Il y a 100 ans décédait à la guerre un passionné d’art kanak. Paul Montague n’avait que 27 ans, mais il est parvenu à rassembler une collection de 200 objets qu’abrite le Muséum d’archéologie et d’anthropologie de Cambridge en Angleterre. La1ère s’y est rendue.
C’est en 1914 que Paul Montague s’est rendu sur la grande terre en Nouvelle-Calédonie. Il avait auparavant étudié la zoologie à l’Université de Cambridge. Personnage romantique, Paul Montague était ami de l’écrivaine Virginia Woolf. Il appartenait à ce courant de jeunes intellectuels dénommé Bloomsbury…"Il allait camper autour de Cambridge avec tous ces intellectuels, précise Lucie Carreau du muséum d'anthropologie de Cambridge. Il jouait de la musique".
Pour en savoir plus sur Paul Montague et sa collection d'art kanak, regardez ci-dessous le reportage de France Ô/Outremer1ère :
A l’Université de Cambridge, L’un de ses professeurs Alfred Haddon lui avait conseillé d’aller sur le terrain. C’est donc dans cet esprit de découverte, accompagné d’un botaniste d’Afrique du Sud Robert Compton que Paul Montague est parti pour la Nouvelle-Calédonie. Ensemble, ils ont sillonné la grande terre, à cheval et à pied. Ils avaient dans leurs bagages un appareil photographique ainsi que du matériel pour réaliser des enregistrements.
Séjour à Houaïlou
Rapidement, Paul Montague a délaissé sa spécialité (la zoologie) pour s’intéresser à la culture kanak. A Houaïlou où il a passé plusieurs mois, Paul Montague a sympathisé avec deux kanaks originaires de Lifou, Upiko et Nanine. Ils les a employé pour mener à bien ses recherches sur la musique, les chants, les traditions et les croyances kanaks. Ces deux hommes, selon Julie Adams, spécialiste d'art océanien au British Museum vivaient près de la mission Do Neva.
Ecriture d'un journal personnel
Paul Montague a entrepris l’écriture d’un carnet intime qu’il a enrichi de ses illustrations. Il dessinait des objets, notait la musique de certains chants traditionnels. Il décrivait les cérémonies kanaks et l’organisation de cette société. Il n’hésitait pas à critiquer aussi l’impact négatif des colons sur la culture kanak. Il blâmait la disparition d’un mode de vie ancestral causé par les colons et les missionnaires alors "que lui-même en collectionnant des objets participait à ce déclin", note Julie Adams dans un petit livre sur Paul Montague.
Une biographie en préparation
Ce carnet est encore visible au Muséum d’archéologie et d’anthropologie de Cambridge. Julie Adams, conservatrice au British Museum, l'a découvert en 2012. Elle s'est réellement intéressée à cet anthropologue et à sa collection. Elle prépare en ce moment une biographie complète de Paul Montague.
Les pierres magiques
Sur place, Paul Montague s’est beaucoup intéressé aux pierres magiques kanaks dont il a rassemblé quarante exemplaires. Certaines avaient pour objectif d'obtenir une bonne récolte, d'autres de trouver un mari ou une femme. "Paul Montague était fasciné par le rôle des pierres magiques dans la vie traditionnelle kanak", explique Julie Adams à La1ère. A l’époque, les missionnaires étaient déjà présents et très actifs. Les conversions se multipliaient c’est pourquoi Montague a pu ainsi collecter autant de pierres.
Retour en Angleterre
En août 1914, à Houaïlou, Paul Montague a appris que la Première guerre mondiale enflammait l’Europe. A son retour à Cambridge, Montague est revenu avec une collection de 200 objets, un journal complet ainsi que de nombreuses photos et enregistrements sonores. Il s’est mis à travailler au musée de Cambridge en faisant l’inventaire de sa collection et en commençant à écrire un récit de son voyage.
Mort à 27 ans
En mars 1915, Paul Montague apprend la mort de son frère à la guerre. Cette nouvelle le bouleverse et le décide à s’engager. Il apprend à piloter et intègre la Royal Air Force. En octobre 1917, son avion est touché à Thessalonique. Un photographe employé par les forces bulgares a pris une photo du corps de Paul Montague allongé devant son avion. L’anthropologue n’avait que 27 ans.
Retour en Nouvelle-Calédonie
Depuis 2012, Julie Adams du British Museum mène des recherches sur la vie l'oeuvre de Paul Montague. Elle s'est rendue en Nouvelle-Calédonie à Houaïlou où elle a fait part de ses recherches à la population. "Une femme m'a dit sur place qu'il y avait une connexion entre Cambridge et Houaïlou qui dormait depuis 100 ans et qu'elle s'est réveillée avec ces recherches", confie la spécialiste d'art océanien.