Amazonie : au cœur de la forêt guyanaise, la décharge de Maripa-Soula en feu [Planète Outre-mer]

A une vingtaine de mètres du collège Gran Man Difou, la décharge de Maripa-Soula en feu
Alors que le gouvernement français se mobilise pour dénoncer les feux en Amazonie, en Guyane, à Maripa-Soula, depuis quinze jours la décharge municipale est en feu. Des fumées toxiques se répandent sur plusieurs quartiers de la ville dont un collège et une école primaire situés à quelques mètres.
Maripa-Soula est une commune du parc Amazonien de Guyane. Elle est située à l’ouest du Territoire sur le fleuve Maroni, frontière avec le Surinam. Cette commune isolée en plein forêt n'est accessible que par avion depuis Cayenne ou par pirogue.
 

La décharge de Maripa-Soula en flamme

Depuis quinze jours, la décharge de Maripa-Soula est en feu provoquant en permanence un épais nuage de fumée. Située à environ vingt cinq mètres du collège Gran Man Difou, une quarantaine de professeurs et de surveillants ont décidé d’exercer leur droit de retrait à partir du mercredi 18 septembre.
 

Quand la décharge est incendiée, on baigne dans la fumée du matin au soir. Au début, on s’est dit que le feu allait durer deux à trois jours comme d’habitude mais au fur et à mesure que le temps a passé, de nombreux élèves et professeurs se sont plaints de maux de gorges, de douleurs aux poumons, de maux de tête, de yeux qui brûlent et qui pleurent.

Et là, on s’est dit qu’on ne pouvait plus continuer à travailler dans ces conditions, qu’on risquait de tous tomber malade.

- Dani Mizrahi, professeur d'Histoire-géographie au collège Gran Man Difou, membre du syndicat Sud Education

Dani Mizrahi, professeur d'histoire-géographie au collège Gran Man Difou à Maripa-Soula


L'équipe pédagogique du collège Gran Man Difou exerce son droit de retrait

Après deux jours de fermeture, le collège a rouvert ses portes mardi 24 septembre mais la grande majorité de l'équipe pédagogique a refusé de reprendre le travail et sur les 700 élèves que compte l’établissement, seule une quarantaine est venue en classe.
 

Nous avons plus d'une centaine d'élèves scolarisés en internat. Ils sont originaires de villages amérindiens situés loin sur le fleuve ou en forêt. La plupart ne sont pas revenus. Les parents ont préféré les garder chez eux comme la plupart des autres familles.

- Dani Mizrahi, professeur d'Histoire-géographie au collège Gran Man Difou et membre du syndicat Sud Education


Mercredi 25 septembre, le maire de la commune de Maripa-Soula a décidé de fermer toutes les écoles du bourg.
 

Des fumées irritantes et toxiques selon l'Agence Régionale de Santé 

Dés le début de l'incendie, le personnel éducatif du collège Gran Man Difou a demandé à l’Agence Régionale de Santé de venir évaluer les risques et en particulier la toxicité des fumées. Mardi 24 septembre, l’ARS a envoyé un communiqué, dont voici un extrait. 
 

La fumée liée à l’incendie en cours à la décharge de Maripa-Soula contient des substances irritantes et toxiques (…) l’ARS recommande aux habitants de la commune et en particulier aux personnes sensibles (jeunes enfants, personnes souffrant de maladies respiratoires ou cardio-vasculaires, personnes âgées) qui habitent à proximité de l’incendie d’éviter d’être exposé aux fumées. 

- Extrait du communiqué de l'Agence Régionale de Santé


Si au moment de sa création, la décharge était en périphérie du bourg, elle est aujourd'hui à proximité de deux établissements scolaires et de plusieurs quartiers de Maripa-Soula. 
A la décharge de Maripa-Soula, on trouve de nombreux déchets dangereux qui provoquent des fumées toxiques

 

L'ARS recommande de se tenir éloigné de la fumée alors que le collège est à vingt mètres de la décharge ! Et les fumées sont d'autant plus toxiques qu'il n'y a pas de tri. On trouve à la décharge des plastiques en abondance et même des piles et des bouteilles de gaz

- Dani Mizrahi, professeur d'Histoire-géographie au collège Gran Man Difou et membre du syndicat Sud Education


Alertée depuis une semaine, la Communauté des Communes de l'Ouest Guyanais en charge de la gestion des déchets sur cette partie du territoire a envoyé une entreprise recouvrir de latérite les flammes avec des bulldozers. Dans son communiqué, la CCOG s'inquiète des risques d'explosions liés à la présence éventuelle de déchets interdits. 
 

Des consultations en hausse au centre de santé de Maripa-Soula

Au centre de santé de Maripa-Soula, le personnel soignant confirme que depuis quelques semaines, les consultations et les hospitalisations pour des irritations oculaires et des problèmes respiratoires sont en nette augmentation. C'est le cas de Lénaïk. Ce bébé de 5 mois habite avec sa maman à quelques mètres de la décharge. Il est hospitalisé depuis près d'une semaine pour des difficultés respiratoires.

Les problèmes respiratoires peuvent être dus à plusieurs facteurs : la poussière, la chaleur, des virus mais habiter près de la décharge est un facteur aggravant ou déclenchant. On a eu beaucoup d'enfants avec des problèmes respiratoires ces derniers temps. Et aussi de nombreux adultes pour des toux et des yeux irrités. 

- Laurie, infirmière au dispensaire de Maripa-Soula

Lénaïk a 5 mois. Il habite avec sa maman près de la décharge de Maripa-Soula. Depuis une semaine, il est hospitalisé pour des problèmes respiratoires


Incendies fréquents dans les décharges des communes isolées 

Les décharges des communes isolées de Guyane ne sont pas conformes aux réglementations européennes. La plupart sont souvent incendiées et dégagent, comme à Maripa-Soula, des fumées toxiques. Des fumées qui dégagent également du CO2 et participent au réchauffement de la planète.

Ces incendies sont parfois accidentels mais le feu est également un moyen pour se débarrasser des déchets. A Papaïchton, une commune située un peu plus haut sur le fleuve Maroni, à une heure de pirogue de Maripa-Soula, la décharge est en périphérie du bourg, en pleine forêt amazonienne. Le feu y est mis très régulièrement. 
A Papaïchton aussi, les déchets sont incendiés