Après une première vie dans le foot et l’armée, deux comédiennes d'Outre-mer brûlent les planches au festival d’Avignon 

La Réunionnaise Océane Caïraty était défenseuse à l’Olympique lyonnais. Julie Plaisir, originaire de la Martinique et de la Réunion, était engagée chez les parachutistes. Les deux comédiennes jouent sur deux grandes scènes de théâtre à Avignon.

"J’ai grandi dans une famille militaire, et je m’étais toujours dit, que je loupe mes études ou pas, je m’engagerais pour voir ce que ça fait". T-shirt court, mini-jupe et mini chignons décolorés, Julie Plaisir, comédienne dans la pièce "Incandescences" d’Ahmed Madani, est très éloignée du look militaire. Et pourtant, dans une première vie, cette jeune antillo-réunionnaise élevée à Mayotte était dans l’armée, section parachutistes. "J’étais fière parce que j’étais la première femme de ma famille à le faire".

Ecoutez le reportage de Tessa Grauman 

Incandescences - Julie Plaisir


De son côté, Océane Caïraty, comédienne dans “La Cerisaie”, est arrivée au foot assez simplement. "J’habitais quartier du ruisseau à Saint-Denis, tous mes amis et mes frères jouaient au football. Donc c’était assez naturel de jouer dès qu’on sortait de l’école". Moins naturel peut-être, c’est d’être rapidement repérée par les professionnels du ballon rond, au point de finir défenseuse à l’Olympique lyonnais.

Les deux jeunes femmes ont finalement rompu avec leur milieu professionnel d’origine pour se tourner vers un autre univers, tout aussi exigeant, celui du théâtre.

Pour Océane, la rupture n’est qu’une apparence. Vécue de l’intérieur : "c’est assez fluide", confie cette grande femme aux cheveux courts et regard sombre sur un ton dégagé. Son goût du jeu vient de sa passion, enfant pour les films de Bollywood :

J'étais amoureuse de la star indienne Shahrukh Khan !

Océane Caïraty


Progressivement son feu sacré a dérivé du foot vers le théâtre. Et c’est avec la même ténacité et le même talent qu’elle est arrivée à se hisser, une fois de plus, tout en haut : admise au concours du Théâtre National de Strasbourg, elle a joué avec les plus grands metteurs en scène et s’est retrouvée cet été à donner la réplique à Isabelle Huppert dans la prestigieuse cour d’honneur du palais des papes d’Avignon.

Le déclic

Pour Julie, le goût du théâtre tient à des souvenirs d'enfant. Petite, elle rendait visite à son père en région parisienne. "Il vivait dans un espèce de squat d’artistes, [..] j’avais la chance de pouvoir faire du cirque, du chant, de la danse". Une fois dans l’armée, Julie réalise que ces activités lui manquent.

Je me suis vraiment rendue compte que ce besoin de vie artistique était trop fort pour moi.

Julie Plaisir


Mais le vrai déclic pour le théâtre nous est révélé sur scène. Dans le spectacle Incandescences, Julie raconte avec justesse et émotion son viol par un militaire, et son départ précipité de l’armée. 

Les deux jeunes femmes impressionnent par leur énergie et leur présence sur scène, et le plaisir qu’elles prennent à jouer ne fait aucun doute. "Maintenant je vois mon aisance quand je joue. Franchement, je suis assez fière de moi", confie Julie, pour qui ce festival d’Avignon était la première expérience sur scène. "Il y a vraiment un truc qui est lié chez moi à la parole", explique de son côté Océane. "Ce n’est pas un endroit que j’habite dans le quotidien".

Au théâtre, j’ai l’impression que je peux prendre le pouvoir et que je suis un super héros de la parole.

Océane Caïraty

 

Le sens du collectif

Les deux comédiennes admettent volontiers que leurs premières expériences professionnelles leur ont beaucoup servi pour donner le meilleur d'elles-mêmes sur un plateau. "La rigueur, la persévérance, la cohésion de groupe, la solidarité et bien sûr, l’envie", résume Julie, quand on lui demande les points communs entre le théâtre et l’armée. Pour Océane, il y a bien sûr le collectif, central au foot comme dans une représentation théâtrale : "Au foot on se passe le ballon, là on se passe des mots. Et puis le moment où tu rentres sur le terrain, tu es à un endroit de concentration que je reconnais avant de rentrer sur scène".

Ecoutez le reportage de Tessa Grauman à Avignon :

Océane Caïraty