Les Bordelais jugent insuffisante la politique mémorielle de la ville sur l'esclavage et la traite négrière

Archives Musée d'Aquitaine, Bordeaux
La commission de réflexion sur la mémoire de l'esclavage et de la traite négrière rendra le 10 mai prochain un rapport au maire de Bordeaux dans lequel elle fait 10 propositions dont celle de "construire une œuvre mémorielle". 
"Savez-vous que Bordeaux a été un port négrier ?" "Que manque-t-il à la ville de Bordeaux afin de compléter son travail entamé relativement à la mémoire de l’esclavage ?"

Ces questions, et d'autres, ont été posées à tous les Bordelais, il y a plus d'un an, dans le cadre d’une enquête sur la mémoire de l’esclavage à Bordeaux, lancée par la mairie. Sur les 1804 personnes qui ont répondu à ce questionnaire en ligne, 496 jugent "insuffisante" la politique mémorielle menée à Bordeaux, 177 la qualifient de dispersée, et 439 la considèrent au contraire "plutôt bonne". Seulement un peu plus de la moitié des répondants (563) disent connaître déjà le travail mémoriel mené à Bordeaux, et citent d’abord le musée d’Aquitaine.

Sur la base de cette enquête, la commission de réflexion sur la mémoire de l'esclavage et de la traite négrière fait dix propositions dont celle de "construire une œuvre mémorielle à l’effigie de Modeste Testas". Modeste Testas, de son frère nom Al Pouessi est née en 1765. Elle a été enlevée en Afrique et rebaptisée Modeste Testas, du nom de ses maîtres, les frères Pierre et François Testas. Le premier gérait une plantation à Saint-Domingue, le deuxième écoulait à Bordeaux le sucre et le coton cultivés aux Antilles. Affranchie par son maître, qui lui avait fait plusieurs enfants, elle a vécu jusqu'à 105 ans.

Remettre de l'humain 

Pour Carole Lemée, docteur en Anthropologie, enseignante et chercheuse à l'Université de Bordeaux, l'idée est "d'avoir des personnes physiques que l'on puisse voir apparaître autour de ce thème qui, comme celui de la Shoah, donne souvent lieu à des représentations de masses informes derrière lesquelles les personnes disparaissent. Si on en vient à connaître d'autres personnes, on pourrait d'ailleurs imaginer élargir ce dispositif", indique t-elle sur Aqui.fr. "Avec Modeste Testas, dont la descendance est entrée en contact avec moi, nous pouvons avoir affaire à quelqu'un d'identifié, d'identifiable, remettre de l'humain, et évoquer à travers elle la complexité des différents parcours", ajoute t-elle sur Rue89 Bordeaux. 

La commission propose également de compléter les plaques des six rues portant des noms de négriers et de donner à d'autres lieux des noms d'abolitionnistes bordelais, comme celui de l'auteur martiniquais Edouard Glissant à un grand équipement culturel. 

 


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