Pour justifier cette opposition, les détaillants en carburant, qui revendiquent environ 1.700 salariés, dont des pompistes, un métier porté disparu dans l'Hexagone, avancent l'argument de l'emploi. "Nous sommes dans un système administré où les gérants de stations acceptent d'utiliser 12 centimes de leur marge bénéficiaire par litre pour financer l'emploi", explique à l'AFP Gérard Lebon, président du syndicat réunionnais des exploitants de stations-service (SRESS), refusant que la "prime" TotalEnergie perturbe le système. Sous-entendu : impossible dans ces conditions de baisser encore les prix de 20 centimes sans mettre en péril l'emploi, assure le dirigeant du syndicat.
Pour l'heure, seule la remise forfaitaire de 25 centimes par litre, financée par l'État est appliquée. Cette particularité embarrasse le gouvernement. "Je ne suis pas content de ce que je n'ai pas réussi à faire", a déclaré mardi, devant la délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale, Jean-François Carenco, à propos de l'échec de ses discussions en juillet dernier avec les dirigeants du SRESS.
Argument de poids
En visite officielle à La Réunion, il avait alors tenté d'obtenir l'application de cette remise. Et le SRESS avait agité la menace de licenciements massifs dans les points de vente. Un argument de poids dans une île où, selon les derniers chiffres de l'Insee, le chômage frappe 19% de la population active. Mais Jean-François Carenco réfute cet argument. "La remise de 20 centimes de TotalEnergies n'a été possible qu'à Mayotte parce que (à La Réunion - ndlr) un certain nombre de monopoles de l'approvisionnement en carburant n'ont pas joué le jeu", a-t-il souligné à l'Assemblée nationale. Ils "ont fait croire aux pompistes qu'ils seraient directement impactés. Ce qui était faux", a-t-il ajouté.
Le ministre souhaite donc rouvrir la discussion. "Il faut que ce système évolue. Il n'est pas possible que l'essence soit aussi chère dans ces deux groupes de territoires (aux Antilles aussi la remise n'est pas appliquée - NDLR). Le débat est reparti là-dessus", a-t-il affirmé. Le SRESS dit ne pas "fermer la porter aux discussions". "Nous sommes bien sûr ouverts à une concertation, mais il faut réfléchir à comment mettre en place cette ristourne, et à quelle hauteur. Il faut aussi que cela concerne tout le monde, et pas uniquement TotalEnergies", insiste Gérard Lebon. L'idée est que les quatre compagnies pétrolières approvisionnant l'île, TotalEnergies Marketing Réunion, Vivo Energy, Ola Energy, et la Société réunionnaise des produits pétroliers (SRPP), mettent la main au portefeuille.
Pouvoir d'achat
Selon l'Insee, les prix ont augmenté de 4,6% entre juillet 2021 et août 2022. Avec 37% de la population qui vit sous le seuil de pauvreté, et une dépendance accrue à la voiture pour pouvoir se déplacer dans la vie quotidienne, cette remise de 20 centimes sur les carburants aurait une répercussion immédiate sur le pouvoir d'achat des Réunionnais mis à mal au cours de ces derniers mois. Au 1er octobre 2022, le litre de sans-plomb coûtait 1,53 euro, et celui du gazole 1,35 euro. Grâce à une aide exceptionnelle de la Région, le prix de la bouteille de gaz est plafonné à 15 euros jusqu'à la fin de l'année.
Pour combattre la hausse des prix à Mayotte, où le taux de pauvreté est cinq fois supérieur à celui de l'hexagone, État, Conseil départemental et TotalEnergies Mayotte ont annoncé début septembre que leur travail commun avait abouti à une baisse du prix de l'essence à la pompe de 52 centimes (7,4 centimes d'euro par litre grâce au Conseil départemental, 25 cts/l par l'État et 20 cts/l par TotalEnergies jusqu'au 31 octobre).