C'est dans les îles du Salut, utilisées comme bagne par le Directoire puis sous Napoléon III, qu'en vertu d'une loi promulguée le 9 février 1895, Alfred Dreyfus va vivre ce que le gouverneur de la Guyane appelle l'expiation du crime pour lequel il a été condamné.
Cet innocent, condamné par le conseil de guerre, débarque sur l’île du diable le 12 mars.
Premier et seul déporté politique à ne pas être envoyé en Nouvelle-Calédonie où avaient notamment vécu les communards, il est installé sur l'île du Diable, ancienne léproserie où on lui aménage une cabane en pierres. Impossible de dormir.
« Cette cage chasse sommeil ». Alfred Dreyfus
Les soldats de l’infanterie de marine le surveillent sans arrêt, deux par deux, dans cette maison. Une grande pièce dans laquelle Dreyfus est parfois mis aux fers, et une petite brûlante. Il va y passer deux ans.
«La vue de la mer du dehors m’est interdite, j’étouffe dans ma case où je n’ai plus ni air, ni lumière. Uniquement le promenoir entre deux palissades, dans la journée en plein soleil sans apparence d’ombre ». Alfred Dreyfus
Le 3 septembre 1896, la fausse nouvelle d'une évasion orchestrée par son frère mobilise la hiérarchie de ses geôliers. Dreyfus est torturé, puis du 6 septembre au 20 octobre, il est mis aux fers toutes les nuits : le martyre de la double boucle. S'il dispose d'une case plus spacieuse après le 25 août 1897, la palissade de son promenoir lui masque toute vue sur l'île ou la mer, seules les lettres des siens parviennent à maintenir son moral.
« Les animaux pullulaient dans ma case, les moustiques, au moment de la saison des pluies, les fourmis, en toute saison, en nombre si considérable que j'avais dû isoler ma table, en en plaçant les pieds dans de vieilles boîtes de conserve, remplies de pétrole ». Alfred Dreyfus
Prisonnier modèle
Dreyfus passe 1517 jours sur l'île du 13 avril 1895 au 9 juin 1899. Trouvant épouvantable de n'avoir rien à faire, il lit beaucoup et écrit longuement à sa femme. Il demande aussi régulièrement justice. Dès le 5 octobre 1895, il sollicite du président de la République « qu'on fasse la lumière pleine entière, sur cette machination dont ma famille et moi sommes les malheureuses et épouvantables victimes ». Le 10 septembre 1896, il réitère sa demande au président Félix Faure pour qu'on recherche le « véritable coupable, l'auteur de cet abominable forfait ». Tenu dans l'ignorance du développement de l'Affaire en France, il continue d'être un prisonnier modèle. Le 26 janvier 1898, il l'explique à sa femme : « J'ai tout accepté, tout subi, bouche close. Je ne m'en vante pas, d'ailleurs, je n'ai fait que mon devoir, uniquement mon devoir ».
Regardez ce reportage diffusé dans l'hebdo de RFO en 1998 de Ronan Ponnet :
En avril 1995, le petit-fils du capitaine Dreyfus, Charles Dreyfus se rend pour la première fois sur l'île du diable avec une équipe de RFO Guyane. Avec émotion, il découvre les lieux détention de son grand père.
Découvrez ce pèlerinage :