Avenir de la Nouvelle-Calédonie : ouverture des discussions à Matignon

Les délégations de l'Avenir En Confiance et de l'UC à leur arrivée sur le perron de Matignon

Le Premier ministre Jean Castex reçoit ce mercredi 26 mai les délégations d'élus calédoniens à Paris dans le cadre des discussions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Premier rendez-vous d'une semaine de discussion à l'approche de la troisième consultation sur l'indépendance.

Sous un ciel parisien gris et pluvieux, les délégations politiques calédoniennes arrivent les unes après les autres, avec 45 minutes de décalage, dans la cour de l'Hôtel Matignon. La délégation de l'Avenir En Confiance est arrivée la première, suivi de celles de l'UC, puis de Calédonie Ensemble. Chacune des délégations s'entretient durant 3/4 d'heure avec le Premier ministre et le ministre des Outre-mer. Suivra un diner pris en commun dans les salons de l'hôtel Matignon. Mais, Covid oblige, seuls deux ou trois représentants des délégations participeront à ce repas.

C'est le premier rendez-vous d'une semaine d'échanges et de discussions pour faire avancer le processus calédonien, à l'approche du troisième référendum. 

"Relancer le dialogue"

"Le gouvernement veut essayer de relancer le dialogue. Ce n'est pas facile et ça dépendra des acteurs et de leur capacité à sortir de leurs postures (...) pour réellement aller dans le fond des échanges", assure Matignon qui estime que "probablement rien ne sera signé à l'issue de cette semaine". Mais ce n'est pas le but affiché.
    

Cette réunion doit permettre d'organiser la troisième consultation référendaire d'ici octobre 2022, et de travailler sur toutes les conséquences du Oui et du Non, explique Matignon dans un communiqué. Le gouvernement présente comme l'une des possibilités un "accord d'association" en cas de Oui à l'indépendance, dans un document de travail auquel l'AFP a eu accès.
    

Après le deuxième référendum d'octobre 2020, qui a vu le non à l'indépendance l'emporter une nouvelle fois, mais avec moins de marge que pour le premier, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu avait mené de nombreuses réunions bilatérales tant avec les indépendantistes qu'avec les loyalistes. Mais les personnalités politiques des deux bords ne souhaitaient pas se rencontrer. 
    

Sébastien Lecornu avait alors invité cinq membres de chaque camp à une réunion tripartite en petit comité sur l'île Leprédour, au large de la Nouvelle Calédonie, pour réussir à renouer le dialogue.
    Mais quelques jours plus tard, ce sont les tensions autour de la vente de l'usine de nickel du Sud qui avaient de nouveau "handicapé le dialogue", explique-t-on au ministère des Outre-mer. Et malgré l'accord trouvé en mars, les positions sont restées figées depuis.  "Un dialogue politique devait reprendre sur une base nouvelle, c'est le sens de l'invitation que le premier ministre a envoyé début avril aux membres du format Leprédour", ajoute le ministère.

Absence de l'UNI

Le casting sera cependant un peu différent cette fois car l'Union nationale pour l'indépendance (UNI), l'un des deux courants du FLNKS, a annoncé qu'elle ne répondrait pas à l'invitation. "Je suis accoutumé à cela désormais. Dans d'autres temps, des formations politiques favorables au maintien dans la France avaient quitté la table d'Edouard Philippe", rappelle Sébastien Lecornu mercredi dans Libération, en précisant que l'UNI a annoncé sa venue à Paris en juillet. "Rien ne me décourage : la main de l'Etat est tendue, y compris si des formations politiques veulent participer aux échanges à distance", ajoute le ministre.

Un programme dense    

Le programme de cette semaine d'échange est fourni. Ainsi, jeudi et vendredi les politiques calédoniens assisteront à des présentations des travaux menés par les services de l'Etat pour évaluer précisément les enjeux et les conséquences des deux issues possibles lors de la prochaine consultation: "une analyse presque clinique des sujets à traiter" dans les domaines juridiques, économiques et financiers, sur les politiques publiques du quotidien et sur l'exercice des compétences régaliennes.
    

Les discussions seront "plus politiques" lundi 30 mai en format bilatéral et mardi 1er juin en plénière, et viseront à préciser les positions des uns et des autres dans cette dernière phase de l'accord de Nouméa, avec un enjeu majeur pour le gouvernement: que le dialogue soit maintenu dans la durée.
    

Le ministre des Outre-mer a déclaré mardi devant l'assemblée qu'il formait un voeu, "au nom du gouvernement de la République", celui de sortir du choix binaire "un peu obscur et stérile" entre le oui et le non, et essayer "de trouver un nouveau chemin qui permette non seulement la paix et la concorde, mais aussi le développement prospère de la Nouvelle-Calédonie". "C'est la promesse républicaine que nous formons".
    

"Cela ne veut pas dire que l'intention du gouvernement est d'éviter cette consultation", a précisé Matignon, mais qu'à l'issue de cette semaine de discussions toutes les conséquences de l'issue de la consultation aient été étudiées car "quelque soit le scénario, il faudra que les Calédoniens vivent ensemble dans la paix".
 

Pierre Frogier quitte les discussions

Environ une heure après l'arrivée de la délégation de l'Avenir En Confiance, l'un de ses membres, Pierre Frogier, a annoncé qu'il quitte les discussions. Voici sa déclaration à la sortie de Matignon :

"Je dis les choses très clairement. Nous sommes mandatés pour obtenir de l'Etat que ce référendum ait lieu le plus tôt possible (...) et c'est ce qu'exigent nos concitoyens. Les indépendantistes conformément à la loi ont demandé qu'il ait lieu, sauf que c'est le gouvernement qui définit la date. Les indépendantistes dans le même temps exigent, ce n'est pas mon propos, c'est le leur, que ce référendum ait lieu le plus tard possible. Ce que j'ai indiqué au Premier ministre c'est que dans la mesure où ce référendum n'a pas lieu le plus tôt possible, c'est à dire avant l'échéance présidentielle, cela voudra dire que ce gouvernement aura basculé dans le camp des indépendantistes. Il aura fait le choix de l'exigence du camp indépendantiste. Dans ces conditions, puisqu'aucune réponse ne nous est donnée pour l'instant, je ne participerai pas pour ma part aux différents échanges qui vont se dérouler sur le Oui ou le Non, parce que je considère que cela n'a pas de sens. Peut-être dans un second temps, mais pas pour le moment. Pour l'instant l'objectif principal c'est d'obtenir que ce référendum ait lieu le plus tôt possible et que nous ne soyons pas soumis à l'exigence des indépendantistes."