Archives d'Outre-mer - 6 août 1928 : Jean Galmot meurt à Cayenne d'un empoisonnement à l'arsenic

Galmot chez le juge d'instruction - 1921
Le décès de Jean Galmot a provoqué des émeutes à Cayenne. Le procès des "insurgés de Guyane", délocalisé à Nantes en 1931, fera connaître l'avocat guyanais Gaston Monnerville. Les archives d'outre-mer vous proposent le portrait de Jean Galmot, affectueusement surnommé "Papa Galmot" par les Guyanais.

Jean Galmot en né le 1er juin 1879 à Monpazier, en Dordogne. Bon élève et polyglotte, son premier métier est précepteur dans les Vosges puis en Italie. 

Dreyfusard convaincu

Il devient ensuite journaliste au Petit Niçois. Il publie des feuilletons et enquête pendant deux ans sur l'Affaire Dreyfus. Jean Galmot accède à une certaine notoriété après la publication, le 13 mars 1904, de son article, où il prouve qu'Alfred Dreyfus n'a jamais eu de contact avec les services de renseignements allemands.
En 1905, il épouse Marianne Heydecker, une riche héritière américaine. Son beau-père possède le placer Elysée, une concession pour l'exploitation de l'or, sur la crique Lézard en Guyane. Il y envoie Jean Galmot.

 

Aventurier et hommes d'affaires

Jean Galmot débarque en Guyane en 1906. Il est chargé de mission par le ministère des Colonies. Il parcourt l'intérieur du pays, remonte les fleuves Mana et Maroni, visite les Guyane anglaise et hollandaise. Il relate son expérience lors d'une conférence agrémentée de nombreuses photos à Paris en 1907.

 
extrait du Journal Officiel du 11 juillet 1907

De retour, en Guyane, il est orpailleur, exploitant forestier, planteur. Il se lance dans les affaires. Il est le fondé de pouvoir de la Maison Chiris & Cie. A partir de 1917, il se met à son compte. Il ouvre plusieurs comptoirs, affrète de nombreux bateaux et approvisionne l'hexagone en bois de rose, en balata, en rhum, en or et en blé d'Argentine. Sa fortune est faite.

 

Humaniste et député

Jean Galmot est un aventurier idéaliste. Blaise Cendrars le rencontre en 1919. "Rhum" est le roman inspiré de la vie de Galmot

… Voilà un homme, qui dès son arrivée, s’est aperçu que ces Noirs (et ces Indiens) ne sont pas des êtres d’une race inférieure, mais des hommes donc des frères, et qu’au surplus ce pays est le leur, que, par conséquent, ce qu’il produit est aussi à eux, et qu’ils doivent en profiter… C’est là le secret de son succès.

Blaise Cendrars, extrait de "Rhum", Paris, Grasset, 1930.


Jean Galmot est un humaniste. Il paye le prix juste aux petits planteurs, aux chercheurs d'or. Il applique la législation du travail en vigueur (loi de 1898). Il crée des bourses sur ses propres fonds pour éduquer les plus pauvres. La population lui en est reconnaissante. Elle le surnomme affectueusement "Papa Galmot". Elle le pousse à se présenter aux élections législatives. Galmot est élu député dès le premier tour en novembre 1919 (2368 voix contre 824).  

Regardez la biographie de Jean Galmot incluant le témoignage de Gaston Monnerville diffusé par RFO Guyane en 1990 :

©la1ere


 

La descente aux enfers

En 1921 éclate "l'Affaire des Rhums". On l'accuse d'avoir accaparé le commerce des rhums réquisitionnés par l'armée. Il est arrêté à Paris et incarcéré pendant dix mois à la prison de la Santé. Il écrit "Un mort vivait parmi nous" pendant sa détention. Il est libéré en janvier 1922. Son procès a lieu en décembre 1923. Il est condamné à un an de prison avec sursis et à 10000 francs d'amende. Galmot est ruiné.

De retour dans son pays d'adoption, il fera ce serment aux Guyanais :

Je jure de rendre la liberté à la Guyane. Je jure de rendre aux citoyens de la Guyane les droits civils et politiques dont ils sont privés depuis deux ans. Je jure de lutter jusqu’à mon dernier souffle, jusqu’à la dernière goutte de mon sang, pour affranchir mes frères noirs de l’esclavage politique.
Je jure d’abolir la toute puissance d’une administration au service de l’illégalité, qui organise les fraudes électorales, qui, les jours d’élection, terrorise par l’assassinat et l’incendie, qui prend des otages et emprisonne les meilleurs parmi les enfants du peuple et qui, enfin, gouverne par des décrets et par des arrêtés qui suppriment les droits sociaux de l’ouvrier.
Je jure de mettre fin au régime économique qui transforme la Guyane, pays aux richesses fabuleuses, en une terre de désolation, de souffrance et de misère. Je demande à Dieu de mourir en combattant pour le salut de ma patrie, la Guyane immortelle.
J’ai signé ce serment avec mon sang.

Jean Galmot, 15 mars 1924


En 1928, Jean Galmot se représente aux élections législatives. Il bénéficie toujours de la ferveur du peuple, son élection ne fait aucun doute. Les résultats du scrutin, certainement truqués, donnent pourtant Eugène Lautier, son adversaire, vainqueur.

Le 6 août de la même année, Jean Galmot meurt à Cayenne. Cette mort suspecte déclenche la colère du peuple guyanais. Trois hommes sont lynchés dans la rue, deux autres sont assassinés chez eux. Eugène Gober, maire de Cayenne et ennemi de Galmot, démissionne et fuit en Afrique.