Deux géants du négoce agricole, les Américains Cargill et Bunge, complices de la déforestation et des expropriations au Brésil : c'est l'accusation portée dans un tout récent rapport de Greenpeace, que les deux entreprises nient.
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Dans son rapport intitulé "Cultiver la violence" et rendu public mardi, l'ONG épingle les liens de Bunge et Cargill, premiers exportateurs de soja de la savane du Cerrado, avec une exploitation en particulier. Ouverte en 1978 à Formosa do Rio Preto, dans l'Etat de Bahia, dans le nord-est du pays, la ferme du groupe Estrondo, qui exploite ses terres et en loue une partie à des fermiers, s'étend officiellement sur 305.000 hectares, une superficie supérieure à celle du Luxembourg.
Alors qu'une décision judiciaire provisoire de 2017 garantit la propriété de 43.000 hectares de terres à ces communautés, les habitants dénoncent la construction sur leur territoire de guérites pour les vigiles payés par Estrondo, ainsi que plusieurs tentatives d'intimidation et de violences à leur encontre par ces derniers, une version rejetée par l'exploitation.
"Le fait que Bunge et Cargill maintiennent des relations avec Estrondo est inacceptable, eu égard à l'ensemble des irrégularités et des épisodes de violence" relevés, a déclaré à l'AFP Cristiane Mazzetti, une responsable de Greenpeace au Brésil.
"Nous n'achetons ni ne recevons d'oléagineux des zones sous embargo de l'Ibama. Quant à notre silo, il se trouve sur une propriété privée de Bunge", a déclaré le négociant.
"Cargill et Bunge nient l'évidence. L'exploitation Estrondo doit être considérée dans son ensemble, puisqu'il y a un contrôle partagé des terres et de leur usage. Les deux négociants sont donc aussi responsables", rétorque Greenpeace, ajoutant avoir prévenu les multinationales il y a plusieurs mois, "sans qu'aucune mesure concrète" ne soit prise.
Ce niveau de déforestation s'explique surtout par la forte avancée de l'agriculture industrielle, en particulier dans la région dite du Matopiba, dernier eldorado agricole du Brésil où est située l'exploitation Estrondo. Entre 2007 et 2014, près de deux tiers de l'expansion des activités agricoles s'y est faite au détriment de la savane et des plantes natives, souligne Greenpeace.
Appropriations illégales
Greenpeace affirme que Cargill et Bunge "exploitent des silos au sein de la propriété et achètent l'oléagineux directement dans ses plantations". Or selon l'Institut national de la colonisation et réforme agraire (Incra), un organe essentiel de la politique foncière au Brésil, Estrondo est le fruit "de l'appropriation illégale de 444.000 hectares" de terres, dont une partie du territoire de communautés traditionnelles, établies dans la région depuis près de 200 ans.Alors qu'une décision judiciaire provisoire de 2017 garantit la propriété de 43.000 hectares de terres à ces communautés, les habitants dénoncent la construction sur leur territoire de guérites pour les vigiles payés par Estrondo, ainsi que plusieurs tentatives d'intimidation et de violences à leur encontre par ces derniers, une version rejetée par l'exploitation.
Soja
Estrondo est aussi visée par des accusations de "déforestation illégale", notamment suite à l'obtention "frauduleuse" d'autorisations en 2002. Greenpeace affirme avoir identifié en avril une récolte de soja "cultivée illégalement sur une zone bloquée sous embargo" de l'Institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles (Ibama), ce que le groupe conteste aussi."Le fait que Bunge et Cargill maintiennent des relations avec Estrondo est inacceptable, eu égard à l'ensemble des irrégularités et des épisodes de violence" relevés, a déclaré à l'AFP Cristiane Mazzetti, une responsable de Greenpeace au Brésil.
90% de traçabilité
Les deux multinationales américaines nient quant à elles avoir des relations commerciales avec les sociétés propriétaires de l'exploitation. Jointe par l'AFP, la société Cargill a précisé que son silo se trouve à près de 60 kilomètres des zones de conflit, sans préciser sur quel terrain.Tous nos achats de soja dans la zone d'Estrondo viennent de producteurs qui ont acquis des droits légaux d'utilisation des terres. Nous ne nous fournissons pas auprès de fermiers qui déboisent des terres dans des zones protégées. Nous avons des contrôles pour éviter que des produits non conformes intègrent notre chaîne logistique.
- Cargill
Traçabilité
Bunge qui, comme Cargill, s'est engagé à mettre au point une chaîne d'approvisionnement sans déforestation, affirme avoir atteint plus de 90% de traçabilité pour ses achats directs dans les zones présentant un risque de déboisement et se conformer à la loi brésilienne."Nous n'achetons ni ne recevons d'oléagineux des zones sous embargo de l'Ibama. Quant à notre silo, il se trouve sur une propriété privée de Bunge", a déclaré le négociant.
"Cargill et Bunge nient l'évidence. L'exploitation Estrondo doit être considérée dans son ensemble, puisqu'il y a un contrôle partagé des terres et de leur usage. Les deux négociants sont donc aussi responsables", rétorque Greenpeace, ajoutant avoir prévenu les multinationales il y a plusieurs mois, "sans qu'aucune mesure concrète" ne soit prise.
"Eldorado"
Avec deux millions de kilomètres carrés, le Cerrado est le deuxième "biome" du Brésil après la forêt amazonienne, c'est-à-dire une région biogéographique s'étendant sous un même climat, comme la toundra, la forêt tropicale humide ou le récif corallien. Cette savane, couvrant l'équivalent de trois fois la France, a déjà perdu près de la moitié de sa végétation d'origine.Ce niveau de déforestation s'explique surtout par la forte avancée de l'agriculture industrielle, en particulier dans la région dite du Matopiba, dernier eldorado agricole du Brésil où est située l'exploitation Estrondo. Entre 2007 et 2014, près de deux tiers de l'expansion des activités agricoles s'y est faite au détriment de la savane et des plantes natives, souligne Greenpeace.