Avec leur sable blanc et leurs eaux turquoises, les petites îles caribéennes Turques-et-Caïques incarnent pour beaucoup l'idée du paradis, mais pour des milliers de Haïtiens qui tentent au péril de leur vie de les rallier, elles sont surtout la promesse d'une vie meilleure.
Chaque année, plusieurs milliers de jeunes Haïtiens prennent place sur des embarcations en bois assemblées sur la côte nord du pays le plus pauvre des Caraïbes, où 60% de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Aux dires des artisans, elles servent à pêcher. En réalité, le district de Cap-Haïtien est considéré comme une plaque tournante pour le trafic d'êtres humains.
Mais le trajet sur ces frêles embarcations surchargées tourne parfois au désastre, comme le 2 février, lorsqu'un naufrage au large des Bahamas a fait au moins 28 morts. Les migrants déboursent entre 300 et 1.000 dollars pour rejoindre le territoire britannique aux quelque 35.000 habitants. Une affaire très rentable pour les passeurs, d'autant que certains candidats à l'immigration s'y reprennent à plusieurs fois.
Les quatorze bidonvilles disséminés à travers les Turques-et-Caïques grossissent davantage chaque jour, prévient le ministre Ewing, soulignant que le rapatriement de 187 passagers d'un bateau, le 17 janvier, a coûté 300.000 dollars. Un afflux qui n'est pas non plus du goût des habitants de ces bidonvilles. L'un d'eux souligne que "le quartier est envahi par des gens tout frais débarqués des bateaux et ils ne sont pas toujours sympathiques". "Ils ont parfois des armes à feu avec eux, c'est effrayant pour nous", dit-il à l'AFP.
Ce phénomène d'arrivées illégales n'est pas nouveau, mais les troubles récents en Haïti et les opportunités d'emploi à Providenciales ont entraîné une hausse considérable. Sans parler de l'incertitude causée par l'intention du président américain Donald Trump de supprimer le statut de protection temporaire (TPS) octroyé aux Haïtiens après le séisme de 2010.
"Une menace existentielle"
"Haïti ne va pas être démocratique du jour au lendemain. Le gouvernement haïtien a d'autres priorités et son économie profite des envois d'argent" par des Haïtiens installés à l'étranger, note Washington Misick, chef
de l'opposition aux Turques-et-Caïques. La situation actuelle représente pour lui "une menace existentielle pour nos îles et notre mode de vie".
Depuis avril 2016, toute personne abritant un sans-papiers est passible d'une amende de 20.000 dollars et de quatre ans de prison. Une délégation du gouvernement britannique doit faire le voyage en mars pour évaluer les besoins en matière de sécurité maritime, a indiqué à l'AFP un porte-parole du gouverneur, John Freeman, rappelant que Londres avait notamment envoyé la Royal Navy en 2018.