Deux infirmières qui travaillent à Mayotte achèvent une formation au Mans. Elles se spécialisent dans les soins oculaires. Fin août, elles vont ouvrir à Bandrélé un centre de dépistage équipé pour la télémédecine. Une première à Mayotte, département privé d’ophtalmologistes toute l’année.
"Le petit soleil passe à gauche. Vous regardez bien le milieu". "Ça va devenir flou, c’est normal". Dans une petite salle du pôle santé sud, une clinique du Mans (Sarthe), deux infirmières accueillent des patients avant leur consultation chez l’ophtalmologiste. Haladati Mtsounga et Blandine Méliand manient des appareils dédiés au dépistage d’éventuels troubles de la vision. Du fond de l’œil à l’examen de la cornée, elles sont devenues des relais des ophtalmologistes. Le tout en douze semaines.
Une reconversion professionnelle
Haladati Mtsounga était infirmière au service de néonatalogie du centre hospitalier de Mamoudzou. La jeune maman a choisi sa nouvelle spécialité, l'occasion d’étendre ses compétences et modifier sa cadence de travail. "Le rythme de l’hôpital était un peu compliqué. Je faisais beaucoup de nuits. Je sentais que je tirais beaucoup. J’étais fatiguée. Et je me suis dit : pourquoi pas être en poste dans un cabinet ? Je change de rythme. Je travaille la journée et le soir, je suis chez moi", confie-t-elle.
Blandine Méliand est originaire de la Sarthe. Installée à Mayotte depuis deux ans, elle veut elle aussi compléter sa formation, après une expérience en chirurgie puis en libéral. "On réapprend presque tout. On va vraiment au fond des choses. On se focalise sur un seul organe. C’est très spécifique. On voit des choses que l’on n’a pas l’habitude de voir dans notre métier d’infirmière", ajoute-elle.
Les yeux et les oreilles d’ophtalmologistes de l'Hexagone
Compléter l’offre de soins pour les patients mahorais est une autre source de motivation pour les deux infirmières. Dès la fin du mois d’août à Bandrélé, elles vont assurer le dépistage dans un cabinet avec des appareils connectés. Le dépistage s’adresse aux enfants qui ont des troubles visuels et à tous les patients qui ont besoin de lunettes. Le diagnostic sera ensuite posé à distance par des ophtalmologistes de l’Hexagone.
A l’origine du projet, il y a Jean-Bernard Rottier. Cet ophtalmologiste exerce au pôle santé sud du Mans. En lisant un article de presse, le médecin est sensibilisé au faible port de lunettes chez les enfants à Mayotte. Il contacte alors Dominique Voynet, la directrice régionale de santé et lui propose de créer un centre de dépistage sur place.
Il n'y a pas toujours un ophtalmo sur l'île alors qu'il y a 300 000 habitants. En métropole, il faut à peu près huit ophtalmos pour 100 000 habitants. Donc globalement, Mayotte aurait besoin d'une vingtaine d'ophtalmos.
Vers une filière complète de soins oculaires à Mayotte
Pour pallier cette absence, l'ophtalmologiste propose d'innover avec de modes ingénieux de prise en charge en télémédecine. A court terme, deux autres centres de dépistage devraient aussi ouvrir, à Hamjago d’ici la fin de l’année puis à Sada en 2022.
A long terme, des ophtalmologistes de l’Hexagone devraient se rendre à Mayotte pour des missions ponctuelles de soutien. Ils soigneraient les cas les plus graves. Un partenariat entre le centre hospitalier de Mayotte et l’hôpital Cochin à Paris est en préparation.