Près de 18 % des adultes résidant dans l'Hexagone sont touchés par l'obésité, selon la dernière étude de la Ligue contre l'obésité. Ce taux monte à 22,4 % pour les habitants ultramarins. Mise en place par la Ligue nationale contre l'Obésité et Odoxa, l'étude OFEO, observatoire français d'épidémiologie de l'obésité, inclue pour la première fois les départements et territoires d'outre-mer dans ses résultats. Si la prévalence globale de l'obésité progresse constamment, à l'échelle hexagonale, près d'un adulte sur deux souffre de surpoids ou d'obésité. Dans les DROM-COM, ce chiffre passe à plus d'un adulte sur deux (51,8 %). Entretien avec Annick Fontbonne, épidémiologiste à l'Inserm et présidente du conseil scientifique de la Ligue nationale contre l'Obésité.
Vous avez récemment présenté les nouveaux chiffres de l'étude OFEO, qu'est-ce que vous cherchez à faire avec cette étude et comment s'est-elle organisée ?
La Ligue contre l'obésité a commandité une étude en 2020, ObEpi-Roche, qui a pour but de donner des chiffres sur la prévalence du surpoids et de l'obésité en France. L'étude OFEO de 2024 est dans la continuité de cette étude de 2020 pour voir comment les chiffres ont évolué depuis quatre ans. Et c'est la première fois qu'on a réalisé cette enquête par sondage dans les territoires d'Outre-mer. On a assez peu de données en général sur les DROM-COM. On a des enquêtes sur le diabète, mais ce n'est pas toujours très facile d'avoir une enquête de terrain, donc un sondage nous a paru comme une bonne première approche. Ce qui ressort, c'est que l'obésité est plus fréquente dans les Outre-mer. On est à plus de 22 % de la population, contre un peu moins de 18 % en France hexagonale.
Qu'est-ce qui explique cette différence selon vous ?
Il y a probablement plusieurs hypothèses. Des hypothèses génétiques d'abord, les habitants des Outre-mer ont des héritages génétiques un peu différents des habitants de la France métropolitaine. Le second facteur qui peut jouer est la précarité. Globalement, les Ultramarins ont plus de difficultés socio-économiques que les Hexagonaux. La précarité est un facteur qui peut être contre-intuitif, mais l'obésité est plus fréquente dans les classes les plus défavorisées.
On l'explique pour une grande part par l'alimentation. En général, c'est dans ces classes-là que se diffuse le plus les aliments qu'on dit ultratransformés, industriels. Ils sont très déséquilibrés, riches en sucres, en gras, en sel. Ils contiennent aussi beaucoup d'aliments chimiques dont on commence à penser que ce sont des perturbateurs endocriniens, qui peuvent aussi favoriser l'obésité.
Vous êtes épidémiologiste et vous étudiez l'obésité. C'est donc une maladie que l'on considère comme une épidémie ?
L'obésité, c'est l'OMS qui l'a dit, ça devient une véritable pandémie. Évidemment, ce n'est pas contagieux. Mais comme ça atteint de plus en plus de gens, de plus en plus de pays dans le monde et que les chiffres continuent d'augmenter, ça équivaut à une pandémie non contagieuse.
C'est un phénomène mondial, dans tous les pays, on a une progression de cette alimentation déséquilibrée, on a une progression de la sédentarité aussi. On a en plus les problèmes socio-économiques qui touchent de plus en plus les classes les moins favorisées. On l'a vu avec le Covid, l'inflation... Les gens ont de moins en moins de moyens pour se payer une alimentation saine. Parce que l'alimentation industrielle est souvent la moins chère et la plus accessible.
Est-ce déjà trop tard quand on souffre d'obésité ? Quelles sont les habitudes simples à mettre en place pour lutter contre le surpoids et l'obésité ?
Quand on est en situation d'obésité, on souffre d'une maladie chronique. Elle doit être prise en charge comme une maladie chronique. Il y a des choses à faire : un rééquilibrage alimentaire et un soutien psychologique aussi. Souvent, le passage a une situation d'obésité est liée à des déséquilibres psychologiques. À la Ligue contre l'obésité, il existe une ligne d'écoute, où les gens témoignent souvent d'abus sexuels qui peuvent déclencher une situation d'obésité à l'âge adulte. À partir du moment où on a déjà un surpoids ou une situation d'obésité, ce sont des soins. Il ne s'agit plus de prévention, il faut entrer dans un circuit de soins pluridisciplinaire, de retrouver un poids qui permette de ne plus avoir toutes les complications pathologiques comme le diabète ou de l'hypertension.
Dans l'aspect prévention, quand on est encore à un poids normal ou quelques kilos en trop, il faut essayer de manger des aliments plus naturels, qu'on prépare soit même et d'éviter les plats préparés. Et faire un peu d'activité physique ne fait pas de mal non plus ! Ensuite, il y a aussi des mesures politiques qu'on peut prendre pour prévenir l'obésité et ça, c'est aussi très important que ce soit mis en place. On ne peut pas demander aux gens qui sont devant des choix alimentaires très complexes de savoir ce qui est meilleur pour eux.
La Ligue contre l'obésité est présente dans les Outre-mer, vous pouvez retrouver la structure la plus proche de chez vous via ce site : https://liguecontrelobesite.org/fr/annuaire/
Une ligne d'écoute 100 % gratuite est également ouverte au +33 (0)4 48 206 206 ou via mail à aide.obesite@liguecontrelobesite.org