Au Mondial de Handball, les bleus gagnent mais patinent : c’est dans la tête, docteur ?

Melvyn Richardson vient de marquer et de remettre la France dans le bon chemin

Sauf face à la Norvège d'entrée, l’équipe de France emmenée par Melvyn Richardson a du mal à imposer son handball face à des équipes présumées plus faibles. Comment expliquer le blocage psychologique d'une équipe qui a des joueurs talentueux à tous les postes ? Enquête au pied des Pyramides.

La France n’arrête pas de se mettre au niveau de ses adversaires, le match d’hier soir contre l’Algérie remportée 29/26 dans la douleur en donne un exemple supplémentaire. Il aura fallu attendre le money-time (les dernières minutes de jeu) et deux missiles du Martiniquais Jean-Jacques Acquevillo pour débloquer la situation. Durant ces trois matches, la France n’a pas affronté de grandes nations historiques du handball et partait avec une étiquette de favorite. L’histoire de ce sport a prouvé que les bleus n’avaient rien à craindre de tels affrontements. A priori, une version officielle mais caduque.

Le chasseur devenant chassé

Patrice Annonay notre consultant se penche sur le problème et nous apporte un premier élément d’analyse.
Est-ce grave docteur ?
Aujourd’hui c’est une autre histoire car l’équipe est dans un équilibre de reconstruction qui n’est pas totalement fait. Il y a des joueurs comme Mika (Guigou), Lucho (Abalo)  ou Vincent qui ont connu des grandes heures avec des titres et aussi des jours sombres. Ils ont du vécu. Mais dans le groupe il y a certains joueurs qui n’ont pas encore cette culture de se "mettre la tête dedans", et ça parait plus difficile qu'on ne le croît. "

Melvyn Richardson fait des dégâts avec son bras gauche

La France a connu une grosse décennie magnifique entre 2006 et 2017 avec deux titres olympiques (2008, 2012) quatre titres mondiaux (2009, 2011, 2015,2017), trois titres européens (2006, 2010, 2014) et trois breloques en bronze en prime aux Euros en 2008 et 2018, et au Mondial 2019. Fermez le banc, n’en jetez plus !
Et les réactions des adversaires sont logiques, ils traquent les bleus.
" Je suis toujours confiant mais j’ai envie de dire que la France, malgré ce nouveau groupe, est désormais le chassé et non plus le chasseur. Les autres equipes se mettent au niveau parce qu'elles ont peur de prendre une rouste," observe le gardien du Tremblay-en-France.

 

Dans la tête des gars qui vont nous affronter, c’est la grande France qui a tout gagné.  Quels que soient les joueurs, ils représentent la France, du coup on est vulnérable et les adversaires jouent leur meilleur handball.

Patrice Annonay, consultant handball la 1ère.fr

 

Exception faite, celle du match contre la Norvège, où les Français se sont appliqués de la première à la dernière minute. C’était quitte ou double pourrait-on dire et la France est souvent forte dans ces moments, dans ces matchs couperets ou à fort enjeu.

" Les forces mentales étaient inversées dans ce match. On avait une attention, une agressivité une concentration décuplées par la peur de se rater d’entrée dans une grande compétition. Et ça pouvait être très difficile pour la suite. On s‘est offert une garantie de positivité et de confiance collective, mais pour tous les autres matchs, on se met encore difficulté mentalement, " commente Patrice Annonay.

Un handball à réaction

Le constat, au vu du match d’hier, est que ce n’est pas niveau handball que le problème se pose, ni au niveau tactique car des solutions ont finalement été trouvées dans le money time, ce que confirme Melvyn Richardson :

" La victoire est importante, après c’est vrai que les gens disaient que l’Algérie était une petite équipe. Mais toutes les grandes nations aujourd’hui sont mises en difficulté par des équipes dites plus petites, On a mis les ingrédients, on a bien géré le money time, retenons ce côté positif et restons concentrés. On va analyser entre nous ce qui n’a pas marché."

C’est un problème collectif selon Patrice Annonay.

" On n’est pas fragile psychologiquement, on a des ressources, mais la difficulté c’est comment emmener une armée de 16 soldats au même niveau psychologique. J’ai vu une équipe sinusoïdale contre l'Algérie. Par moments, on joue un très bon handball en attaque ou en défense mais on a des temps faibles qui durent longtemps et qui profitent à l’adversaire. Mais on possède cette force sur laquelle on s’appuie, savoir qu’on est capables de revenir dans un match même en le commençant à l’envers. On est quand même plus dans la réaction que dans l’action. "

Deux atouts précieux des îles.

Lorsqu’on pose la question à Guillaume Gille en conférence de presse sur le temps de jeu réduit de Melvyn Richardson, l’entraîneur des bleus est très clair dans sa réponse. Le Réunionnais n’est pas sur la touche, bien au contraire. Hier il a su remettre le jeu des Bleus à l'endroit en larquant et faIsant Marquer.

Il a un temps de jeu plus restreint mais c’est lié à la qualité de la rentrée de Kentin (Mahé) suite à sa blessure. Melvyn on continue de compter sur lui, il était dans le money time face à la Suisse par exemple, ça veut tout dire. " précise le coach.

Entre Melvyn Richardson et Guillaume Gille le courant passe bien


On a 16 joueurs sur notre feuille avec nos convictions et on essaie d’identifier les rôles principaux, puis ceux qui arrivent dans un second temps. Et ceux-ci comme Melvyn doivent accéder très vite à un niveau de responsabilité en fonction de ce qui se passe sur le terrain. On est sans cesse dans l’analyse du rapport de force, de la performance des uns et des autres. On sait qu’on a un groupe dense homogène avec des qualités. On n’hésite pas à s’appuyer dessus si la situation le requiert," continue-t-il.

Patrice Annonay, au vu du match du Réunionnais, ajoute un élément supplémentaire, avec un prisme ultramarin :

" Melvyn dans son registre, je le découvre comme une vraie plus-value en terme de distribution de jeu. Un peu la cerise sur le gâteau. Kentin Mahé fait un très bon mondial en tant que titulaire, d’autant qu’il n’a pas été trop exposé à Veszprém (Hongrie) avec son club. Mais il y a toujours Melvyn qui a chaque instant du match est bon quand il rentre. Un demi-centre gaucher ca déstabilise les défenses."

Melvyn amène sur le terrain son côté ilien, fait d’un peu de folie dans le jeu qu’il prend à son compte, avec de bonnes passes et de bonnes attitudes.

Patrice Annonay, consultant handball la 1ère.fr

 

Quand à Jean-Jacques Acquevillo, il a séduit aussi notre consultant, par sa double faculté à associer attaque défense :

Sur son poste d’arrière, il s’impose petit à petit. La confiance venant quand il gagne ses duels défensifs et quand il vient en attaque, il est très relâché. Du coup, il nous a envoyé deux missiles qui comptent, c’est un vrai "impact player" comme Melvyn, mais dans un autre style. "

Par deux fois Jean-Jacques Acquevillo va percer la muraille algérienne dans le money-time

 

Devenir des bâtisseurs

La France doit donc retrouver son jeu. Celui qui a fait sa splendeur. Contre l’Islande l’opposition sera rugueuse vendredi, mais prévisible. A quoi doit-on s’attendre ?

" Ça va être du jeu assez stéréotypé, rapide en contre-attaques avec des ailiers qui courent, de bons gardiens, une défense à plat 6/0 mais qui peut se transformer en 5/1 pour arrêter les courses des attaquants. Mais ils seront moins agressifs que les Algériens, " analyse Patrice Annonay.

" Franchement j’ai eu chaud aux fesses sur mon canapé. En voyant l’Algérie je me disais waouh qu’est ce qui se passe. A quel moment va-ton avoir un match dans lequel les mecs peuvent être tranquilles. Combien de temps cette situation va durer ? C’est la question, j’espère qu’on aura des réponse contre l’Islande."

Restons positifs. On ne sait pas à quoi s’attendre mais on gagne les matchs et on n’a pas perdu un seul point. Si on va en quart de finales, en demi-finale voire en finale, on aura oublié ces matchs moyens. C’est comme ça, c’est le sport.

Patrice Annonay, consultant handball la 1ère.fr


 

A eux de devenir les Bâtisseurs !

Le sport est aussi lié à l’Histoire. Celle du handball mondial est teintée de bleu par une génération exceptionnelle de joueurs qu’on appelait les Costauds, puis les Experts.
Ce matin ce nouveau groupe a vu les Pyramides de Gizeh, une petit escapade dans un cadre ultra sécurisé où il n’ont croisé personne, mais qui a permis de profiter de ce magnifique site. En consultant les réseaux sociaux, les soldats du général Gille ont sans doute pensé à cette célèbre phrase du 21 juillet 1798, prononcée par un autre général célèbre, Bonaparte : Soldats songez que du haut de ces pyramides, quarante siècles histoire vous contemplent.

C’était juste avant la bataille des pyramides que les Français avaient remporté à Gizeh contre les mamelouks, en moins de deux heures. Alors les gars si vous voulez bien nous redonner votre handball made in France, ce serait un beau symbole de rebâtir l’histoire ici.
On pourrait vous appeler les Bâtisseurs.