Anacaona, la reine taïno insurgée des Caraïbes, une histoire encore méconnue

L’auteure et éditrice Paula Anacaona.
L’auteure et éditrice franco-brésilienne Paula Anacaona publie un bel ouvrage sur l’histoire de la reine taïno qui régna sur l’un des royaumes d’Haïti au XVe siècle. Première résistante à la colonisation de l’île, elle affrontera les troupes de Christophe Colomb.
Editrice, auteure et traductrice, la Franco-Brésilienne Paula Anacaona a choisi pour pseudonyme le nom de la princesse et reine taïno d’Haïti (Ayiti à l’époque), à laquelle elle a consacré un ouvrage. Ce roman historique, joliment illustré par la dessinatrice Claudia Amaral, revient sur le parcours peu connu de la cacique la plus célèbre des Taïnos, premier peuple des Antilles. Ayant pour ancêtres les Arawaks du bassin de l’Orénoque en Amérique du Sud (Guyane et Venezuela), les Taïnos ont peuplé une grande partie de la Caraïbe, dont la Guadeloupe, la Martinique, Cuba, Porto-Rico, et Haïti.
 

En résistance

Lorsque Christophe Colomb (Cristobal Colón) « découvre » Ayiti, en décembre 1492, Anacaona règne sur l’un de ses royaumes avec son frère. Les Taïnos accueillent ces « guamikenas » (ceux qui sont tout habillés) avec respect et cordialité. Mais les Espagnols ont d’autres projets que ceux de la rencontre amicale. Ils veulent convertir les indigènes, acquérir des terres et surtout de l’or, ce qui entraîne d'innombrables exactions. C’est là qu’Anacaona et son frère Caonabo vont entrer en résistance, ce qui va causer leur perte et le massacre de la majorité des Taïnos de l’île.

« Cette femme me fascinait depuis longtemps et je voulais écrire son histoire », déclare Paula Anacaona à La1ere.fr. « Il y a aussi le fait que l’on entend jamais l’histoire des colonisés de leur point de vue. Quand j’ai commencé à faire mes recherches je me suis rendu compte qu’il n’y avait que des témoignages d’Espagnols, comme Christophe Colomb et Bartolomé de Las Casas par exemple. Il n’y avait rien des Taïnos. Voilà pourquoi j’ai écrit ce livre à la première personne. Il était très important pour moi de dire qu’il y a une Taïno, Anacaona, qui a parlé. »

Ecrivaine, mais aussi éditrice (éditions Anacaona) et traductrice, Paula Anacaona parle de la littérature afro-brésilienne

Paula Anacaona



Dans un style romanesque, le livre reconstitue le périple de Christophe Colomb et de la révolte taïno, avec une narration alternant deux visions du monde. « Anacaona ne pouvait pas concevoir la colonisation car il y avait d’énormes différences de schémas de pensée. Quand elle a compris que Colomb ne cherchait que de l’or elle est partie dans les montagnes où elle mènera la résistance pendant une dizaine d’année. Une femme autochtone chef de guerre dans les années 1500 c’est assez extraordinaire », souligne l’auteure.
 

Rapport à l’autre

« Ce qui m’a intéressée aussi c’est le rapport à l’autre et également de savoir pourquoi les barbaries des Espagnols étaient autorisées en Haïti alors qu’elles n’étaient pas permises dans leur pays. Ceci dit j’ai voulu également montrer des côtés positifs, notamment ceux de la culture taïno avec leur rapport admirable à la nature, leur poésie, leurs chants, la symbolique de leurs tatouages… »

« J’ai remarqué et je trouve symptomatique que beaucoup de Guadeloupéens et de Martiniquais ne connaissent pas Anacaona », déplore-t-elle. « Pour moi cela fait partie d’un projet d’effacement de l’histoire. On nous fait croire que nous n’avons pas d’histoire, que ces îles étaient presque vierge quand Colomb est arrivé. Pourtant lorsque l’on fouille dans les archives on se rend compte qu’évidemment il y avait des gens mais aussi de vrais foyers de résistances. »

"1492, Anacaona, l’insurgée des Caraïbes", par Paula Anacaona (illustrations Claudia Amaral) - éditions Anacaona, 192 pages, 22 euros.