L’Antillais Kenji Grillon relève le défi d’un karaté à l’arrêt et en panne de sponsors

Le karatéka antillais Kenji Grillon, double champion du monde
Les sports de combat sont tous dans le même bateau. Pas de pratique autorisée pour le moment. Dans l’attente du jour d’après, l’Antillais Kenji Grillon doit donc faire preuve d’inventivité. Un nouveau challenge pour celui qui se définit comme le mâle alpha du karaté français.
La situation sanitaire a placé le sport au second plan. Normal. L’urgence était ailleurs. Ceci étant, la fin de l’été et le début de l’automne devrait amorcer un retour des compétitions. Le foot français ? Fin juillet. L’athlétisme ? Mi-août. Le basket ? En septembre. Si tout va bien. Progressivement, la machine se remet en marche. Sauf pour les sports de combat. Aïe. Ou kiaï (le fameux cri en karaté). Au choix.
L’agenda 2020 du karatéka Kenji Grillon ? Euh comment vous dire… Pour l’instant, ce n’est pas surchargé : "Appelons ça le grand flou ! s’amuse le champion du monde 2012. À l’heure qu’il est, nous ne sommes toujours pas autorisés à reprendre en affrontement direct. Notre Fédération a prévu trois stages cet été. Juste pour de la préparation physique et du travail technique. C’est important et positif pour la cohésion de l’équipe de France. Mais j’ai peur que nous n’ayons pas la moindre compétition avant 2021."

Un karatéka au chômage technique. Une discipline amateur. Un contexte économique contrarié par le confinement. Kenji Grillon subit la situation à tous les niveaux : "J’avais un contrat d’image avec le groupe Eiffage. Il m’accompagnait jusqu’aux Jeux Olympiques de Tokyo. Sauf que le coronavirus est passé par là. En plein confinement, Eiffage m’a contacté pour me dire que ce contrat ne serait pas renouvelé jusqu’aux JO reportés en 2021. Retour à la case départ. Je cherche un nouveau partenaire économique. Et je peux vous dire qu’en ce moment, c’est loin d’être simple…"
 
L'Antillais Kenji Grillon by himself
 

Pour Kenji Grillon, ça ira mieux demain… en 2021

L’avantage de l’âge, c’est qu’il permet de prendre du recul. À 30 ans, Kenji Grillon a bien su digérer le report des Jeux Olympiques de Tokyo : "J’ai maintenant une certaine expérience. J’ai pu relativiser. Ce report n’est pas un drame. Attention, je ne vous aurais peut-être pas dit ça si j’avais 22 ans par exemple."
Ah la sagesse… c’est beau. Sauf que si les JO japonais en 2021 venaient à être annulés, le maître zen Kenji pourrait se transformer en Hulk Grillon : "Ah oui là, ce serait l’enfer ! Le karaté doit retrouver le mouvement olympique à cette occasion. La seule et unique d’ailleurs puisqu’il n’y aura pas de karaté à Paris en 2024. Donc laisser passer notre seule chance de participer aux JO ? Jamais de la vie !"

Restons calmes, Kenji. On peut raisonnablement imaginer que tout sera rentré dans l’ordre le 23 juillet 2021. Mais avant cela, il faudra avoir décroché son sésame pour l’épreuve olympique. Un vrai parcours du karatéka héroïque : "À Tokyo, il y aura trois catégorie de poids au lieu de cinq. Pour se qualifier, il faudra effectivement avoir disputé un TQO, Tournoi de Qualification Olympique. La Fédération française ne pourra envoyer qu’un combattant par catégorie. Après tout ce qu’on a connu cette année, on va arriver à ces TQO avec beaucoup d’inconnus. Il faudra bien gérer ses émotions. Ne pas se louper. Tout va se jouer au mental."
 
Le karatéka Kenji Grillon lors de son sacre mondial à Paris en 2012
 

30 ans, un avantage et un inconvénient

En 2012, lorsqu’il décroche une double couronne mondiale (en individuel et par équipes), Kenji Grillon n’a que 22 ans. Il est au sommet et semble parti pour y demeurer longtemps. Sauf qu’en 2014, une rupture des ligaments croisés antérieurs du genou interrompt le chant du Grillon. Le retour de Kenji est ensuite perturbé par de petits pépins physiques. Eric, son père a alors l’idée lumineuse qui va lui permettre d’appréhender la suite différemment : "Il m’a conseillé d’ouvrir ma propre salle, de commencer à entraîner, d’avoir un autre regard sur mon sport. J’avais un palmarès, une légitimité pour ça. Je me suis lancé à Bobigny, là où j’ai grandi. Nous sommes trois entraîneurs : mon père, le Guadeloupéen Larry Donna et moi. Nous avons environ 180 licenciés. Beaucoup de jeunes avec déjà de beaux résultats. À tel point que Bobigny est maintenant reconnu lors des Championnats de France. C’est ma grande fierté."

De là à imaginer Kenji Grillon pensant à sa retraite sportive, il n’y a qu’un pas… que l’Antillais se refuse à franchir. Kenji a certes passé la barre fatidique des 30 printemps mais il se sent toujours dans une forme olympique : "Je confirme. Je suis en pleine possession de mes moyens. Malheureusement en France, lorsque vous dépassez les 30 ans, on commence à vous traiter de vieux. Le staff de l’équipe de France a ainsi tendance à donner la priorité aux jeunes. Mais je les préviens : je vais me battre jusqu’à la mort."

Un Kenji remonté. Déterminé. Même s’il ne se fixe ni ultimatum, ni date de sortie. Il parvient à se qualifier pour Tokyo ? Tant mieux. Il manque le rendez-vous, battu par plus fort que lui ? Ce ne sera pas la fin du monde. Ses adieux, l’Antillais veut pouvoir les choisir, les sentir et les soigner : "Je suis en équipe de France senior depuis 2008. J’ai tout vécu dans le karaté : victoires, défaites, blessures, désillusions, reconquête… J’ai bien conscience que la retraite sportive sera comme une petite mort pour moi. Pour éviter cela au maximum, je rêve d’une sortie en apothéose. Un nouveau titre mondial par exemple. Une dernière médaille d’or et là : au revoir ! La boucle sera bouclée."
 
Un message rythmé du karatéka antillais Kenji Grillon