C’est un moment toujours empreint d’émotion. Ce 23 mai a été reconnu comme le jour national d’hommage pour les victimes de l’esclavage. Pour cette édition, les organisateurs ont choisi un lieu fort. La ville de Saint-Denis à Paris. C’est ici qu’a été installée une stèle en la mémoire de 213 esclaves, avec leurs prénoms, matricules et noms gravés dessus.
Plusieurs évènements étaient au programme de la cérémonie. Le village mémoriel où se trouvaient des stands a attiré quelques badauds, mais surtout des personnes en questionnement sur leur généalogie. "Voilà des années que je cherche, glisse Alain, 66 ans, de la Guadeloupe. Chaque année, je viens aux évènements du CM98 dans l’espoir de trouver des informations sur mes aïeux esclaves." Posté devant le mur où se trouvent plusieurs noms et matricules d’esclaves, l’homme réfléchi. Son regard se fige. Sans doute repense-t-il à la douleur qu’ont vécu ses ancêtres.
Quelques minutes plus tard, aux alentours de 16 h 15, un autre moment d’émotion : la cérémonie républicaine. Une bonne cinquantaine de personnes sont présentes. Des anonymes se mêlent à quelques personnes bien connues du paysage culturel comme la chanteuse du groupe Kassav, Jocelyne Beroard ou le chanteur martiniquais Philippe Lavil. Le monde politique ultramarin est aussi représenté avec la présence notamment de Christian Baptiste, député de la Guadeloupe.
Tous ont pu entendre le discours fort et poignant de Serge Romana, président de la fondation esclavage et réconciliation. Dans son allocution, le Guadeloupéen a voulu alerter la foule présente, mais aussi tous les descendants d’esclaves sur leur histoire. "S’il y a du mépris, personne d’autre ne peut le réparer que nous. La honte, ce n’est pas l’argent qui répare ça. L’absence de filiation et la coupure par rapport aux aïeux, ce n’est pas l’argent non plus qui va le réparer. Avance-t-il.
Nous devons effectuer un travail très profond, prendre l’engagement de retrouver les nôtres. S’il n’y a pas de communion entre nous, on ne pourra jamais construire notre pays.
Serge Romana
Une cérémonie fondamentale pour la mémoire collective
De l’aveu de tous, cette cérémonie du 23 mai est importante pour la mémoire, mais aussi pour la transmission. "Tant qu’on peut commémorer, faisons-le, clame Aïssata SECK directrice de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage. La commémoration, ce n’est pas seulement un devoir de mémoire, c’est aussi un moyen de transmettre à toute cette jeunesse une histoire trop peu connue."
Il y avait peu ou pas de jeunes présents lors de cette cérémonie, mais ce n'était pas l'essentiel. L'objectif de cette manifestation était avant tout de se souvenir et de célébrer les ancêtres. "C’est une cérémonie fondamentale, parce qu’elle nous ramène aux tout premiers, ceux qui ont permis l'existence de ces peuples, ceux qui ont subi toute la violence et toutes les difficultés," explique Emmanuel Gordien, président de l’association CM98. Le Guadeloupéen a tenté de transmettre un message apolitique, pour éviter le "déjà-vu" et se concentrer sur des actions concrètes.
Après les discours, le temps du recueillement près de la stèle en hommage aux esclaves a commencé, suivi d’un dépôt de gerbe. Le tout était accompagné d'une prestation musicale du collectif Yin Yang Ka.
La cérémonie s’est poursuivie dans la soirée, avec une messe en hommage aux victimes de l’esclavage et s’est conclue en musique, avec une ronde des tambours réunissant des sonorités de divers départements des Outre-mer.