déjà noté un pic de réservation sur le site de Corsair, pour nos trois destinations Guadeloupe, Martinique et Réunion. On sent que les gens ont véritablement envie de voyager. Nous travaillons pour pouvoir nous adapter très vite à la demande.

Direction de Corsair

 

Surtout des réservations pour les Outre-mer ?

Si d’autres compagnies aériennes comme Air Austral et Air Tahiti Nui attendent les précisions du gouvernement en fin de semaine pour s’exprimer sur le remplissage de leurs avions pour les fêtes de fin d’année, Air France annonce quant à elle une multiplication par 4 des réservations sur son site internet depuis la fin de l’annonce présidentielle, mardi 24 novembre au soir, toutes destinations confondues.

"Les DOM sont bien évidement largement concernées par cette nette augmentation", précise un des responsables de la communication de la compagnie joint par téléphone. Si la compagnie tricolore refuse de donner plus de précisions sur les chiffres par liaison aérienne, elle reconnait qu’en raison des fortes contraintes de vol sur les destinations long-courrier à cause de la Covid-19, "ce sont essentiellement les réservations sur les vols domestiques et à destinations des outre-mer qui enregistrent un tel engouement pour les fêtes de fin d’année."
 

Visibilité très réduite

Pas encore de confirmation de cette hausse des réservations du côté de Aéroport de Paris, le groupe qui gère les plateformes aéroportuaires de Paris-Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle. "C’est trop tôt pour le mesurer, nous a confié un cadre de l’entreprise ADP. On ne pourra confirmer cette tendance à la hausse pour la période des fêtes que d’ici 15 jours, au moment où les compagnies aériennes commenceront à déposer leurs programmes de vols pour la fin de l’année."

C’est toute la conséquence de la crise sanitaire sur nos habitudes de travail : depuis le début de la pandémie, nous naviguons désormais à vue. Nous sommes pour l’heure incapables de voir au-delà de 2 à 3 semaines tant les compagnies changent leurs plans de vols en fonction des réservations et des restrictions de circulation aérienne, là où en temps ordinaire, nous avions une vision du trafic au moins 6 mois à l’avance…

Aéroports de Paris

 

Annus horribilis

Ce redémarrage (relance) des réservations est une bonne nouvelle pour les territoires ultramarins comme pour les professionnels de l’aérien. L’annonce d’un début de déconfinement tombe au mieux pour les compagnies françaises qui desservent les outre-mer.
Car après une plutôt bonne reprise du trafic aérien durant l’été 2020 – les compagnies ayant enregistrés des taux de remplissage jusqu’à 85 % en juillet et aout ! -, ce même trafic s’est depuis effondré. "Le trafic aérien dans les aéroports français s’est établi en octobre 2020 à 23,8% de celui du même mois l’année dernière, reculant de nouveau en raison du confinement lié à la pandémie de Covid-19, selon la DGAC, la Direction Générale de l’Aviation Civile. Sur les lignes reliant la Métropole aux Outre-mer, le trafic reste malgré tout à hauteur de 64,3% de ce qu’il fut en 2019".
A noter une baisse de 66 % de passagers au plan mondial. Du jamais vu depuis 2003.

Dès lors, tous les transporteurs avaient réduit les rotations. "2020 restera comme une annus horribilis !", pour reprendre les termes d’un professionnel du secteur.
 

Réduction de salaires

La période des fêtes a toute les chances d’être une bouffée d’oxygène pour le secteur alors que la crise sanitaire les frappe de plein fouet. Directions et personnels étaient jusqu’alors en apnée ; la crise obligeant les personnels de certaines compagnies privées desservant les Outre-mer à accepter des réductions de salaires importantes pour éviter des licenciements ou la faillite de leur compagnie. La crise se poursuivant, des plans de réductions d’effectifs – notamment des départs volontaires -  sont même en cours de négociation pour certaines d’entre-elles.
 

Quelles destinations sont prisées ?

Que ce soit pour les Antilles et La Réunion, les compagnies aériennes jointes par téléphone reconnaissent que la demande de voyages pour cette fin d’année est pour l’heure en très grande majorité à l’initiative de la clientèle affinitaire – ces ultramarins ou originaires vivant en hexagone – qui souhaitent rentrer au pays pour retrouver leur famille et célébrer Noël et le Nouvel An dans leurs traditions.

Concernant la Polynésie, l’éloignement et la durée du vol (plus de 20 heures) pour une période courte comme c’est le cas pour les vacances de fin d’année ne favorise pas pour l’heure les envies de voyages vers le Fenua.
 
A noter, en revanche, une forte demande du côté de la Guyane (essentiellement dans le sens Cayenne-Paris) du fait d’un nombre important de métropolitains travaillant dans les industries de pointe comme le spatial qui souhaitent profiter de cette période pour eux aussi retourner en hexagone et passer les fêtes en famille.
 

Tous nos avions seront en l’air pour cette période des fêtes : même nos vieux modèles, les Airbus A330 qui étaient confinés jusqu’alors depuis le début de la crise, repartiront en vol courant décembre. On se donne les moyens d’offrir à la clientèle des possibilités de voyager. On va mettre de l’offre et de la capacité sur ces routes qui desservent les Outre-mer car on pense que les gens ont besoin et envie de voyager.

Marc Rochet, le PDG d’air Caraïbes et French Bee

  

Rentrée 2021 compliquée

En revanche, toutes les compagnies s’attendent d’ors et déjà à une diminution des demandes de voyage en janvier 2021, à l’issue des vacances de Noël. "Le mois de janvier sera difficile", reconnait un cadre d’Air France.

Etonnamment, certaines compagnies aériennes regardent de près la réouverture des stations de ski fin janvier 2021, comme évoqué par le président de la République lors de son allocution du 24 novembre. "Sur le marché du tourisme français, leur réouverture sonnerait alors une reprise modeste des voyages touristiques vers les Outre-mer, dans des territoires français où la santé est assurée", reconnaît un expert du secteur. "Si les stations de ski rouvrent fin janvier, on espère des clients sur la Réunion et les Antilles fin février", ajoute Marc Rochet, même si pour l’heure il est difficile de dire ce qu’il en sera des vacances de février et de pâques 2021 en matière de transport aérien. De manière générale, nous pensons que le trafic restera modéré jusqu’en mai 2021 hormis la fin de cette année. Nous espérons une reprise du trafic à partir de juin 2021."

D’ici là, encore faudra-t-il aux compagnies aériennes avoir les reins financiers suffisamment solides pour tenir et payer les lourdes charges qu’elles doivent payer chaque mois. La bouffée d’oxygène qui semble se profiler pour cette fin d’année avec la relance des réservations est certes une aubaine pour les professionnels mais restera comme un élément marginal au regard de la crise profonde que traverse le secteur. IATA, International Air Transport Association – l’Association internationale qui fédère tous les groupes de compagnies aériennes – estime ce 25 novembre les pertes du secteur aérien à 157 milliards de dollars et 60 % de passagers en moins en 2020. "Le plus gros choc depuis la seconde guerre mondiale."