Archives d'Outre-mer - 1830 : dernier naufrage d'un navire de traite illicite en Martinique

Le week-end, la1ere.fr vous propose un voyage dans le temps avec les archives d'Outre-mer. Dans la nuit du 8 au 9 avril 1830, un navire négrier s'échoue et coule dans la baie de l'Anse Caffard au Diamant. C'est le dernier naufrage de la traite négrière de l'histoire de la Martinique.

Le naufrage de l'Anse Caffard

D'après les recherches effectuées par les frères Petitjean-Roget, le bateau est arrivé dans la baie dans l'après-midi du 8 avril 1830. Le voyage a duré plus de quatre mois. Il reste 260 esclaves enchaînés dans les cales, soixante-dix sont morts pendant la traversée. La mer est mauvaise, la houle est forte.

Vers 23 heures, les témoins entendent un craquement, le navire se fracasse contre les rochers. Le bateau est entièrement détruit. Dizac, directeur d'exploitation, et des esclaves de l'habitation Latournelle accourent sur la plage mais ne peuvent sauver que 86 Africains : 26 hommes et 60 femmes. Victor Schoelcher évoque le drame dans son premier livre :

J'ai lu dans un rapport fait, il y a huit ou neuf mois, au ministre de la marine française, sur le naufrage d'un négrier échoué à la côte du Diamant (Martinique) : " il n'y a eu que peu de noirs de sauvés parce qu'ils étaient tous accouplés avec les fers aux pieds, et enfermés dans la cale lors du naufrage".
chap. XII, "De l’esclavage des noirs et de la législation coloniale", Victor Schoelcher, Paris 1833

 
Le lendemain, la mer rejette 46 cadavres. Le nom et la provenance du bateau ne seront jamais connus. Sept marins blancs auront une sépulture au cimetière. Les Africains seront enterrés, sans distinction, non loin du rivage. C'est sur ce lieu que se dresse aujourd'hui le mémorial Cap 110.

Traite clandestine 

La traite des noirs est interdite en France depuis la loi du 25 avril 1827, mais l'esclavage perdure et du coup, le commerce triangulaire aussi. La loi de 1827 punit uniquement le capitaine et les équipages des bateaux négriers, ce qui ne suffit pas. La traite s'arrête effectivement en 1831 lorsqu'un nouveau texte s'attaque également aux armateurs.

Le mémorial Cap 110

Le mémorial "Cap 110 Mémoire et Fraternité" commémore cette tragédie longtemps oubliée, symbole de la traite négrière et du commerce triangulaire. C'est une commande de la ville du Diamant à l'occasion des célébrations du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage en 1998. L'artiste martiniquais Laurent Valère en est l'auteur.

Le mémorial monumental est composé de quinze bustes disposés en triangle en référence au commerce. Chaque statue mesure deux mètres cinquante, pèse quatre tonnes. Elles sont en béton armé, blanchies au sable blanc de Trinité-et-Tobago, couleur du deuil aux Antilles. Toutes ont le visage penché, les épaules lourdes, affligées, accablées. Elles sont orientées au cap 110, en direction de l’Afrique et du golfe de Guinée, leur origine présumée. Elles figurent la foule des victimes anonymes de la traite.

Ce lieu de mémoire est investi par les habitants de l'Anse Caffard lors de la Toussaint et ce, dès la première année. Retour sur l'illumination du mémorial Cap 110 avec ce reportage de Serge Bilé de Rfo Martinique diffusé le 1er novembre 2000 : 

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