Avenir de la Nouvelle-Calédonie : ce qu'il faut retenir du troisième jour de discussions à Paris

Les discussions se sont poursuivies vendredi dans la salle du Conseil du ministère des Outre-mer.

Les discussions, voulues par le gouvernement pour renouer le dialogue entre indépendantistes et loyalistes, continuent à Paris. Vendredi, comme la veille, les délégations calédoniennes ont échangé au ministère des Outre-mer, en présence de Sébastien Lecornu. Les travaux reprendront lundi matin.

Les discussions entamées mercredi à Paris se sont poursuivies ce vendredi 28 mai. Après le droit international et interne, la monnaie, les accords commerciaux, le nickel et les finances publiques, une nouvelle séquence de travail s'est concentrée vendredi sur des sujets de la vie quotidienne tels que la santé, les transports et l'éducationLes relations avec les autres territoires du Pacifique, Wallis et Futuna et la Polynésie, ont également donné lieu à des échanges lors de la journée qui s'est achevée par une rencontre avec le général François Lecointre, chef d'état-major des armées, centrée sur la place des forces militaires françaises dans le Pacifique.  

Après Matignon mercredi, c'est au ministère des Outre-mer que les discussions ont continué jeudi et vendredi. Avant le week-end, Sébastien Lecornu a tenu à saluer l'avancée des travaux : "Ce dialogue à trois commence à produire des effets puisque des non-dits sont levés, des ambigüités sont traitées, et il y a un dialogue d'une très très grande franchise, d'une très grande qualité." Le ministre en a également profité pour remercier les acteurs qui ont fait le déplacement jusqu'à Paris : "J'ai la faiblesse de penser que les absents ont vraiment tort", pointant ainsi de nouveau l'absence de l'UNI qui a décliné l'​invitation du Premier ministre et le départ précipité de Pierre Frogier (L'Avenir En Confiance) au premier jour des discussions.

 

Santé, éducation, transports, sécurité

Vendredi, les échanges ont porté sur les impacts qu'aurait l'accession de la Nouvelle-calédonie à la pleine souveraineté dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la justice. Philippe Dunoyer (Calédonie Ensemble) s'est inquiété des conséquences du Oui sur "la qualité des soins et l'état de santé des Calédoniens et sur la qualité de la formation et donc sur l'éducation de nos enfants". "On n'a pas encore d'éléments suffisants du côté des indépendantistes pour nous expliquer comment les financements qui manqueraient, et ils sont très nombreux – on parle de plus de 47 milliards, environ 50 milliards (de francs CFP, soit environ 420 millions d'euros, ndlr) - pour substituer à ces 50 milliards d'autres ressources et encore une fois la qualité de l'enseignement."

"Il faut que les responsables indépendantistes nous expliquent concrètement précisément comment seront assurés la qualité des soins, le maintien de la qualité de la formation, la délivrance de diplômes qui sont reconnus dans le monde, la possibilité pour nos enfants d'aller étudier notamment dans un espace européen qui ouvre des perspectives extraordinaires, a listé le loyaliste. Ce sont des questions très concrètes qu'on aborde par le prisme de ces discussions institutionnelles mais qui manquent de réponses aujourd'hui." De son côté, le président du 16e gouvernement de Nouvelle-Calédonie, Thierry Santa, se dit convaincu que la Calédonie "n'a absolument pas la capacité ni humaine, ni sociale, ni financière de prendre en charge une indépendance"

En marge des discussions, les critiques des loyalistes se concentrent donc sur le manque de propositions, affirment-ils, des indépendantistes pour répondre à ces questions "très concrètes"Gilbert Tyuienon de l'Union Calédonienne balaie la remarque : "Le fameux trou noir dont il était question si le Oui l'emportait n'est finalement pas une réalité. Des dispositifs d'accompagnement et de soutien sont prévus. C'est le cas de conventions d'entraide au niveau judiciaire, au niveau de l'accompagnement des cadres etc. La période de transition que prône l'Union Calédonienne prend finalement tout son sens." 

Seul courant du FLNKS représenté à Paris lors de ce rendez-vous sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, l'UC défend en effet une période de transition. Son président, Daniel Goa a d'ailleurs a présenté cette semaine au gouvernement un projet de pleine souveraineté "sans rupture" à l'issue du troisième référendum d'autodétermination qui doit avoir lieu avant fin 2022. 

Les membres de l'Union Calédonienne sont favorables à une période de transition suite au référendum.


Voici le discours prononcé par Daniel Goa, lors du diner à Matignon, au premier jour des discussions :

 

L'avenir des relations avec Wallis et Futuna et la Polynésie

Cette troisième journée de discussion avait débuté aux alentours de 9h30 par une visio-conférence entre Paris et le Pacifique. Les délégations calédoniennes se sont entretenues avec le Haut-commissaire de la Polynésie et l'administrateur supérieur des îles de Wallis et Futuna. Les relations entre les différents territoires du Pacifique - aujourd'hui interdépendants dans plusieurs domaines - sont un autre des enjeux du référendum sur la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

Des questions "certes périphériques" plus qu'institutionnelles, a expliqué Philippe Dunoyer (Calédonie Ensemble), mais essentielles selon le loyaliste qui rappelle que la Calédonie accueille des étudiants de Wallis et Futuna, mais aussi des malades : "on sent qu'il y a une solidarité entre nos populations, indépendamment de l'avenir institutionnel. Mais, au-delà de la solidarité et du message positif, la question est aussi concrète. Il faut franchir cette étape émotionnelle pour dire de manière pragmatique comment faire pour continuer d'assurer l'accueil de ces étudiants, de ces malades ou assurer un deuxième degré de juridiction – et là ce ne sera pas possible."

Philippe Dunoyer (Calédonie Ensemble) au terme de la matinée de discussions.

 

Défenseur lui aussi du non à l'indépendance, "une option beaucoup plus probable", Willy Gatuhau (L'Avenir En Confiance) craint l'impact du référendum sur les relations avec les autres îles françaises du Pacifique. Il insiste sur le nécessaire renforcement "des relations avec Wallis et Futuna et la Polynésie" quelle que soit l'issue du vote. Pour le maire de Païta, lui-même d'origine wallisienne, il faudra notamment "revoir et renforcer les dispositifs sur les questions d'éducation, de transports." La Calédonie compte environ "35 000 Calédoniens d'origine wallisienne et futunienne qui eux aussi seront consultés lors du référendum", rappelle l'édile. Beaucoup de jeunes de Wallis et Futuna intègre l'université ou le RSMA en Nouvelle-Calédonie.

En fin de journée, certains membres des délégations ont été invités à rencontrer le chef d'état major des armées, le général d'armée François Lecointre, afin d'aborder la place des forces militaires françaises dans le Pacifique, ainsi que les implications stratégiques du positionnement français dans l'axe indo-pacifique. Ces échanges sont restés confidentiels et n'ont pas donné lieu à des réactions à ce stade.  

Le programme de la semaine prochaine 

Après une pause ce week-end, les travaux reprendront lundi matin avec une conversation "plus générale et plus globale sur le document" rédigé par l'Etat sur les implications du Oui et du Non, a détaillé Sébastien Lecornu. Lundi, le ministre des Affaires Étrangères et de l'Europe, Jean-Yves Le Drian, recevra également les délégations pour évoquer le volet onusien et les implications internationales du Oui.

Le début de semaine sera également l'occasion d'aborder le calendrier de la fin de l'accord de Nouméa, planifie le ministre des Outre-mer : "on pense évidemment surtout au calendrier du troisième référendum, a commenté Sébastien Lecornu. Mais ce calendrier de fin d'accord préfigure aussi le jour d'après, ce qui se passe au lendemain d'un Oui, au lendemain d'un Non".

Pour Thierry Santa, la date est essentielle : "Il faut absolument que ce troisième référendum se tienne à la fin de cette année 2021 parce que je suis convaincu qu'on n'arrivera pas à passer au stade des discussions constructives tant que la population calédonienne n'aura pas dit clairement sa volonté de rester française." Le président du gouvernement calédonien dit craindre que l'Etat "essaie de nous amener à un référendum plus tardif. On continuera à se battre pour continuer d'expliquer l'intérêt de finir cette séquence de l'accord de Nouméa pour passer à des discussions sur un nouveau projet de société calédonien."

Thierry Santa s'est exprimé au terme de la séquence de ce vendredi au ministère des Outre-mer.